5. Les macropolluants
p. 210-211
Texte intégral
1En milieu naturel, la capacité de l’eau à se renouveler et à s’auto-épurer en fait une substance unique. Ce processus naturel est lent et peut s’avérer ardu lorsque l’eau reçoit trop de polluants. L’écosystème* peut alors avoir une qualité dégradée, un fonctionnement modifié ou ne plus remplir correctement son rôle de « fournisseur d’eau ». Le terme « macro-polluants* » regroupe des composés ou familles de composés présents dans le milieu aquatique en concentrations significatives (de l’ordre du mg/l ou du g/l), avec des effets négatifs sur le vivant. Autant que sa nature, la substance polluante est caractérisée par les effets qu’elle produit, la cible qu’elle atteint ou sa concentration/dose dans le milieu.
2La pollution peut être causée par la nature elle-même (éruption volcanique, sols acides…), mais elle résulte le plus souvent d’apports anthropiques* : rejets domestiques (notamment les eaux vannes*), agricoles (lisiers*) ou industriels (papeteries, abattoirs, laiteries,…). Il est d’usage de regrouper les paramètres analysés en fonction de leur effet ou de la nature des altérations de la qualité qu’ils traduisent. Ils peuvent être décantables (pollution particulaire ou matières en suspension), non décantables, du fait de leur petite taille, (colloïdes*) ou solubles (pollution dissoute) et sont généralement classés en pollutions carbonée, azotée et phosphorée.
Matières en suspension
3Les matières en suspension (MES) sont des matières insolubles, décantables, minérales ou organiques, biodégradables ou non. Les particules qui les constituent ont une taille supérieure à 0,45 micromètre (µm). Dans des eaux de rejet urbain, leur teneur varie de 100 à 400 mg/L.
4Dans le milieu naturel, elles proviennent des effets de l'érosion* (particules minérales et organiques) et des détritus d'origine biologique. Leur principal effet, qui peut être évalué par la mesure de la turbidité*, est de troubler l'eau et de gêner la pénétration de la lumière : la photosynthèse* est freinée et la croissance des plantes perturbée (cf. II.17). Les matières en suspension conduisent également à des fermentations contribuant aux carences en oxygène et à des effets mécaniques sur les poissons par colmatage des branchies.
Matières organiques et pollution carbonée
5Les matières organiques comprennent ainsi les végétaux, les excréments, mais également les hydrocarbures, les pesticides*, les solvants… Il convient de différencier les matières organiques biodégradables, qui se décomposent dans le milieu naturel, et les matières organiques non biodégradables. Dans tous les cas, les matières organiques sont oxydables. Leur décomposition entraîne donc une consommation d’oxygène du milieu. Or, l’oxygène dissous est indispensable à la vie des animaux aquatiques, mais également à celle des bactéries aérobies* participant au procédé dit « d'autoépuration* ». Il peut être évalué directement par la teneur en oxygène dissous ou indirectement par des paramètres qui évaluent la quantité d’oxygène nécessaire à l’oxydation* des matières organiques. Ainsi, la demande chimique en oxygène (DCO) représente la quantité d'oxygène qui serait nécessaire pour oxyder par voie chimique les substances organiques oxydables contenues dans l’eau. La demande biologique en oxygène (DBO) mesure le caractère biodégradable des matières organiques. Elle représente la quantité d'oxygène nécessaire à leur dégradation par les micro-organismes qui se développent. Et enfin, le carbone organique total (COT) indique la charge organique d'une eau.

Fig. 1 – Effets de l’eutrophisation sur la faune piscicole. © K. Kiser

Fig. 2 – a) L’ACP permet mathématiquement de déterminer deux nouvelles composantes rassemblant le maximum d’inertie du nuage de points initial (F1 et F2). Les données expérimentales peuvent être représentées dans le plan formé par ces composantes, ce qui facilite l’étude des corrélations linéaires entre les concentrations en macropolluants dans les eaux et les usages. b) Valeurs moyennes et écarts-types des concentrations en macropolluants dans les eaux usées domestiques rejetées par 16 foyers français. Les échantillons ont été prélevés sur 7 jours consécutifs à l’occasion de deux campagnes par famille
Nutriments : pollution azotée et pollution phosphorée
6Les nutriments sont principalement de l'azote et du phosphore, qui ont à la base des engrais agricoles. Quand les plantes sont trop nourries, une prolifération végétale appelée « eutrophisation* » apparaît et va entraîner une demande d'oxygène importante. L’équilibre des organismes vivants dans l’eau est alors perturbé et des situations d’anoxie* des milieux aquatiques peuvent s’accompagner d’une diminution, voire de la disparition, de la faune piscicole (figure 1).
7L’azote présent dans l'eau peut avoir un caractère minéral (ammoniaque, nitrites, nitrates) ou organique (protéines, polypeptides, acides aminés, urée*…). La pollution azotée se mesure via l'azote global comprenant ces différentes formes azotées. Les plus grosses contributions à ce type de pollution proviennent de l’agriculture et de la chimie industrielle.
8Le phosphore peut se rencontrer sous forme de composés organiques et de sels minéraux (orthophosphates et polyphosphates). Le phosphore organique provient des composés comme les phosphoprotéines*, phospholipides*, nucléoprotéines*, mais aussi des insecticides. Les orthophosphates proviennent de la décomposition de la matière organique ou des engrais phosphatés, mais aussi des polyphosphates dissociés par hydrolyse. Les polyphosphates, moins présents dans les lessives, sont encore utilisés dans les industries agro-alimentaire et pharmaceutique...
Vers une étude statistique
9Quotidiennement, les êtres humains rejettent dans le milieu naturel des macropolluants. Leur qualité et leur quantité changent selon les cultures et l’évolution de la société. En présence d'un grand nombre de prélèvements décrits par plusieurs variables, l’analyse en composantes principales (ACP) a pour objectif de décomposer, et ainsi de réduire, un jeu de données quelconque en une série de composantes qui en décrivent les propriétés principales. L’ACP se focalise sur des liaisons linéaires entre variables et permet de condenser les informations et donc de les interpréter plus facilement. L’idée est de représenter le nuage de points dans un espace de dimension réduite de façon « optimale ». Des recherches sur la qualité des eaux usées domestiques de plusieurs familles ont ainsi montré que les teneurs en ions ammonium sont corrélées aux nombres de douches, repas, passages aux toilettes, et que les teneurs en phosphore évoluent avec le nombre de lessives (figure 2).
Bibliographie
Références bibliographiques
• Memento technique de l’eau, Degremont, Lavoisier, 2005.
• B. LEGUBE et N. MERLET (coll.) – L’analyse de l’eau, Rodier, Dunod, 2009.
Auteurs
Maître de conférences émérite à l’INPT, LCA, Toulouse, p. 210.
mireille.vignoles@ensiacet.fr
Chimiste, Maître de conférences à l’INPT, LCA, Toulouse, p. 210.
claire.vialle@ensiacet.fr
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