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L'eau à découvert

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Agathe Euzen
, 
Catherine Jeandel
, 
Rémy Mosseri

Deuxième partie. H2O : aspects fondamentaux

4. La molécule d’eau et la liaison hydrogène

Claude Millot

Texte intégral

La molécule d’eau

1Constituée d’un atome d’oxygène O et de deux atomes d’hydrogène H, la molécule d’eau H2O est une des molécules les plus simples et des plus abondantes dans l’univers. En règle générale, les atomes d’une molécule sont stabilisés lorsqu’ils mettent en commun des électrons dits de « valence ». La forme précise de ce « ciment », appelé « nuage électronique », avec des jeux subtils d’attraction et de répulsion, est bien décrite par la chimie quantique. En phase gazeuse, cette molécule en forme de V est caractérisée par une longueur de liaison OH de 0,957 Å et un angle HOH de 104,47° L’atome d’oxygène attire le nuage électronique vers lui, ce qui confère à chaque liaison OH un caractère polaire, l’atome d’oxygène portant une charge négative d’environ -0,7 e et chaque hydrogène une charge positive de + 0,35 e. La molécule possède ainsi un moment dipolaire* de 1,85 Debye qui est une valeur importante, eu égard à sa petite taille. Enfin, 85 % des électrons étant localisés autour de l’atome d’oxygène, la molécule d’eau peut être assimilée en première approximation à une sphère, dont le rayon est de l’ordre de 1,75 Å. À noter que dans l’eau liquide, la longueur de la liaison O–H augmente légèrement (d’environ 0,04 Å) en raison des interactions intermoléculaires qui affaiblissent la force de la liaison, tandis que l’angle HOH s’ouvre d’environ 1 à 2°, pour la même raison.

Dimère et liaison hydrogène

2Lorsque deux molécules d’eau sont en interaction (un dimère), une liaison particulière s’établit entre elles : c’est la liaison hydrogène. Bien qu’elle soit sensiblement moins intense que la liaison interne aux molécules, elle joue néanmoins un rôle extraordinairement important dans la nature. Elle implique un atome d’oxygène (électronégatif) d’une molécule avec un des atomes d’hydrogène (électropositif) de l’autre molécule, les trois atomes O–H–O formant un enchaînement à peu près linéaire (figure 1). Ce type de liaison existe également dans d’autres liquides comme les alcools. Bien que l’analyse des différentes contributions à l’énergie d’interaction du dimère montre que l’interaction électrostatique entre les oxygènes et les hydrogènes est prépondérante, les autres contributions (comme la répulsion à courte portée entre les atomes et l’interaction, plus subtile, entre les nuages électroniques des deux molécules) ne sont pas vraiment négligeables. Ainsi, c’est le résultat de la superposition de ces différents types d’interaction qui est responsable de la structure particulière du dimère, et notamment du caractère directionnel de la liaison hydrogène. En particulier, l’intensité de la liaison hydrogène est sensible à la configuration relative adoptée par les deux molécules (distance entre atomes d’oxygène, angles α et surtout β).

Fig. 1 – Configuration de deux molécules d’eau liées par une liaison hydrogène

Fig. 2 – Quelques agrégats d’eau attendus en phase vapeur

Vers les agrégats et les phases condensées

3En phase vapeur, lorsqu’une molécule d’eau est engagée dans une liaison hydrogène avec une molécule voisine, la réorganisation du nuage électronique favorise la formation d’une nouvelle liaison hydrogène conduisant ainsi, de proche en proche, à la formation d’agrégats de structures variées, cycliques, formées de cycles accolés ou en forme de cage irrégulière ou régulière, comme le prisme triangulaire pour (H2O)6, le cube pour (H2O)8 ou le dodécaèdre pour (H2O)20 (figure 2). Dans l’eau liquide, la structure particulière de la liaison hydrogène du dimère permet à la molécule acceptrice de proton (molécule de droite dans la figure 1, qui se lie à l’un des protons H de la molécule de gauche), de se lier par liaison hydrogène à trois autres molécules d’eau (figure 3). Ainsi, dans l’eau et dans la glace, chaque molécule est impliquée dans 4 liaisons hydrogène (strictement 4 dans la glace et autour de 3,5 en moyenne dans l’eau liquide). La résilience de cette structure tétraédrique avec la température et la pression est responsable du diagramme de phase complexe de l’eau (cf. II.5) et des nombreuses propriétés anormales de l’eau liquide (cf. II.2-6). En élevant la température de l'eau liquide, la force et le nombre des liaisons hydrogène diminuent, mais il en subsiste toujours à haute température, et même bien au-delà de la température critique (Tc = 374°C, cf. II.2).

Fig. 3 – Enchaînement de molécules dans l'eau liquide (montrant qu'une molécule d'eau peut faire jusqu'à quatre liaisons hydrogène)

Bibliographie

Références bibliographiques

• M. CHAPLIN – Water Structure and Science, www1.lsbu.ac.uk/water.

• A. STONE – The Theory of Intermolecular Forces, Oxford University Press, 2013.

Table des illustrations

Légende Fig. 1 – Configuration de deux molécules d’eau liées par une liaison hydrogène
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/9795/img-1.jpg
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Légende Fig. 2 – Quelques agrégats d’eau attendus en phase vapeur
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/9795/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 160k
Légende Fig. 3 – Enchaînement de molécules dans l'eau liquide (montrant qu'une molécule d'eau peut faire jusqu'à quatre liaisons hydrogène)
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/9795/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 36k

Auteur

Chimiste théoricien, Professeur à l'Université de Lorraine, SRSMC, Nancy, p.54.
claude.millot@univ-lorraine.fr

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