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Devenir prince

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Pascale Mormiche

Troisième partie. La science du prince

Chapitre 4. Le prince glorieux et pacifique

Texte intégral

  • 1 La Mothe La Vayer, Instruction de Mgr le Dauphin, 1783, p. 27 et suivantes.

1L’image du roi combattant est encore traditionnelle au début de l’époque moderne. Le roi est responsable des combats et s’expose aux armées. Cependant la gloire de Louis IX, modèle pour ses successeurs, ne provient pas tant de la croisade que de sa piété extrême. Si la souveraineté d’un roi consiste à décider la guerre, le roi tire bientôt sa gloire d’un bon règlement diplomatique et de son habilité dans les négociations. Un roi de guerre est aussi un prince prudent et pacifique. Il lui faut apprendre le métier de roi de guerre : « Un souverain doit être instruit dans l’art de faire camper une armée, de la ranger en bataille & de la faire combattre [...] ce prince avoit excellé dans cette connaissance que les Romains ont appelé la Castramétation [...] il doit reconnaître une ville ennemie afin de ne l’attaquer que par l’endroit le plus commode & le plus foible [...], témoigner aux soldats une grande humanité [...] un souverain doit encore examiner s’il lui est plus avantageux d’attendre son ennemi que de l’attaquer [...] c’est une des grandes maximes de la politique qu’un roi doit faire la guerre en personne parce que celui qui n’est roi qu’en son cabinet court le risque de trouver son maître dans la campagne [...] il faut surtout qu’un prince se souvienne qu’il n’a entrepris la guerre que pour arriver à une solide paix1. »

Des études théoriques

Jules César : « un homme de qui il fallait apprendre à faire la guerre2 »

  • 2 Bossuet, Lettre à Innocent XI.

2Les princes peuvent trouver des exemples de bravoure et de courage dans les auteurs antiques comme Thucydide pour la guerre du Péloponnèse, Suétone pour les guerres d’Auguste. Ils connaissent des maximes comme celle de saint Augustin : la guerre qui ne se fait pas pour le salut de l’État est injuste. Cependant, l’étude de César parait indispensable au prince appelé à être conquérant. Le récit de ses batailles est une mine de descriptions militaires et de détails pratiques.

  • 3 BnF mss fr 17263. C’est une traduction française des livres I-V, 36 de De bello gallico, où dans la (...)
  • 4 Zuber, p. 98. Perrot d’Ablancourt traduit entre 1640-1644 les Annales de Tacite et surtout Germanic (...)
  • 5 Lacour-Gayet, 1923, p. 76, Du Bois, p. 215.

3Si Henri IV étudia la Guerre des Gaules3, rien ne l’indique pour son fils. Pourtant les traductions sont nombreuses à l’époque de son éducation. Perrot d’Ablancourt traduit Jules César entre 1645 et 16524. La noblesse, qui prend aussi César comme modèle, adhère à l’idée que si le chef possède la maîtrise et l’usage de l’art militaire, le soldat peut réaliser un exploit. Au moment où commence son éducation militaire vers treize ans, Louis XIV aborde César. À la mi-juin 1651, « le roi montra à sa bonne amie, Mme de Lansac [sa gouvernante] un paquet tout entier des Commentaires de César qu’il avait traduits du latin en français, tant Sa Majesté était avancée, n’ayant encore que treize ans, ce que le roi avait traduit en l’absence de M. de Rodez son précepteur5 ».

  • 6 Le port Icius de César, Mémoire sur la Gaule de Nicolas Sanson.

4L’âge des princes conquérants est à son apogée. Louis XIV imprime les premiers livres de La Guerre des Gaules. Il a étudié avec des cartes tracées par Nicolas Sanson6. La guerre des Suisses est la bataille dans laquelle César a fit preuve de la plus grande inventivité, d’esprit stratégique et aussi de dissimulation pour vaincre. Choisir ce texte comme ouvrage de dédicace en dit long sur les objectifs affichés de sa formation.

  • 7 BnF mss fr 13430 : 78 pages, de la collection Lechaudé-Anisy.
  • 8 BnF mss fr 12839, papiers Bossuet, f 3-4.

5Le grand Dauphin est aussi entraîné à admirer Jules César et à travers lui son père. Bossuet lui fait étudier le premier livre de La guerre des Gaules avec l’aide de Huet7, ses observations sur la grammaire latine sont produites d’après César8. Il lui fait un recueil de Maximes tirées de César dans une édition des Variorum des Commentaires. Au moment de la guerre de Hollande (1672-1678), César est utilisé pour défendre l’idée d’une guerre juste. Le passage du Rhin permet un parallèle entre César et Louis XIV en 1672, entre l’histoire ancienne et l’histoire de France.

  • 9 Les textes sur la guerre de Hollande (Madrid ms 334, 66 pages manuscrites) pour le duc d’Anjou sont (...)
  • 10 BnF mss fr 1759 : César en Mauritanie, Égypte, Espagne, Mss fr 2319 à 2321 guerre des Gaules et gue (...)

6Des textes du dauphin furent réutilisés par les précepteurs de Bourgogne9. Les trois frères ont étudié les mêmes textes en respectant le décalage des âges. En revanche, les textes étudiés entre 1695 et 1697 sont plus diversifiés que ceux du dauphin10. Alors que la guerre et les conquêtes sont critiquées à la cour, au moment de la guerre de la ligue d’Augsbourg (1688-1697), alors que le mythe d’Alexandre est implicitement remis en cause, les précepteurs n’ont pas changé un mot des traductions de la guerre de Hollande. Cet exercice scolaire n’interdit sans doute pas les commentaires oraux.

  • 11 BnF naf 2076, Ranchon, p. 169 et suivantes.
  • 12 BnF AR 102, carton 4, liasse 13, f 138, 9 mai 1740, Notes des livres fournis pour M. le dauphin, si (...)
  • 13 Idem, Folard chevalier J. Ch. (1668-1752), Histoire de Polybe, nouvellement traduite du grec par Do (...)

7Louis XV serait le seul prince à n’avoir pas étudié Jules César. Selon Ranchon qui est la seule source sur cette période mais un témoin parfois mal informé, il faut lui préférer l’histoire monarchique : « ce prince devoit encore être mieux instruit de l’histoire de son royaume que des belles actions de Xénophon et de César, de Philippe et d’Alexandre, ce que ce prince doit à la patrie marche immédiatement après ce qu’il doit à Dieu. La France est sa véritable famille et elle mérite tous ses soins, toute son application et toute sa tendresse11 ». En 1737, si on annonce à la cour que le dauphin tout juste passé aux hommes, ayant abordé Cicéron, apprécie plutôt les Tusculanes, dans son cabinet, il travaille sur l’apprentissage stratégique, sur l’organisation d’une campagne en pays ennemi, sur la retraite de Dix mille de l’Anabase de Xénophon, sur les batailles d’Alexandre avec la traduction de Perrot d’Ablancourt12. En août 1768, son fils Berry travaille son latin et la stratégie avec de nouvelles traductions, succédanés des combats antiques tirés de César mais aussi d’Arrien et de Polybe13.

  • 14 Bossuet, Lettre à Innocent XI.

8La permanence de César dans les éducations princières en font un classique de l’apprentissage militaire. Ses conquêtes permettent d’aborder des contrées variées et des peuples différents et comme le dit Bossuet dans sa lettre au pape « nous lui voions faire des campements, mettre ses troupes en bataille, former et exécuter ses desseins14 ». Cependant, la personnalité de César est discutée dans les Dialogues de Fénelon. Jules César devient le paradigme du combattant courageux qui agit avec intelligence, préparant les combats avec justice et modération. Il est beaucoup moins utilisé au xviiie siècle.

Castramétation et mathématiques

L’apprentissage théorique des mathématiques

  • 15 Romano, p. 477. Chassagne S., « Comment apprenait-on les mathématiques sous l’Ancien Régime ? », da (...)
  • 16 La Mothe Le Vayer Fr., De l’instruction de Mgr le dauphin, De l’arithmétique, p. 70.
  • 17 Ceci est comparable aux Collèges jésuites dont l’auditoire de mathématiques est constitué d’élèves (...)
  • 18 Camille Fremontier-Murphy, Catalogue raisonné des Instruments de mathématiques, xvie-xviiie siècle, (...)
  • 19 L’écriture algébrique n’est pas connue avant que le créateur du symbolisme algébrique, François Viè (...)

9La « castramétation » est inséparable des mathématiques, savoir annexe de l’art militaire. Elles sont une science pratique car la géométrie mène à l’arpentage, à l’architecture ou aux fortifications tandis que l’arithmétique sert pour la comptabilité et l’optique pour l’astronomie. Les précepteurs se contentent donc longtemps d’enseigner la géométrie, fondement de l’artillerie. Le programme se cantonne aux premiers livres de géométrie d’Euclide (qui forment d’ailleurs encore l’essentiel de la géométrie jusqu’au début du xxe siècle), aux bases d’arithmétique, au commentaire de la sphère, de gnomonique (astronomie) et de la musique et ceci jusqu’à la fin du xviie siècle15. En revanche, La Mothe le Vayer voyait dans l’arithmétique, l’art du marchand, « matière ne convenant pas à un roi »16. Les mathématiques apparaissent dans le parcours éducatif des princes vers l’âge de treize ans17. Dans les sources étudiées, les opérations des princes n’ont pas été conservées ni aucun instrument de mesure, compas et règles18. Dans les exemples d’écriture, la graphie des nombres n’est pas précisée19.

  • 20 Rivault D., Sieur de Fleurance, Archimedis opera, in-folio, Claude Morel, 1615, dédicace au roi. Œu (...)
  • 21 Chabaud G., Science enjeux, Les recréations mathématiques et physiques en France du xviie au xviiie(...)
  • 22 Leurechon Jean dit Van Etten, Recréations mathématiques composées de plusieurs problèmes plaisants (...)

10Toutefois pour l’éducation de Louis XIII, on ne peut être que surpris de l’importance des mathématiciens employés : Lefèvre, surtout Rivault de Fleurance, traducteur d’Archimède en français20, tous deux influencés par les mathématiciens italiens, favorisent l’essor de la géométrie. Nicolas Lefèvre est ami de Jean Leurechon à qui le poste de précepteur fut proposé21. Ce dernier propose de diversifier le contenu en réévaluant l’arithmétique et en insistant sur la perspective grâce à l’optique. Dans l’ouvrage qui fait sa renommée, il montre la diversité des objets mathématiques et en conçoit des exercices de logique purement intellectuelle sans finalité pratique ni pédagogique, des « Jeux mathématiques22 ». La géométrie n’est plus seulement descriptive ou liée à la sphère astronomique.

  • 23 L’année précédente, il avait repris l’idée de l’anglais Günter de faire graver sur cuivre une règle (...)
  • 24 L’algèbre devient une méthode puissante qui supporte le raisonnement sur des quantités abstraites e (...)

11Les besoins pratiques d’arpentage, d’architecture nécessitent l’écriture de nouvelles règles mathématiques. En 1624, la traduction française du livre de Edmond Wingate est dédiée à Gaston. Elle lui présente la première arithmétique avec échelle logarithmique, tables d’extraction des logarithmes, racines carrés, cubiques, règle de trois et résolution de triangles23. Cette découverte essentielle du début du xviie siècle est introduite en France auprès du jeune prince capable de s’adonner à ces « récréations » et non pas auprès de son frère, le roi, occupé à son ouvrage politique. Ce nouveau langage et l’élaboration des savoirs mathématiques sont destinés aux princes, longtemps avant leur diffusion pour un usage pédagogique courant. La dépendance de l’algèbre à l’égard de la géométrie s’inverse lorsque Descartes utilise l’algèbre pour résoudre des problèmes de géométrie24.

  • 25 Bossuet, Correspondance, II, p. 157.
  • 26 Ces travaux servent également à l’architecture, Claude Perrault publie et commente le Traité de Vit (...)
  • 27 Le duc de Mansfeld les emploie en 1588, au siège de Gueldre, sous le prince de Parme.
  • 28 Tartaglia, mathématicien de Brescia a inventé, en 1538, l’équerre des canonniers avec un fil à plom (...)
  • 29 Blondel F., L’Art de jeter les bombes, et de connoitre l’étendue des coups de volée d’un canon en t (...)
  • 30 « De la mort de Colbert à la révocation de l’édit de Nantes, un monde nouveau ? », XIVe colloque, C (...)
  • 31 Le brevet de nomination date du 18 avril 1673. AN R 3 287, f 8 et 9.
  • 32 Il achète des instruments de mathématiques, des cadrans solaires et une « cassette de solides compo (...)
  • 33 Blondel Fr., Cours de mathématique contenant divers traitez composez et enseignez à Monseigneur le (...)
  • 34 Huet reconnaît que la géométrie est un aspect très discuté à cette période : « Il [Blondel] m’en vo (...)
  • 35 Blondel ne s’est pas « contenté comme c’est l’ordinaire, de lui apprendre à fortifier les places [. (...)

12Les progrès décisifs de l’enseignement des mathématiques servent véritablement au grand Dauphin, soumis à deux influences : celle de Bossuet qui perçoit la nécessité d’un tel enseignement et celle de François Blondel (1618-1686) à qui Bossuet rend hommage dans la lettre à Innocent XI. L’esprit cartésien anime en effet, ces deux hommes, pourtant différents. Le but des mathématiques pour Bossuet en est encore l’utilité25. Blondel soutenu par Colbert et son fils Seignelay propose des réformes pour une meilleure formation des militaires en rapport avec les progrès de l’artillerie et de la balistique26. Dans l’Introduction de son ouvrage, Blondel rappelle que l’usage des bombes et grenades étant récent27, l’art du tir en est modifié. Il applique à l’art balistique les principes de Galilée, Torricelli et Mersenne, c’est-à-dire qu’il trouve une correspondance entre des valeurs telles que le temps, la position angulaire, la vitesse, la densité afin d’établir une échelle de grandeurs mesurables. Il fait connaître en France Nicolas Tartaglia en reproduisant un dessin d’un mortier parmi d’autres pièces d’artillerie en frontispice de De la science nouvelle. Blondel diffuse en France l’équerre des canonniers qui reste un outil précieux jusqu’au milieu du xviiie siècle28. Et il obtient en raison de ses talents multiples, la chaire de lecteur de mathématiques au Collège royal en 1656 avant d’entrer en 1669 à l’Académie des sciences. Reconnu par les Académies, Blondel vise maintenant à rénover l’éducation de la noblesse dont les connaissances mathématiques étaient plus que faibles. Diffusant des techniques de tir moderne, réfléchissant à la culture nécessaire de la noblesse, Blondel voulait que la nouvelle condition de l’homme de guerre prenne en compte ce contenu théorique : « car la plus grande partie de ceux qui font profession de porter les armes, mêmes des officiers et particulièrement ceux qui n’ont pas été cultivés par l’étude des lettres dans leur jeunesse disent hardiment qu’il ne faut que de la pratique pour la guerre, que c’est un métier qui ne s’apprend point dans les livres ni par des règles, que ceux qui n’ont que de la théorie se trouvent bien empêcher à prendre leur parti dans l’action et que cet appareil d’étude de mathématique ne sert le plus souvent qu’à donner de la présomption, que sur le fait dont il s’agit, la haute capacité de ceux qui servent maintenant le roi dans l’artillerie et même dans l’art de jeter des bombes qui se trouve maintenant au plus haut point où l’on sauroit humainement parvenir, marque qu’il est fort inutile de vouloir les charger de cette quantité de préceptes et d’opération de mathématiques difficiles à comprendre et à mettre en œuvre puisque par le bon sens et par la simple pratique, ils exécutent ponctuellement ce qui peut leur être proposé sans être assujettis à aucune règle ni de mesure ni de calcul29 ». Les matières dites académiques enseignées aux jeunes nobles ne sont plus adaptées à la guerre moderne. L’officier doit être un ingénieur, un homme du compas et de la table de tir tout autant qu’un noble sachant parler, danser et tirer l’épée. Blondel est un homme de progrès qui s’exprime en termes inspirés : « Les marins utilisent les recherches de l’astronomie et des mécaniques, les architectes utilisent la sciences des ordres architecturaux, c’est pourquoi nous pouvons assurer qu’il n’y a rien d’impossible aux soins, au travail et à l’industrie de l’esprit de l’homme. » Mais il ne reçoit pas le succès escompté auprès des officiers de l’artillerie qui préférèrent l’empirisme auquel ils ont été formés plutôt qu’un savoir intellectuel qui les conduirait à des applications abstraites30. En conséquence, Louis XIV décide de placer Blondel auprès de son fils pour l’initier à cette formation théorique nécessaire aux gens de guerre. Après avoir servi les Conti, Blondel enseigne au Dauphin entre douze et seize ans, renforçant les cours après 167631 tandis que Bossuet fait acheter des instruments de géométrie32. Après la période d’éducation, Blondel obtient au moins trois privilèges à partir du 15 décembre 1681 pour mener une activité éditoriale de grande envergure. Son Cours de mathématiques pour Monseigneur le Dauphin entrepris dès février 1677 déjà présenté sous forme orale à l’Académie, paraît le 31 janvier 168333. L’ouvrage de géométrie est un ouvrage d’enseignement parfaitement mis en page avec des planches illustrant des points précis du chapitre, se dépliant de façon à être lues en même temps que le texte. Le texte est encadré par des bordures à la plume, chaque page comprend environ vingt lignes. Cet ouvrage est rédigé d’après le livre de Sauveur. Il traite des logarithmes, de la trigonométrie avec la construction des tables de sinus, tangentes, sécantes, de l’usage du compas de proportion, de la construction de figures, de longimétrie ou de manière à lever des plans et des cartes, de nivellement et de planimétrie (ou mesures de surfaces), de stéréométrie (mesure des solides). La terre y est mesurée avec une méridienne de Dunkerque aux Pyrénées avec la méthode nouvelle de triangulation utilisée en 1669 par Picard et publiée en 1671. L’enseignement du Dauphin qui se veut exemplaire, est diffusé au public dans des ouvrages où les nouveaux savoirs mathématiques sont intégrés. Ils apportent des solutions géométriques, requerrant des connaissances mathématiques importantes en faisant usage d’une table des sinus novatrice34. Mais ce niveau le coupe du public d’artilleurs auquel Blondel s’adresse et n’eut qu’un succès mitigé. Ces ouvrages restés un temps confidentiels, ne sont pas diffusés en période de guerre en raison des sujets qu’ils traitent comme la tactique de l’artillerie, l’art de la balistique parabolique. Dans la lettre au pape, Bossuet reconnaît l’excellence de l’enseignement de Blondel, qui passionne le dauphin en même temps qu’il indique l’élargissement des connaissances dans une éducation princière35.

13Dans la décennie suivante, Joseph Sauveur est le maître de mathématique de Louis III de Bourbon-Condé, futur Monsieur le duc (1668-1710). Le rapport fait au grand Condé chaque semaine entre 1684 et 1686 permet de suivre le programme. Le jeune homme de seize ans subit un rattrapage accéléré, étudiant successivement les quatre opérations et le dessin, ce qui débouche sur un enseignement militaire pratique présentant des systèmes de fortification et d’attaque des places. À Chantilly, Joseph Sauveur avait su détourner la balistique au profit de l’art des jardins et des perspectives, opportunité d’utiliser pacifiquement la géométrie. Mais en ce qui concerne l’enseignement du duc de Bourbon, Sauveur maintient l’art militaire classique.

  • 36 Malezieu, Élémens de géométrie de Monsieur le duc de Bourgogne, 1705, p. 2.
  • 37 Élémens de géométrie de Monsieur le duc de Bourgogne, Trévoux (chez Pierre le Rouge établi en la vi (...)
  • 38 « L’algèbre est l’art de faire sur les lettres de l’alphabet, les opérations que l’on fait sur les (...)
  • 39 Élémens de géométrie, 1705.
  • 40 Bibliothèque de l’École militaire : Éléments de géométrie à l’usage des enfants de France par M. Sa (...)

14Le troisième grand mathématicien employé auprès des princes, Nicolas de Malézieu (1650-1729), commence en décembre 1696 les mathématiques avec le duc de Bourgogne (14 ans) au moment où Fénelon part à Cambrai. « Il trouvoit un esprit qui dévoroit les difficultés & qui voioit souvent d’un coup d’œil au delà de ce qui lui étoit propos mais qui par la facilité qu’il avoit à les surmonter ordinairement, tomboit quelquefois dans l’inconvénient de vouloir passer à côté quand il ne les emportoit pas d’abord. » Le contenu « n’est pas fort différent des Elémens de M. Arnaud. Après un sérieux examen de tous ceux qui sont parus jusqu’à présent, M. de Malezieu a cru devoir s’arrêter à ceux-cy, dont l’ordre est sans comparaison plus naturel. [...] Ils sont beaucoup plus féconds que les Elémens d’Euclide, plus aisez à comprendre & incomparablement plus aisez à retenir [...] Cela détermina M. de Malezieu à proposer au prince d’écrire de sa main, au commencement d’une leçon, ce qui lui avoit été enseigné la veille afin que se dictant à lui-même ce qu’il avoit appris & repassant par ordre & à loisir l’enchaînement des véritez géométriques, il s’accoutumât à aller moins vite & plus sûrement. Tout réussit comme il l’avoit prévu. En moins de six mois, le jeune prince acquit une étendue d’esprit surprenante & une facilité merveilleuse à raisonner sur les matières difficiles36 ». Il fait rédiger des notes de mathématiques à Bourgogne de façon à structurer son apprentissage. Elles sont ensuite imprimées37. Dans sa dédicace, Boissières bibliothécaire du duc du Maine, insiste sur l’exemplarité de la méthode : « ce qui donnoit encore plus d’admiration [...] c’est la netteté & la précision avec laquelle rédigeant vous-même ces principes & ces conséquences, vous en faisiez un Art & une Méthode particuliers, qu’on ne craint point d’exposer ici, comme un guide assuré à tous ceux qui voudront s’instruire dans une science à laquelle vos méditations & vos lumières vont donner une nouvelle réputation & un nouvel éclat [...] Les mathématiques ont une liaison essentielle avec les travaux de la guerre qui ne se conduisent que par leur règle qu’il n’est point messéant à un prince d’un esprit sublime, d’un jugement profond & d’un discernement exquis, d’en tracer les premiers Elémens & de donner des leçons d’une science qui enseigne à forcer des villes & à gagner des batailles [...] Si le détail de cette science n’est pas toujours d’usage pour un prince, il est au moins vrai de dire Mgr, que l’esprit d’ordre & de précision qu’elle inspire & auquel elle accoutume insensiblement est utile en tout temps & qu’il sert autant à diriger les vues & les desseins du prince pacifique que les projets et les exploits du prince guerrier ». La publication de ces Eléments de Géométrie rend exemplaires les compétences scientifiques et militaires du prince. Ce texte rédigé après les premiers exploits de Bourgogne en Alsace « apprendra aussi à tout le monde que la science n’est pas incompatible avec les autres vertus d’un héros & que les lumières de votre esprit vous donnent le même avantage sur les savants que la valeur et l’intrépidité vous donnent sur les guerriers ». Malgré un titre portant sur la géométrie, Malezieu aborde l’algèbre38 et l’arithmétique. « Ceux qui n’ont pas quelques connaissances des principes d’algèbre ne doivent pas prendre la peine d’examiner les problèmes suivans, que l’on a mis ici, que pour faire voir de quelle autorité est la spécieuse & avec quelle facilité elle résout des propositions qu’on auroit bien de la peine à démêler par les méthodes ordinaires. [...] Le mystère n’est pas si grand qu’il paroit d’abord & tous ces problèmes ont été pour la plus part inventés & résolus par un jeune homme de treize à quatorze ans39. » Sauveur remplace Malezieu après le problème du quiétisme. Il rédige alors une Géométrie pratique et élémentaire40. Les exercices qui ne sont pas appliqués à des aspects concrets, utilisent des ABC... Si l’on en croit Le Blond qui a édité l’ouvrage resté manuscrit jusqu’en 1753, celui-ci circula en copie avant cette date car il était très apprécié.

  • 41 Élémens de géométrie, 1705, p. 25.

15Il paraît donc que résumer l’éducation de Bourgogne et ses frères à l’analyse du travail de Fénelon, néglige la deuxième partie de l’éducation de ces princes, éducation brillante dans le domaines des sciences qui commence vers 1696. L’éducation de Bourgogne et sans doute de ses frères, dans le domaine mathématique a largement profité de l’enseignement du grand Dauphin et parvient à son apogée avec Malezieu. La publication des ouvrages s’effectue dans la décennie des années quatre-vingt, ce qui permet à Malezieu de conclure en prenant partie dans la Querelle : « Ainsi il ne peut être permis qu’aux médiocres géomètres de refuser aux Anciens, la gloire d’avoir possédé la science analytique au moins aussi bien que nous41. »

  • 42 Madrid Mss 311.
  • 43 Chassagne S., « Comment apprenait-on les mathématiques sous l’Ancien Régime ? », dans Populations e (...)
  • 44 C’est un calcul de moyennes pondérées avec des règles de trois.
  • 45 Rappelons que l’écriture décimale est connue mais que le système de calcul repose sur plusieurs sys (...)
  • 46 Appelée de nos jours, progressions géométriques de nombres entiers.
  • 47 Madrid, mss 311, f 15. Cet exercice permet de confirmer qu’il s’agit bien du cahier du duc d’Anjou.

16Après ces innovations, revenons quelque peu en arrière en ce qui concerne les apprentissages élémentaires. Parmi les manuscrits du duc d’Anjou retrouvés à Madrid, se trouve un petit cahier d’exercices de mathématiques42. La découverte de ce cahier est exceptionnelle par sa rareté mais elle s’avère banale par son contenu. Il comporte une centaine de pages écrites de la main d’un copiste avec des opérations de la main de l’élève. Un certain nombre de définitions sont données, écrites en général sur la page de droite mais ne comportant pas de démonstration. Si l’on compare avec d’autres cahiers de mathématiques, le contenu est presque similaire43. Ce cahier rappelle les sortes de nombre, leur écriture en différents chiffres (arabes, romains, financiers) et les échelles de numération des unités aux « milliasses ». Les différentes unités de comptes, les mesures de l’Ancien Régime donnent lieu à des exercices sur les quatre opérations. Le prince acquiert des règles d’algèbre : Règle de gain, Règle de tare, Règle d’alliage44, Règle d’escompte, Règle de compagnie. Une difficulté réside dans les changements de base de calcul qui nécessitent l’acquisition d’un mécanisme de calcul45. En arithmétique, il apprend les règles de proportion46, les racines carrées et cubiques. La faiblesse de l’écriture algébrique alourdit l’énoncé des règles de fractions. Le prince reçoit ces rudiments avec Malézieu, le 12 février 1697, à l’âge de treize ans et cinquante-neuf jours comme l’atteste un exercice de conversion de temps avec année bissextile47. Ceci correspond à l’âge médian pour un tel apprentissage. Cet apprentissage du duc d’Anjou, d’une durée de l’ordre de dix-huit mois, diffère donc peu de celui des enfants qui prennent des cours auprès de maîtres en ville. Ce cahier de brouillon montre la distance entre ce que Malezieu prétend avoir enseigné au duc de Bourgogne et la réalité, à une époque différente, avec le duc d’Anjou. Louville prétend au contraire que le cadet a plus le temps d’approfondir : « Voilà tout ce qui est nécessaire qu’ils en sachent aussi bien que des mathématiques que l’on apprendra moins à fond à Monsieur le duc de Bourgogne qu’aux deux autres, de peur qu’elles ne lui fassent perdre un temps infini à des recherches vaines qui le rendroient peut-être trop particulier soit en étant obligé d’apprendre de plusieurs choses dont il est inutile que nos seigneurs ses frères soient instruits si à fond, ils auront plus de temps que lui à donner à ces sortes d’études. »

  • 48 AN O1 3716. François Chevallier fut également maître des pages de la dauphine de 1698 à 1701, pour (...)
  • 49 Malezieu, Elemens de géométrie, édition Boissière, estampe Gatineau, 1722, réédition et dédicace à (...)
  • 50 Antoine M., Louis XV, p. 76.
  • 51 Selon Michel Antoine, p. 133. Cela signifie-t-il que ces entretiens sont quotidiens et ont commencé (...)

17Louis XV bénéficie de ces élaborations pédagogiques de la fin du siècle précédent. François Chevallier qui lui explique à la fois la géométrie, l’arithmétique, l’art des fortifications, la navigation, l’optique, la perspective, hérite d’une solide formation car il est le neveu de Joseph Sauveur48. La transmission joue sur la fibre paternelle puisque l’ouvrage est réédité en 1722 : « Il y a maintenant vingt-cinq ans que le grand prince à qui Votre Majesté doit le jour, voulut bien donner quelques heures de son loisir à la composition de ces Eléments de géométrie. [...] nous ne doutons pas que Votre Majesté instruite, pour ainsi dire par le prince son père, & ayant devant les yeux son ouvrage, ne devienne incessamment capable de lui donner un nouveau jour & d’y ajouter de savantes réflexions49. » Choisissant d’initier le jeune Louis XV aux mathématiques, ses précepteurs recherchent des techniques. L’utilisation d’instruments de mesures et d’expérimentation permettent des initiations concrètes en géométrie, notamment par la démonstration de théorèmes de base. Le maréchal de Villeroi demanda au collectionneur Pajot d’Ons en Bray s’il serait possible de réaliser une machine qui illustrerait certaines vérités élémentaires de mathématiques « en représentant aux yeux ce qui n’est ordinairement pressé qu’à l’esprit ». Pajot d’Ons aidé du père Truchet, construit « une espèce de géométrie élémentaire tout en machine50 ». On connaît ce cabinet par une description qui fut faite en juin 1721, lors de la visite de l’ambassadeur ottoman. Louis XV est passionné de gnomonique. Lorsque le 8 décembre 1722 a lieu une éclipse de soleil, le roi a calculé, dès l’été, la mesure de la méridienne passant par la petite galerie de ses appartements. Entre le 10 et le 18 janvier 1723, dans les 100e à 118e entretiens sur les questions militaires, le roi est aussi initié aux statistiques et aux calculs de dépenses d’une armée51. L’éducation mathématique de Louis XV est d’un niveau élevé. L’art de la démonstration et l’application pratique dominent. Elle tient de ses professeurs qui furent excellents, mais surtout de la volonté du Régent et de Villeroi son initiation précoce aux sciences.

  • 52 Il a publié les ouvrages de Joseph Sauveur notamment « Il y a longtemps que les deux traités qui co (...)
  • 53 Mercure de France, janvier 1757, tome III, présentation des Éléments de fortification édités en 175 (...)
  • 54 Cet ouvrage porte aussi le titre de Essai sur la castramétation ou sur la mesure et le tracé des ca (...)
  • 55 Chez Jombert, in-8°, 430 p., 1768 (BM Versailles RES in-8°, A 74k, maroquin rouge aux armes du roi) (...)

18L’initiation aux mathématiques se fait de plus en plus jeune, à l’inverse des usages du siècle précédent. Dès 1754, alors que le duc de Bourgogne a trois ans, Guillaume Le Blond devient son instituteur puis son maître de « Mathématiques et de tactique militaire ». Ce polygraphe n’innove pas mais diffuse des écrits du siècle précédent52. Il publie de nombreux ouvrages de géométrie, en reprenant les exercices de castramétation du xviie siècle. « Cette nouvelle édition qui est très bien exécutée est dédiée à Monseigneur le duc de Bourgogne, qui à l’âge de cinq ans commence à s’amuser à la géométrie. La plupart des termes de cette science lui sont déjà si familiers, qu’il les applique avec justesse sans jamais les confondre. Il sait exécuter sur le papier & sur le terrain les problèmes les plus utiles de la géométrie pratique & en effet on l’a vu publiquement à Meudon, élever des perpendiculaires sur le terrain, mener des parallèles, décrire des polygones etc. Il a aussi des notions exactes de la sphère, du globe, & ces connaissances si singulières pour son âge lui sont enseignées par forme d’amusement & de recréation. Ellse sont la récompense de son attention à la Religion, à la lecture & à l’histoire sainte qui remplissent tous ses moments d’application.53 » La seconde édition de L’Arithmétique et la géométrie de l’officier de 1767, est encore dédicacée à Berry. « L’ouvrage que j’ai l’honneur de vous présentera déjà l’avantage de vous être connu. Le désir de le rendre plus utile et plus digne de vous être offert, m’a engagé à le retoucher avec soin et à y faire plusieurs augmentations. Vous y retrouverez, Monseigneur, différens problèmes ou question d’arithmétique que vous avez anciennement résolus. Ce sont, pour ainsi dire des jeux de votre enfance, mais qui décèlent d’autant plus la justesse de votre esprit que les solutions vous appartiennent entièrement54. » Le seul ouvrage dans lequel Le Blond innove est les Eléments d’algèbre ou du calcul littéral, avec un précis de la méthode analytique appliquée à la résolution des équations de premier et second degré55, deux ans après les cours de Berry (12 ans), prétend-il. Avec l’algèbre, il sort de la tradition de géométrie et castramétation enseignées aux princes.

  • 56 Un exercice de mathématiques comparable du duc d’Anjou et du duc d’Angoulême publié dans le Mercure (...)

19Longtemps considérées comme divertissantes, les mathématiques étaient conçues comme une récréation ou comme un objet de fin d’étude. Ces jeux mathématiques ne devaient pas distraire le prince de son objectif principal, l’art de gouverner. Les premiers précepteurs du xviie siècle rendent la science mathématique indispensable. La croissance affirmée des mathématiques dans la castramétation indique que contrairement à la Ville où les mathématiques se sont spécialisées depuis le début des années trente du xviie siècle, elles restent une connaissance annexe et nécessaire d’un savoir majeur qui est l’art de la guerre. Les princes sont les seuls enfants à en profiter. La publication des livres de mathématiques des Enfants de France en moins d’une vingtaine d’années rend exemplaire la pédagogie et le contenu enseignés aux princes. C’est le fait de trois grands mathématiciens, Blondel, Sauveur et Malezieu. Leurs noms ne sont pas associés à des démonstrations nouvelles mais bien à une qualité d’enseignement et à une définition du contenu des mathématiques. Ils autorisent le passage de l’élaboration mathématique vers l’usage pédagogique. Les princes y sont désormais initiés de plus en plus jeunes. L’élaboration du langage entraîne l’abstraction de cette matière56.

  • 57 Appelées de nos jours des fonctions. La distance entre philosophe et mathématicien s’accroît à part (...)

20Le niveau mathématique paraît s’être considérablement élevé avec Louis XV et ses petits-fils. En réalité, il est difficile de comparer avec leurs prédécesseurs. Les mathématiques ne sont clarifiées et réglementées dans leur usage pédagogique qu’à la fin xviiie siècle, époque à laquelle leur formulation nous paraît compréhensible. Ainsi, leur contenu est sans doute d’aussi bonne qualité avec Lefèvre et Rivault de Fleurance mais il n’est pas formalisé d’une manière qui nous soit explicite. Les mathématiques se séparent progressivement de l’art de la castramétation en abordant des résolutions de problèmes mécaniques, algébriques, arithmétiques. Des notions d’analyse et la recherche de lois générales57 sont introduites avec la révolution cartésienne. La réécriture des mathématiques au milieu du xviiie siècle simplifie l’apprentissage de notions et le passage à l’abstraction.

21L’éducation des princes sert, durant deux siècles, à justifier la nécessité de l’enseignement des mathématiques pour la noblesse. Les plus grands mathématiciens sont conviés auprès des princes. Pourtant, cet aspect n’entre pas dans la représentation que les observateurs se font de leur éducation. Bossuet le signale au pape. C’est seulement avec Berry et ses frères qu’il faut se rendre à l’évidence : une révolution éducative a eu lieu, les mathématiques occupent de plus en plus de place et apparaissent comme une capacité nouvelle pour mieux comprendre l’art militaire.

Cartographie et plan relief

  • 58 Cordemoy, De la nécessité [...], p. 87.
  • 59 Batifol L., Louis XIII à vingt ans, p. 440-441.

22L’art militaire a besoin de représentation de l’espace. Traditionnellement, la géographie sert à faire la guerre, c’est pourquoi les espaces sont représentés pour comprendre et prévoir la stratégie « à propos des sièges ou des campements dont il sera mention dans l’histoire, on luy fasse des cartes où ils soient représentés & qu’on luy en fasse observer toutes les particularités58 ». Les supports évoluent assez rapidement avec l’usage des cartes murales. Depuis Louis XIII, les princes utilisent des cartes de grande dimension. Gaston apprend la géographie avec un cabinet tapissé de cartes. « Je [Brèves] lui ai rempli un cabinet de leurs tableaux » dans lequel il l’a entretenu « de toutes les parties du monde connues aux hommes59 ». S’y trouvent des cartes géographiques et historiques mêlées avec des tableaux généalogiques dont on a déjà évoqué l’usage visuel. Le prince faisait le commentaire des cartes en se plaçant devant avec une baguette. Cet usage individuel de la carte favorise l’expression orale et s’adapte au cadre préceptoral plus facilement qu’au Collège.

23Le plan a un usage différent. Si la carte sert pour apprendre la nomenclature et pour la restituer de mémoire, au contraire le plan est un outil de réflexion stratégique, préparatoire à la réflexion qui permet de visualiser les ordres donnés dans l’avancée d’un combat par exemple. Il est utilisé plus tardivement en parallèle avec la connaissance précise des lieux, des avantages et des contraintes de la topographie. Il développe les capacités d’interprétation et de stratégie du prince.

  • 60 Faucherre N., Les Plans en relief des places du roi, Paris, 1989, p. 42. Idem, « Outils stratégique (...)
  • 61 Sauvai H., Histoire et Antiquités de la ville de Paris, 1733, tome II, p. 45.
  • 62 Barbezieux, le troisième fils de Louvois, est autorisé à travailler sur les plans-reliefs. Lors de (...)
  • 63 Louis XIV, dans son testament, demande qu’on libère une salle aux Tuileries afin de les installer p (...)
  • 64 Lettres de Louis XV à l’Infant Ferdinand de Parme, Paris, 1938, lettre du 4 janvier 1761, p. 30.
  • 65 Pastoureau, L’espace français, p. 101.

24La nouveauté est l’usage des plans-reliefs en trois dimensions60. Ces plans-reliefs réunis en un même lieu permettent au prince qui ne voyage plus, de faire le tour de la France militaire. Dans la Galerie du bord de l’eau au Louvre, Louis XIII disposait de cartes et plans des régions frontières. Il lui donna un nouveau décor avec la reproduction de quatre-vingt-seize villes du royaume61. En 1668, Louvois ordonne la réalisation des plans relief d’une douzaine de places fortes dans les Flandres espagnoles pour montrer au dauphin la conquête rapide par son père62. Cette collection qui s’étoffe au fur et à mesure des victoires, est alors installée aux Tuileries. La collection revient dans la grande galerie du Louvre sans doute entre 1706-1715 où elle est un objet de prestige de la royauté63. Les plans-reliefs perdent alors leur fonction utilitaire de représentation fiable des lieux de combat pour une fonction didactique à l’usage des princes. Des visiteurs prestigieux eurent l’immense honneur (et confiance) de les voir et ainsi de découvrir le secret du détail des forteresses de frontière. Le 21 mai 1721, Louis XV, âgé de onze ans, entraîne l’ambassadeur turc Mehemet Effendi dans une présentation des plans-reliefs du Louvre de façon à lui faire apprécier sa culture militaire. Cette visite indique que Louis XV s’était déjà suffisamment familiarisé avec ces plans-reliefs pour pouvoir en faire la présentation à un prince étranger. Les plans-reliefs résolvent par la troisième dimension, le problème des courbes de niveau sur les cartes. Leur construction diminue lorsque apparaît le plan nivelé au milieu du xviiie siècle et les représentations topographiques en ombrage. Louis XV reconnaît cependant l’intérêt pédagogique d’une telle représentation puisqu’il fait parvenir comme étrenne à son petit-fils, le duc de Parme, un plan-relief qui, hélas, s’avère trop grand pour prendre place dans les appartements de l’enfant64. La guerre de mouvement les rend inutiles. Louis XV fait transférer la collection commencée par Vauban dans des greniers à blé des Invalides en 177465. Ni le dauphin, ni ses fils ne se sont déplacés pour les voir.

La tactique

  • 66 Louis XIV, Mémoires militaires, Les amis de l’histoire, 1957, tome II, pp. 212-251.
  • 67 L’Art de jeter des bombes puis la Nouvelle manière de fortifier les places que Blondel rédige du te (...)
  • 68 Vauban avait rédige en 1704, ce Traité de l’attaque des places présenté à Mgr de Bourgogne.
  • 69 Le maréchal de Puységur avait composé son Art de la guerre par règles et principes pour le duc de B (...)

25L’art des fortifications est un élément essentiel de la formation d’un jeune homme destiné aux armes. Les éducations princières de la fin du xviie siècle, favorisent une éclosion d’ouvrages d’instruction militaire validés par le pouvoir. En 1678, Louis XIV ajoute à ses Mémoires une « suite », les Mémoires militaires pour l’instruction du Dauphin66. C’est sous l’influence de Louvois mais après sa mort, que Louis XIV perçut l’importance de l’organisation matérielle. Il choisit de se réserver la direction des affaires militaires. Il renforce la formation des princes royaux en employant les spécialistes de mathématiques, de balistique et de fortification, Sauveur, Blondel, Puységur, Vauban. Tous les maîtres mettant par écrit leur art, on assiste à une explosion d’ouvrages techniques entre 1680 et 170067. Ces manuels sont gardés secrets afin de ne pas diffuser les éléments d’attaque ou de défense employés par l’armée royale. Ils sont publiés au moment où la stratégie militaire évolue. Celui de Vauban reçut en 1737 l’autorisation d’être imprimé à la Haye68, tandis que Puységur édite celui de son père six ans après la mort de celui-ci, en 174969. Si les éditions publiques ont tardé, les cours sont immédiatement suivis de mise en pratique.

Les apprentissages pratiques

  • 70 La Mothe La Vayer, De l’instruction du dauphin, 1640, p. 6.
  • 71 Les princes ont à leur disposition des listes du personnel militaire, régiments et gouvernements. U (...)

26Vers l’âge de treize ans, l’instruction militaire du prince en tant qu’enseignement professionnel est renforcé quand la part du latin diminue. Loin de se lancer dans la rhétorique et la métaphysique comme les élèves des Collèges, les princes abordent des domaines techniques et scientifiques en renforçant les apprentissages pratiques. « À la vérité, on ne scauroit nier que l’art de régir les peuples & de subjuguer les ennemis qui est le propre de l’exercice des Princes, ne consiste beaucoup plus en l’action qu’en la contemplation70. » N’oublions pas que l’entourage militaire, gouverneur et gentilshommes de la manche, tous soldats confirmés, donne au prince une imprégnation profonde et permanente, bien plus efficace que les cours. À coté des exercices physique de la pique et du mousquet, se succèdent conférences (art des fortifications, arithmétique, racines carrées, trigonométrie) et travaux pratiques (marche des troupes et marine : vaisseaux, courses et combats navals)71. Cet enseignement alterne toujours l’aspect théorique et l’aspect pratique. L’initiation militaire mène progressivement le prince à maîtriser, en quatre à cinq ans, l’art militaire et l’art du commandement.

Le prince devient soldat

  • 72 Louis XIV, Mémoires, édition Goubert, 1992, p. 135.

« L’adresse en tous les exercices du corps [...] est toujours de bonne grâce à un prince et fait juger avantageusement par ce qu’on voit, de ce qu’on ne voit pas72. »
Louis XIV

Le prince rend son corps endurant et majestueux

27À la suite des pédagogues de la Renaissance qui valorisèrent l’éducation physique, les pédagogues princiers sont plus hésitants. En effet, il ne faut pas que le prince se blesse mais il faut cependant qu’il déploie une grande agilité pour être admiré de tous par sa prestance. Son corps est aussi façonné que l’est son esprit. Il est l’objet de soins spécifiques liés à sa condition d’enfant appelé à exercer le pouvoir, tels que des exercices de discipline que sont le maintien, le contrôle de soi. C’est autour de ce dilemme que s’organise ce que nous appellerons l’éducation corporelle des princes. L’enfant est rarement laissé à sa propre initiative dans les pauses qui ne sont d’ailleurs pas mentionnées dans les emplois du temps. Si les espaces de recréation sont variés selon l’endroit où se trouve le prince, le temps libre des jeux est compté. Les éducateurs organisent des activités structurées et réglées dans un but moral. Le prince ne peut échapper à l’étroite association de la culture et des mœurs.

  • 73 Vigarello, Le corps redressé, Paris, 1978, p. 53.
  • 74 Tous les châteaux possèdent une salle de jeu de Paume. Dans l’éducation de Louis XIII, la paume app (...)
  • 75 Louis XIV vers 1650, tableau attribué à Philippe de Champaigne, château d’Amboise, Catalogue Jeu de (...)
  • 76 BM Versailles 1464 Mss 56 f 53, lettre 24 du 19 octobre 1714, lettre de Mme de Ventadour à Mme de M (...)

28L’éducation qui réussit au xviie siècle est celle qui immobilise le corps. Elle donne l’air grave, majestueux, évite la vanité, le bel air et l’amour de soi en imposant une maîtrise du corps et donc de l’esprit. Dans l’aristocratie, « l’escrime, l’équitation et la danse sont autant de terrains où la rectitude corporelle témoigne de la civilité. Le corps doit s’imprégner d’une politesse contrôlée73 ». Les médecins dont dépendent nos sources sont très attentifs à la conformation et à l’allure du corps. Louis XIII comme plus tard le duc de Berry sortent tous les jours pour prendre l’air et se dépenser. Ces princes ont tous un maître de paume mais vont-ils pour autant jouer74 ? Un seul tableau représente un roi, Louis XIV, avec une raquette de paume75. Mme de Ventadour demande des leçons de maintien pour le futur Louis XV, âgé de quatre ans : « Il serait temps de lui donner un maître pour apprendre à bien faire la révérence et l’occuper une demi-heure, c’est ce que je demanderai au roi au retour, car la journée est bien longue, Madame, présentement qu’il a de l’esprit, on ne peut l’amuser toujours avec des niaiseries et quelque petite règle et différence dans la journée, nos aides majors lui font faire de l’exercice, il a de la grâce à tout ce qu’il fait comme le roi et si vous n’estiés pas opposée avec raison, Madame, qu’on en fit une petite merveille avant le temps, [...], mais mon fait est qu’il se porte bien76. »

  • 77 Fénelon Fr., Télémaque, p. 91, 319.
  • 78 Louville, Rapport, 1696. « Mais pour les exercices qu’on leur fait faire, ils sont tels qu’aucun bo (...)
  • 79 Le duc du Maine parle fréquemment de son handicap : le 14 septembre 1689, devant Trésigny, « Quoiqu (...)

29Fénelon préconise une politique réfléchie d’éducation physique et de santé à des fins morales77. Le duc de Bourgogne et ses frères se révèlent être physiquement très forts et endurants. Bourgogne court plusieurs kilomètres malgré son corset. Les princes font des exercices et de longues courses tous les jours, tête nue. Ils se mettent en sueur et ne doivent pas changer de chemise (sauf après le jeu de paume). Ils suivent à pied la chasse et pratiquent ainsi l’entraînement de la chasse au lièvre à pied, nécessaire avant d’apprendre les règles de la chasse à courre78. L’éducation physique a pour but de former des hommes sobres, endurants et préparés à la vie militaire79. Les exercices sportifs sont nettement moins mentionnés pour les éducations suivantes, dans lesquels les exercices du corps deviennent moins importants. Le Dauphin devint vite obèse. Louis XVI n’avait pas la prestance de ses ancêtres malgré un corps immense, ce qui tranchait avec Marie-Antoinette qui avait un port de reine.

  • 80 Genlis Mme de, Leçons d’une gouvernante à ses élèves [...], tome II, p. 503-504.

30Vers le milieu du xviiie siècle, l’attention se porte à nouveau sur le corps en libérant les mouvements. Les princes profitent de cette mode de la vie au grand air. Marie-Antoinette se réjouit que ses fils puissent utiliser une petite terrasse au bout de l’Aile des Princes pour apprendre à marcher. Des notions nouvelles apparaissent. Les jeux de plein air non dirigés et les recréations libres non surveillées se multiplient. Mme de Genlis valorise l’éducation physique comme un aspect moderne de l’éducation. Elle utilise tous les instants et ce que Fénelon appellerait des « ruses pédagogiques » pour entraîner les princes. Les sorties à Paris servent ainsi aux enfants pour pratiquer des activités sportives, « descendre dans des caves profondes, [à] monter des escaliers composés de six ou sept étages et communément terminés par des échelles, [à] traverser à pied de grandes cours pleines de boue et de neige80 ». Elle les entraîne à supporter le chaud, le froid, le bruit, l’humidité. Les principes hygiénistes ont remplacé les vertus civilisatrices et comportementales. Fin xviiie siècle, le prince d’Orléans fait du « sport » comme les autres enfants.

Le prince acquiert les vertus de l’escrime et de l’art équestre

31Un corps endurant rend habile dans deux arts spécifiques que sont l’escrime et l’équitation, l’enfant qui doit être musculairement et physiquement formé pour éviter un quelconque dommage pour sa croissance.

  • 81 Le musée des Invalides possède l’armure de Louis XIII enfant. Le 1er mai 1606, selon Héroard, il se (...)
  • 82 Vigarello G., « Le maniement de l’épée, une technique et une pédagogie du corps au xvie siècle », d (...)
  • 83 Louville, 1696.
  • 84 Poignant S., L’aile des princes, p. 148.
  • 85 Du Bois, édition Grande Maison, 1936, le premier trimestre 1647, p. 38.
  • 86 Chevalier, Louis XIII, p. 35. Drevillon H., « Le roi cavalier. Les savoirs du corps dans l’éducatio (...)
  • 87 Cavalcabo H., Traité ou instruction pour tirer les armes, publié en 1595, traduit en 1609, 1610, éd (...)

32Le prince porte tôt l’épée. La cérémonie du don d’épée est mentionnée dans la plupart des sources comme une journée importante et heureuse. L’enfant, souvent avant cinq ans, est fier d’arborer son épée sur sa robe (de même qu’il est fier de sa première armure dont l’usage disparaît avec Louis XIV)81. Il lui faut en effet apprendre très tôt moins à la manier, qu’à vivre avec elle. L’épée est un élément du maintien du corps aristocratique. Le prince la porte en permanence, il s’assied avec, il marche avec et appuie la main sur le pommeau pour avoir l’air majestueux. Il doit enfiler ses vêtements de façon élégante pour que l’épée ne fasse pas de mouvements brusques. Tout un apprentissage découle du port de l’épée. Il s’agit de porter l’épée mais non de s’en servir. Un prince ne doit pas donner la mort, même dans les combats militaires, il ne s’engage pas. Apprendre les armes vers sept ans permet de délier le corps et de l’entraîner à se mouvoir élégamment82. « Quant à présent, ils n’apprennent encore qu’à danser, à écrire et à dessiner, mais ils veulent incessamment apprendre les mathématiques, faire des armes et à voltiger et dans un an à un an et demi, les deux aînés apprendront à monter à cheval et les autres exercices qui en dépendent83. » ou les armes. Ils imitent et s’amusent. Le 15 juillet 1607, le petit Louis est « mené sur la chaussée voir voltiger M. de Broq sur un cheval vivant, va au cabinet du jardin des canaux où il saute au saut de l’allemand ». Le 11 novembre 1608, il mime la course de la poste sur le bâton d’un exempt des gardes, puis « court la bague sur ce même cheval avec une canne de baston de fenouil, la bague estoit d’osier. Il a mis une fois dedans, ça a été la première fois qu’il a couru la bague ». Maurice de Saxe rapporte à Louis, le dauphin âgé de deux ans, en 1731, sept petits chevaux noirs de Baltique, haut de soixante-dix centimètres, attelés à un phaéton de même taille. La présentation a lieu dans la grande cour du chenil à Versailles84 Les princes sont également familiarisés assez tôt avec les chevaux. Les princes sont promenés à la main avant de commencer véritablement à monter. Louis XIII a commencé ses premières leçons vers sept ans (vers le 15 août 1608) et peut se déplacer seul sur un trajet en mars 1609. Il peut alors faire une entrée solennelle à cheval dans la ville de Paris (juillet 1609). Le mardi 11 juin 1647 (9 ans), « le roi [Louis XIV] monté sur un petit cheval blanc tout couvert de clinquant et de plume de galland » montre sa prestance en passant en revue avec sa mère, le régiment de six compagnies de Cerlat qui venait de Brissac, environ cinq cents hommes qui « firent coups de pistolets et coup d’épée ». Le 30 juin 1647, le comte de Chârost évite un accident en rattrapant le roi car « le roi et sa mère revenaient de voir passer les troupes de Hirlande [sic], le roi était à cheval sur son Admiral, bidet blanc fort aisé mais à la bouche trop délicate, le cheval se cabra plusieurs fois, les dames crièrent d’effroi, le roi se tenoit ferme la bride toute avalée et avoit ôté sans émotion ses pieds hors des estrieux85 ». Vers l’âge de neuf ans, les princes abordent également l’apprentissage des armes. Le 12 septembre 1610, le résident florentin Cioli est autorisé à observer le dauphin s’entraîner aux armes86. Sans doute s’entraîne-il avec Cavalcabo qui le servit de 1609 à 163887.

  • 88 Pluvinel donne la première leçon le 6 juillet 1615, le lendemain, Louis « court la bague avec le bâ (...)
  • 89 Bibliothèque de l’Institut, mss du fonds Godefroy, n° 269, f 59, Lettres de d’Ornano au roi, le 18 (...)
  • 90 Affaires Étrangères, Fonds France, Lettre de Puisieux à Sillery, 776, fol. 38.
  • 91 Jacques de Bois d’Ennemetz, gentilhomme de la manche vers 1624.
  • 92 Bibliothèque de l’Institut, mss. du fonds Godefroy n° 269, f 74, Lettres de d’Ornano au roi et à Pu (...)

33L’art du manège commence vers quatorze ans, lors de la deuxième éducation, pour apprendre les codes de cette science équestre. Comme les jeunes nobles, les princes s’entraînaient au début de la période dans les nouveautés que sont les Académies parisiennes. Louis XIII est amené une première fois à l’Académie de Benjamin le 24 novembre 1609 mais les leçons de dressage commencent vraiment le lundi 6 juillet 1615,« ça a été la première fois pour en apprendre la science88 ». Sa leçon dure une heure, tôt le matin entre sept et huit heures « à l’endroit du grand parterre » au Louvre. Le lendemain, toujours de si bonne heure, il court la bague et alterne ensuite manège et bague. Le gouverneur est discret lors des premiers apprentissages de son frère. Il est présent pendant les leçons mais n’officie pas lui-même. Le 7 mai 1622, à quatorze ans révolus, Gaston reçoit de son frère le roi, l’autorisation de monter à cheval89. Le roi avait d’abord refusé le 23 mars 162290. D’Ornano témoigne alors de la joie de Gaston et promet d’être attentif à sa santé. Désormais Gaston monte trois fois par semaine, de quatre à cinq heures le soir dans la galerie du Louvre transformée en manège avec une quinzaine de gentilshommes91, sous la direction de Hannique de Benjamin suppléé par M. de Poutrincourt (ou Potrincourt). Gaston reçoit aussi le droit de chasser. Mais le 4 juin 1622, le roi prend ombrage de l’utilisation de son manège sans son autorisation. D’Ornano est obligé de justifier le choix qu’il a fait de dissimuler cet apprentissage : « le désir qu’avoit Monseigneur de ne se laisser guère voir à ses commencemens où il ne porte point d’éperons et ne se sert encore des étriers, nous jugeâmes aussi que pour le mieux, il ne le falloit éloigner. Si bien que le couvert de la galerie du Louvre nous sembla le plus convenable même croyant qu’il étoit libre à tous les écoliers du sieur de Potrincourt. Afin qu’il ne fut aucunement incommodé, nous prîmes temps de quatre à cinq heures du soir et seulement pour deux ou trois fois par semaine92 ».

  • 93 La Gazette, 1654, p. 104.
  • 94 La Gazette, 1656, p. 300.

34L’abandon du projet d’Académie royale fait que Louis XIV prend ses premières leçons en janvier 1654 à quinze ans dans la Cour de l’hôtel du Petit Bourbon, bâtiment du Garde-meuble et non plus à l’Académie93. Il fait des progrès rapides si bien qu’il donne un spectacle de bague à la grande Écurie en février 1656 puis le 16 mars 1656 dans les jardins du Palais Royal94. Mazarin a encouragé les maîtres d’armes ou d’équitation italiens dont les Ciolly, à venir en France après la Fronde.

  • 95 Papiers Condé, série P, tome XX, f 113. Chérot, p. 22.
  • 96 Ibid., f 213 et suivants.
  • 97 Le traité préliminaire date du 4 juin 1659.

35Le duc d’Enghien, Henri-Jules (1643-1709), doit également posséder la parfaite maîtrise de l’écuyer mais les difficultés politiques contrarient le recrutement de ses maîtres. Le prince de Condé, en exil à Bruxelles, tient absolument à recruter un maître d’équitation. Dans les dépêches à l’ancien précepteur Auteuil, son père est de plus en plus inquiet : « vous dirés de ma part à M. de Longueville que mon fils estant assez creu est assez fort pour monter à cheval ». Il faut un homme de bonne réputation pour le former. Le prince réclame par de nombreuses lettres la venue d’un des hommes les plus prestigieux de la place de Paris, Mesmon qui, compte tenu de la situation, hésite à servir Condé. Celui-ci lui fait un pont d’or et le harcèle de courriers. « J’ai désiré d’avoir auprès de lui M. de Mesmon à qui on a déjà parlé et il est disposé à venir dont je suis fort aise. Personne ne peut parvenir ici sans passeport du roy, ou la permission de la cour, de la forme qu’on jugera à propos de la donner pour luy, ses valets et un maître à danser que je l’ay aussi prié de mener avec lui95. » Mesmon doit finalement arriver pour Pâques 1659. Auteuil s’efforce de tout préparer. « Il est nécessaire qu’il soit là car on partira bientôt après pour la campagne et je veux auparavant veoir mon fils reiglé pour ses exercices et la manière dont je veux qu’il vive [...] Pour ce qui est du maître à danser, il faut absolument en trouver un qui soit bon et qui ne manque pas de venir avec M. de Memon, car si mon fils n’apprend pas à danser à l’âge où il est, il ne scaura jamais [...] M. de Memon mènera les chevaux qu’il juge à propos96. » Condé tente de vaincre toutes les résistances, lui propose de venir avec sa femme, lui envoie 1 000 pistoles pour acheter trois chevaux. Il est pressé, le jeune prince est âgé de quinze ans, largement l’âge pour recevoir une éducation académique. Il réussit à recruter un maître à danser, Farot qui n’a pas les mêmes préventions que Mesmon. La paix est sur le point d’être signée97, les maîtres préfèrent attendre avant de se déplacer à Bruxelles d’autant que l’argent n’est toujours pas versé. Finalement Mesmon arrive à Bruxelles après une grande colère de Condé tandis que le 7 novembre 1659, le traité des Pyrénées est signé entre la France et l’Espagne. Condé revient dans les grâces du roi, il est rétabli dans ses titres et sa charge de Grand-Maître passe sur la tête de son fils. Les Condé quittent Bruxelles fin 1659. Le prince de Condé part pour la cour, son fils s’installe à Angerville chez le président Perrault, puis fin février 1660 à Saint Maur aux portes de Paris où il peut être éduqué noblement.

  • 98 C’est Bournonville qui a la première charge d’écuyer ordinaire au manège entre 1664-1681 et Dupless (...)
  • 99 C’est son père qui a « résisté » à Condé. Il avait, après 1666, une académie personnelle, rue des C (...)

36Les Académies d’équitation pour la noblesse se sont multipliées à Paris en ce milieu du xviie siècle. L’éducation équestre du grand Dauphin officialise les fonctions d’écuyers au Manège royal. Si le maître d’équitation tient encore une Académie en ville, il a désormais un emploi d’écuyer à la Cour98. À la fin du xviie siècle, avec la création des Écuries à Versailles, les princes trouvent désormais à proximité du château, des maîtres qualifiés souvent maîtres des Pages de l’une ou l’autre des Écuries. Ce n’est pas le premier écuyer, « Monsieur le Premier », qui enseigne aux princes mais les écuyers ordinaires comme Godefroy de Romance de Mesmon en août 169199. Ces écuyers délaissent progressivement leur Académie à la ville pour se consacrer à leur charge au manège. Avec l’installation des Écuries royales à Versailles en 1682, les princes abandonnent les Académies d’équitation et se séparent définitivement de la noblesse.

  • 100 Dangeau, le mardi 25 novembre 1698, vol. VI, p. 465, vol. VII, p. 177.
  • 101 Sourches, vol. VI, p. 196.
  • 102 Saint-Simon, dans le portrait du maréchal, tome II, Coirault, p. 527.

37Mesmon est nommé à la Grande Écurie en août 1691 pour entreprendre l’apprentissage des princes. Mais Bourgogne ne commence ses leçons que le 24 novembre 1698, à seize ans100. Philippe débute le 28 octobre 1699101. Le dressage n’était pas donc le principal objectif de l’éducation de Fénelon ! Le dauphin assiste aux leçons de ses fils comme le maréchal de Duras extrêmement sceptique quant à leur talent. Il dit au roi « qu’il n’irait plus à la grande Écurie et à des promenades avec eux [...] que c’était peine perdue, que ses petits-fils n’auraient jamais ni grâce ni adresse à cheval et qu’il pouvait s’en détacher quoique les écuyers lui puissent dire dans la suite et qu’ils ne seraient jamais à cheval que des paires de pincette. Il tint parole et eux aussi102 » !

  • 103 Mercure de France, novembre 1723, p. 999. Il monte à cheval pour la première fois le 8 mai 1720 acc (...)
  • 104 Proyart, La vie du dauphin, p. 16.

38Villeroi reprit la tradition. Louis XV eut Ciolly comme maître à voltiger, qui, grâce à ses bons services, passa l’emploi à son fils pour le dauphin et le duc de Bourgogne. « Le roi [âgé de treize ans] a commencé ses exercices dans le manège de la Grande Écurie de Versailles le 10 novembre 1723. Il montera deux fois la semaine. On a fait mettre dans la petite galerie du château de Versailles, un cheval de bois sur lequel S. M. doit apprendre à voltiger. Le sieur Joly [Ciolly] a été nommé pour montrer cet exercice au roi103. » Le Dauphin prend le 18 mai 1740 ses premières leçons de voltige de manière précoce. « Les leçons de son gouverneur lui plaisoient beaucoup plus que celles de son précepteur. Examiner un automate qui representoit un cheval de bataille [il s’exerce aux exercices de cavalerie sur un cheval en carton enjuponné], voir faire l’exercice, assister aux revues du roi ; monter à cheval, [...] c’étoient-là autant d’exercices qui le transportoient et l’occupoient tout entier104. »

  • 105 Est-ce pour éviter les accidents comme celui du duc de Bourgogne, tombé du cheval d’arçon à huit an (...)
  • 106 AN O1 859 f 115. Jean Fr. Brunet de Neuilly détient la première charge d’écuyer cavalcadour à la Gr (...)
  • 107 AN O1 3785.

39Son fils Berry n’a pas encore à onze ans appris à monter à cheval105. Après la mort de son frère et de son père, le nouveau dauphin monte à cheval pour la première fois à douze ans le 23 août 1766 à Compiègne. Il joue aux barres à Trianon les samedis en été 1766, une fois en septembre puis deux en octobre, préalable à la chasse à cheval. Berry est fort physiquement et bien avancé dans sa formation. À la fin de 1766, les promenades à cheval continuent et les leçons d’équitation commencent, deux fois par semaine. Entre le 26 août 1766 et le 7 juillet 1769 (dernier manège), en trois ans, il a travaillé cent soixante-cinq fois en manège. Neuilly qui l’a mis à cheval pour la première fois, reçoit un brevet de gratification annuelle de 6 000 livres106. Berry suit sa première chasse le 18 juillet 1769, à quinze ans. Soldini le pousse à chasser car il pense que c’est un moyen de le rapprocher de Louis XV. Le 10 mai 1770, Provence monte à cheval pour la première fois, ce qui donne lieu à une distribution aux gens de l’écurie du roi107. Pour Artois, cela se passe le 11 avril 1772. Ces deux princes apprennent à monter à un âge de plus en plus tardif.

  • 108 Archives de Chantilly, série P, CIII, Octobre 1685, p. 144.
  • 109 Les Écuries royales, p. 84.

40L’Académie Mesmon continue à former les autres princes qui ne bénéficient pas du manège royal. Philippe de Chartres qui s’y rend quotidiennement, y rencontre notamment Saint-Simon. Son emploi du temps prévoit ces matières aristocratiques puisque après s’être levé à huit heures, avoir prié Dieu, il consacre une demi-heure aux armes, puis se rend à neuf heures au manège avant d’aller à dix heures un quart à la messe. Cependant « le duc de Bourbon aura besoin à Versailles des soins de M. du Plessis car les chasses au cerf lui ont fait perdre quelque chose de la bonne assiette qu’il avoit à cheval108 ». Plus tard, Louis-Philippe d’Orléans (né en 1747) accompagné de M. de Fraissy, son écuyer, s’entraîne aussi chez Mesmon en 1761109. Surveillé par le capitaine des chasses de son père, Louis-Lrançois de Conti se rend quotidiennement à l’Académie du Gard, rue de l’Université, où il pratique à treize ans (1730), l’équitation, la gymnastique, l’escrime.

  • 110 Hervé Drevillon analyse la constitution d’un nouveau langage politique de la souveraineté à travers (...)

41Exercice de fin d’éducation, nécessaire à la prestance d’un prince, l’art équestre introduit les activités de chasse, les entrées dans les villes, les présentations aux troupes et à la population. Entre élégance et sang-froid, ces deux arts s’opposent dans cet apprentissage. Au dressage en manège qui favorise la maîtrise du geste régulier, mesuré sur un sol plat, répond la chasse imprévisible en raison du terrain irrégulier, des branches, du gibier, du temps et qui demande une rapidité de prise de décision et d’évaluation des risques. Le prince à cheval manifeste des valeurs nouvelles d’adresse, de prudence, de mansuétude et de décision qui le déterminent comme un être supérieur aux autres par la démonstration physique de ces vertus. Pendant toute la période, grâce à Pluvinel, l’apprentissage de l’équitation est immuable chez les princes. Seul le lieu change, manège royal ou Académie. Contrairement à l’évolution de la noblesse, les princes ont un long entraînement en manège, parfois plus de trois ans sur un rythme de deux à trois fois par semaine. Cet apprentissage comme celui de l’escrime qui exige le contrôle du corps, renforce le modèle souverain du prince110. L’ensemble est intégré dans une réalisation ambitieuse que fut Versailles comme école du pouvoir et de la souveraineté. Si l’éducation de la noblesse s’achève avec les années passées à l’Académie, ce n’est pas le cas de celle des princes.

La chasse

Venatus maximus labor est.
Quinte Curce.

  • 111 Salvadori, La chasse sous l’Ancien Régime, 1996. Les Écuries, p. 113.
  • 112 Bossuet, dans L’Oraison funèbre de Henriette Marie de France.

42La chasse est l’aboutissement de « pratiques affirmant une identité sociale par le biais du contrôle sur l’animal ». La chasse à courre, chasse royale par excellence, révèle « une force, une endurance hors du commun » et demande « une aptitude physique extraordinaire111 ». Par elle, se révèle le caractère extraordinaire du corps royal et le corps sublime du souverain. Avec sa forme de tactique, elle est une excellente école de la décision et de la rapidité d’esprit. Mais la passion est telle que parfois les princes « négligent de connaître leurs affaires et leurs armées, ne travaillant qu’à la chasse112 ».

  • 113 Du Bois, le jeudi 2 juillet 1671, p. 467.

43Très tôt, les enfants suivent la chasse en voiture, puis à cheval tenus à la longe dans les endroits les plus aisés. Ils accompagnent le roi à Fontainebleau, à Chantilly puis à Compiègne. Ils assistent à la cérémonie du retour de chasse. Le personnel, les valets leur racontent comme Du Bois qui, « ce même jour, lui appri[t] à cognoitre les lièvres au giste, à discerner les malles d’avec que les femelles, qui ont les oreilles avalées sur les deux épaules et les mâles les ont collées sur les reins et d’autres aventures de chasse qu’il fut bien aise d’entendre113 ».

  • 114 Le 31 août 1714. Lettre de Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, lettre n° 24 du 11 septembre 1714, (...)
  • 115 « Le roi prend souvent le divertissement de la chasse dans les forêts de Saint-Germain, Marly et de (...)
  • 116 À moins de dix ans, début octobre 1738, il « a été faire vendange le sept de ce mois à la Rivière, (...)
  • 117 Lordat, page du roi sert le dauphin à la chasse, le 27 mai 1744 (p. 25-26), le 1er juin 1744, « je (...)
  • 118 Croy, en 1747, p. 94.

44Le jeune Louis (XV) « doit aller à la chasse avec M. Blouin, demain, quand on lui a dit que M. le duc de Beauvillier étoit mort114 ». Il pratique bientôt toutes les chasses115 et encore plus après la mort du Régent, avec son oncle, le duc de Toulouse très grand chasseur. Son fils, le Dauphin apprécie peu les chasses mais les suit, malgré son poids, de 1738 à 1755. Très jeune, il accompagne volontiers son père116. Plus tard, le jeune Lordat souhaiterait qu’il chasse pour pouvoir le servir. « Voici bientôt le temps où M. le dauphin va tirer : il va, six pages avec lui pour lui donner le fusil et moi qui ramasse son gibier comme le premier page, celui du roi. On dit qu’il courra cet été aussi la chass eau daim et en ce cas, il n’y a que moi de page qui y aille117. » Progressivement le dauphin délaisse la chasse, « M. le dauphin vint à cheval [à la chasse au cerf], bien malgré lui, étant paresseux et paraissant haïr autant la chasse que son père l’aimait118. »

  • 119 Les princes doivent « éviter les accidents funestes [...] S’il est trouvé des princes que la chasse (...)
  • 120 Œuvres de Louis XIV, tome V, Treuttel Wurtz, Strasbourg, 1806, p. 510.

45Les princes doivent veiller à ne pas se blesser119. Louis XIV, depuis Nancy, s’en inquiète auprès de Montausier, le 13 août 1673 : « Mon cousin, [...] J’ai la satisfaction que vous pouvez juger de la continuation de la santé de mon fils et de savoir que sa médecine l’a encore augmentée. J’ai lu aussi avec plaisir ce que vous me mandez de sa chasse dans la plaine de Saint-Denis et de son adresse à tuer tant de gibier ; mais je ne puis m’empêcher de vous dire quoique je tienne l’avis pour superflu, que ces petits fusils dont il se sert, sont sujets à de grands inconvénients quand on en tire toute la journée et sans relâche comme il fait. Je vous avoue derechef que cela est plus tendre que nécessaire mais enfin la réflexion que vous y ferez ne peut nuire120. »

  • 121 Dangeau, tome VII, le lundi 12 janvier 1699.
  • 122 Sainte Beuve, sur Mme de Bouflers, p. 169-170 : « Le prince avait alors de treize à quatorze ans et (...)

46La chasse est un loisir où le prince risque sa vie et celle des autres. Louis XIV punit Berry de huit jours d’isolement dans sa chambre pour avoir blessé un rabatteur et continué à tirer indépendamment des remarques de son sous-gouverneur Razilly121. Et Berry mourut d’une chute de cheval non soignée en juillet 1710. Le 4 juillet 1730, Louis-François de Conti tue accidentellement avec son premier fusil de chasse son précepteur, le père du Cerceau chez le duc d’Aiguillon (au château de Du Plessis à Veretz)122.

  • 123 Du Bois, le 15 septembre 1671.
  • 124 Proyart, Vie du dauphin, p. 170. Soldini, Vie édifiante du dauphin, manuscrit, BnF ms fr 13784, f 3 (...)
  • 125 « Quand vous empêchez vos enfants de se trouver à mes chasses, c’est moi-même autant qu’eux que vou (...)

47La chasse est parfois un moyen de chantage auprès des dauphins. Le 14 août 1671, le dauphin travaillant bien, « il fut courre au lièvre le soir ». Le 24, pour le faire travailler, « on lui avait fait espérer qu’il irait à la courre pour la chasse au loup ». Le 15 septembre, il « alla à la chasse avec le roi et tua deux faisans, qu’il envoya à Mme de Montausier123 ». Berry est privé de la chasse de Saint Hubert de 1765. Cette chasse auxquels « les ambassadeurs des cours étrangères sont conviés124 » Pour un travail médiocre, Berry est la plus importante de l’année. Cette privation est par conséquent une mesure éminemment vexatoire car la nouvelle en sera diffusée, ce qui justifie l’intervention sans résultat d’ailleurs, de Louis XV et de Mme Adélaïde125.

  • 126 La Gazette, 1654.

48Ces apprentissages, équitation, chasse, escrime, sont des savoirs qui distinguent le prince et l’aristocrate du reste de la société. Par les hommes qui les enseignent, elles sont également spécifiques. Ces maîtres titulaires d’une technique, agissant ponctuellement, se distinguent des précepteurs. Ces apprentissages physiques et comportementaux s’exercent à la vue du public, plutôt en fin d’éducation. Ils matérialisent un apprentissage de gestes codifiés, faciles à évaluer, témoignant de l’acquisition des vertus et de la capacité à gouverner du jeune prince. Le 2 mars 1654, « Sa Majesté tira avec tant d’adresse qu’Elle remporta le prix sur tous ceux qui tiroient avec Elle, puis retourna à cheval, laissant juger à ses ennemis par la vigueur avec laquelle Elle monte en cet exercice, qui est comme l’essai du métier de guerre de quelle façon Elle les affronteroit lorsqu’Elle vouloit endosser le harnois & aller Elle-même forcer la Victoire par sa présence à couronner toutes ses entreprises126. »

  • 127 La Gazette, août 1673, p. 768. Montausier informe immédiatement par courrier le roi qui est à Nancy (...)

49La chasse est la répétition des affrontements guerriers qui éclatent à la frontière en été. En août 1673, Louis XIV entend que les valeurs de son fils comme combattant soient exaltées : « Le roy fait, donc, tous les jours monter à cheval & donne le divertissement de toutes sortes de chasses & ses soins ont un tel succès que ce prince à onze ans et demi est aussi fort & aussi adroit que les autres personnes le sont à vingt. C’est ce qu’il montra le 9 de ce mois [août], dans la chasse qu’il fit en la plaine de Saint Denis, où il fut six heures à cheval, & tua 34 perdrix ou lièvres, en volant & en courant, non sans un étonnement extraordinaire de tous les gens de qualité qui s’y trouvèrent. La France doit reconnaître ainsi, les obligations qu’elle a au roi d’avoir un soin si particulier, de rendre parfait, en toutes choses, un prince dont elle attend un jour la continuation de sa bonne fortune127. » Ce langage liant majesté, chasse et ardeur au combat, diffusé par la Gazette, présente le prince en chasseur combattant.

  • 128 La chasse de Diane, cf. Télémaque, XVIIe livre.
  • 129 Mercure de France, septembre 1768, p. 151. On peut sérieusement douter de la réflexion d’Artois (11 (...)

50Le duc de Bourgogne, malgré ses infirmités du dos et des jambes, chasse souvent avec son grand veneur le duc François de La Rochefoucauld. Des vertus princières différentes sont alors mises en exergue. Il souhaite soulager le peuple et fait indemniser les dégâts commis. Les leçons des Dialogues lui ont présenté les ravages faits dans les campagnes, les récoltes détruites, les paysans effrayés128. Un siècle plus tard, La Vauguyon met en valeur pour Berry les mêmes sentiments de mansuétude à l’égard des paysans dont les récoltes sont saccagées. Les journaux diffusent les anecdotes plus ou moins reconstituées : à la chasse, au moment de l’Hallali, Berry demande de contourner un champ de blé : « ce bled ne nous appartient pas, nous ne devons point l’endommager ». M. le comte d’Artois frappé de ce cri d’un cœur bienfaisant manifeste aussitôt des sentiments généreux en regardant son frère avec attendrissement & s’écriant « Ah ! que la France doit se féliciter d’avoir un prince si juste !129 ».

51Revues à la ville, chasses à la campagne, ces exercices extérieurs sont des moyens de manifester la majesté physique des princes. Progressivement, la diminution de l’exaltation des vertus guerrières, les princes passent de la représentation du prince combattant à celle du prince doté de vertus civiques. Seule la représentation très conventionnelle de la revue témoigne encore de leur fonction militaire en temps de paix.

Le prince apprend l’art du commandement et l’art du siège

Les Fortins pour l’entraînement

  • 130 Le Maistre R., op. cit., p. 143.

52Les premiers entraînements des princes au combat se font entre huit et onze ans, sous forme de jeux dans des bastions en modèle réduit construits dans les cours des châteaux. En septembre 1609, Louis (huit ans) combat dans son fort et donne l’assaut plusieurs jours de suite. Son frère Gaston (sept ans), le 23 août 1615 « l’après midi, passoit le temps à tracer les fondements d’une petite tour. Pour l’œuvre de ce petit édifice qui devoit être démoli deux heures après, il employoit autant de soin & d’affection que pour une chose bien importante & en avoit ainsi départi les charges à ses gens. Les enfants d’honneur avec les pages apportoyent les uns le gravier, les autres y contribuoient les pierres, qui ne passoyent guère la grosseur du poing, les valets de pied faisoyent le mortier composé en partie de boue du ruisseau & d’eau assez sale qui pouvoit faire mal de cœur aux regardants. Le prince attentif les sollicitoit à la besogne & du labeur qu’il y mettoit peignoit ses joues d’un vermillon qui redoubloit sa beauté aux yeux des assistants. Quelqu’un lui reproche « l’assiette de ce fort dans le ruisseau d’une cour, dont les eaux arrêtées ne mettoyent guère à s’empuantir. Il répondit : Je le fais ici dans le dessein pour arrêter cet élément. Qui fait arrêter cet élément peut être capable d’autre chose. Que son bâtimens soit jugé merveilleux ainsi composé des quatre éléments d’eau, de terre, d’air et du soleil qui donnoit dessus ce propos d’une si tendre jeunesse estonna la compagnie & la rendit muette130 ».

  • 131 « Le Roi se divertissait souvent à son petit fort, soit à l’attaquer ou à le défendre, ou à faire d (...)
  • 132 Bluche Fr., Louis XIV, Fayard, 1986, p. 48.
  • 133 Relation dans le Mercure de France de 1737, plan chez Jombert, librairie de l’artillerie. Poncet de (...)
  • 134 AN 352 AP 8 Journal de Bonnard, 1779, f 213, 18 février 1780.

53Les princes usent même d’explosifs. Louis XIV s’entraîne, en pleine Fronde, de 1649 à 1651, sur un fortin construit dans les jardins du Palais Royal avec de la vraie poudre en compagnie de Monsieur, des cadets comme Guise, La Rellière, Mercœur et des princes de sang comme les Lorraine131. Il en ressort entièrement en sueur avec les sourcils et les cheveux brûlés. L’année suivante, il passe à un autre stade d’apprentissage puisque en juin 1652, en même temps que le siège d’Etampes, il s’entraîne dans un petit fort à Melun au bord de l’eau construit pour le divertir132. Cet apprentissage du métier de roi, volontiers représenté dans des estampes, entremêle le jeu et la réalité de la guerre. À Versailles, il ne semble pas qu’un fortin ait été édifié. Mais les forts amusent encore les princes au xviiie siècle. En 1737, un ouvrage de fortification est construit à Saint-Cloud pour l’instruction du duc de Chartres, Louis-Philippe Ier (douze ans)133. Le dauphin Louis (huit ans) y fit plusieurs visites. La description de Bonnard jouant à la guerre en hiver dans les salons du Palais royal avec le duc de Valois âgé de sept ans, montre la formation du caractère et l’acquisition de la technique militaire : « M. de Valois prend le ton de commandement dont on lui a laissé l’habitude, je le réprime, on veut faire une attaque de retranchement, il défend la ville et d’abord veut rester derrière moi, je le mets devant moi et à la tête de la défense. Il me tient et se bat bien, il me quitte, il est pris prisonnier ; il veut rentrer dans le fort, je lui dis que je ne peux le recevoir, il insiste, il veut, il pleure, je refuse, je ne veux pas et lui explique que tout doit être égal dans les jeux et qu’il est soumis à la loi, il se soumet, nous faisons des prisonniers et nous nous les échangeons, demain il me dit qu’il sera plus prudent134. »

Les camps militaires de prestige

54Vers la treizième année des princes, l’apprentissage se développe à une autre échelle. Les objectifs sont d’approfondir, sous le contrôle du roi, les aspects pratiques et matériels. Des camps militaires sont construits pour un enseignement pratique sans risque. Leur organisation a été confiée à un petit nombre de maréchaux. C’est le cas de d’Humières et de Boufflers (1643-171 1), commandant de la Lorraine puis maréchal de camp en 1683, qui a enseigné aux fils Louvois. Puységur complète cette formation pratique pour tous les princes jusqu’au duc de Chartres, Louis-Philippe Ier en juin 1741.

  • 135 50 000 hommes et une dépense de seize millions de livres selon Millot, qui à la fin du xviiie siècl (...)
  • 136 Camp de Coudun, Almanach royal de 1702.
  • 137 L’art de vaincre et de régner, enseigné par Sa Majesté à Mgr le dauphin, Almanach de 1681. La diffé (...)

55La guerre devient un spectacle alors que le roi ne commande plus en personne ses troupes. Bourgogne est initié plus tardivement. Beauvillier ne s’en charge pas mais utilise les services de Denonville, le sous-gouverneur. C’est alors que Louis XIV, après la paix de Ryswick, fin août 1698, décide de faire l’instruction militaire des princes et de réunir à Compiègne un camp militaire de prestige où les ambassadeurs des pays européens assisteront à la mise en scène de la puissance française. Ce camp grandeur nature commandé par Boufflers dure vingt-cinq jours135. Les princes, qui se déplacent sans danger dans la plaine, commandent les attaques. Le prestige en revient au roi et à son premier petit-fils. Concourant à la représentation iconographique du règne, une monnaie est frappée qui montre le duc de Bourgogne avec les insignes de commandement, « Militaris instituto ducis burgundiae. Castra Compendiensia ». Les camps d’instruction des princes se poursuivirent les années suivantes mais avec moins d’éclat et de dépenses : ainsi l’ « Art de la guerre [est] enseigné par Sa Majesté le roi à Messieurs les princes et Enfants de France136 » après l’avoir été au dauphin en 1681137.

56Durant le voyage de 1700, Bourgogne complète sa formation en visitant nombre de forteresses, de châteaux forts et de camps (la citadelle de Blaye, le Château-trompette à Bordeaux, les citadelles de Bayonne, fort de Socoa, de Hendaye, de Nîmes, de Marseille, de Toulon), tandis qu’une attention nouvelle est portée aux rades et aux arsenaux militaires, œuvre de Colbert.

  • 138 « Camp et fort de Montreuil et de Porchefontaine, premier ouvrage de fortification et de représenta (...)
  • 139 Barbier, tome I, p. 155-156.
  • 140 Le sacre a lieu le dimanche 25 octobre 1722 après les vendanges. Barbier, tome I, p. 242.

57La contestation qui s’est faite jour après le sac du Palatinat (1688) puis à la fin du règne de Louis XIV (l’abbé de Saint Pierre) a modifié la perception de la guerre mais n’a pas diminué l’intensité de l’apprentissage des princes. Les exercices concrets se prolongent jusqu’au milieu du xviiie siècle malgré les modifications tactiques. Louis XV étant roi, son instruction précoce et accélérée commence quand il a douze ans. Au début de 1722, l’ingénieur Mazin lui construit un plan relief où figuraient les éléments intérieurs et extérieurs d’une fortification idéale, D’Hermand a même conçu un petit bagage pour illustrer le service des vivres de l’armée. Le 15 août, jour de sa première communion, le duc de Bourbon lui offre un petit fusil. Pour rendre concrète la théorie militaire que le marquis de Puységur enseigne, un fort avec bastion, fossé, lune est construit entre Montreuil et Porchefontaine à Versailles. Le géographe du roi, Daudet, lève les plans des environs138. Le chevalier de Pezé, capitaine des gardes du corps assura le jeu à partir du 12 septembre 1722. Barbier décrit les attaques, les soldats qui font semblant d’être tués ou blessés, sont emmenés sur des civières ou quittent le champ de bataille en boitant. C’est une mise en scène grandeur nature. Barbier est frappé par l’attitude de Louis XV. « On tira à côté de lui des canons et des bombes sans qu’il eût la moindre frayeur. » La place capitula le 29 septembre 1722, à la saint Michel. Le camp est une distraction pour la cour. La foule vient visiter ce qu’elle ne peut voir d’habitude et se rendre compte de l’instruction militaire du jeune roi139. Les planches sont publiées dans l’Almanach de 1723. Villeroi, gouverneur persuadé de son rôle dans l’apprentissage militaire mais renvoyé à cette date, aurait organisé un camp militaire à Reims en prévision du sacre. « Il y a fait une dépense excessive, personne n’y est allé140. »

  • 141 « On a fait l’attaque du fort polygone, on a jeté des ponts sur la rivière et tous les exercices de (...)
  • 142 Gastelier J. E., pp. 254-256.
  • 143 Journal du camp de Compiègne en 1739, augmenté des épreuves des mines faites en présence du roi, pa (...)

58En juillet 1739, à son tour, Louis XV décide de commencer l’apprentissage de son fils lors du camp de prestige de Compiègne. Sur la terrasse du château, un polygone fortifié de cent toises sur quarante est construit141. Le dauphin (dix ans) en fait le siège tandis que le duc de Chartres (quatorze ans) défend la place. Le 4 juillet 1739, « le prince fut bien content de l’école des canonniers. Le poteau contre lequel le canon, le mortier et les pierriers étaient pointés fut abattu trois fois en sa présence. Les mines du fort polygone sont achevées142 ». Le fort se rend le 23 juillet. C’est le dernier construit pour un prince. Le Camp de Venette, exercice militaire grandeur nature, peut alors commencer. Depuis le 9 août 1739, cette « école de fortification et une d’artillerie où le dauphin se rend assidûment et fait voir beaucoup d’application » dans sa première leçon d’art militaire, est commandée par le comte d’Eu en présence du ministre de l’armée, le comte d’Angiviliers143. L’année suivante, le duc de Chartres, quant à lui, entame une visite des troupes et des fortifications de la mer du Nord alors que le dauphin rentre à Versailles.

59D’un jeu au fond du parc d’un château, le fortin est devenu une mise en scène grandiose de l’initiation militaire des jeunes princes. D’un entraînement physique entre enfants, il est devenu une représentation organisée au service de la monarchie, une distraction donnée au peuple.

Le prince part à la guerre

Baptême du feu et participation aux combats

  • 144 BM Méjanes Aix en Provence, Ms 502 (153), Journal de Millet de Jeure, f 257.
  • 145 Idem, p. 355.
  • 146 Idem, p. 359.

60L’entraînement étant achevé, le prince peut exercer sa prérogative suprême, le commandement de l’armée. Si la participation des princes aux combats motive les troupes, elle fait prendre conscience aux princes de la dureté des combats, endurcit leur caractère et expose leur vie. Cette présence nécessaire est précoce pour Louis XIV. En 1646, à presque huit ans, il assiste au rassemblement pour la campagne de guerre en Flandres, à Amiens et à Compiègne. En avril 1650, spectateur au siège de Bellegarde, il fréquente les soldats, s’intéresse à leurs conditions de vie. « Sa Majesté fut en personne à ce siège et ne s’approcha que trop près des attaques avec une fermeté incroyable quoique le cardinal qui en avoit été plus près que qui que ce soit, fist ce qu’il pust pour l’en empêcher144. » En juillet 1653, il assiste à son premier combat à la prise de la Fère et c’est après le sacre qu’il reçoit le baptême du feu au siège de Stenay, à l’été 1654. Le cadet reçoit une éducation similaire mais en 1655, le roi étant au siège de Landrecies, la Cour à Soissons, « la reine voulut retenir ce jeune prince auprès d’elle pour lui tenir compagnie et ne pas voir exposer en même temps des deux uniques enfants145 ». Son gouverneur Praslin l’emmène au siège de Montmédy, en 1657. « Sa Majesté y mena M. son frère une fois avec elle qui s’accoutuma dès lors au bruit du canon et de la mousqueterie qui ne le surprit et ne l’étonna point. Il demeura ferme et sans aucune altération dans ses yeux et dans ses mouvements aux sifflements impétueux des quelques boulets qui passèrent pas loin de lui. Ce siège fut rude et sanglant146. »

  • 147 Fort de sa nouvelle technique de prise de ville, Vauban a pris la ville en six jours. Cela n’empêch (...)
  • 148 La Gazette, juin 1674, p. 542.
  • 149 Méjanes, f 472. Millet de Jeure n’accompagne pas le dauphin car le roi l’a nommé gouverneur de Brou (...)
  • 150 Abrégé de l’histoire et des généalogies des grandes Maisons d’Allemagne », BnF Clairambault 911. Le (...)
  • 151 Guillart (ou Guillard) proche de Colbert et ancien précepteur de familles aristocratiques et collab (...)
  • 152 Œuvres de Louis XIV, tome VI, Treuttel Wurtz, Strasbourg, 1806, p. 14.

61Le grand Dauphin reçoit son initiation militaire l’année de ses treize ans, pendant la campagne de Franche-Comté, où il participe à la reddition d’un siège grandeur nature. « Qui peut Lui mieux enseigner l’art de vaincre et de régner que l’exemple de son père ? » La prise de Besançon, le 15 mai, a été tellement rapide que le dauphin n’était pas présent147. En revanche, celle de Dôle répond à la mise en scène envisagée. Le dauphin, qui loge à deux lieux de Dôle avec la reine, les princes de Conti et le duc de Montausier, arrive spécialement à la fin du siège. Le 7 juin 1674, les troupes du roi et notamment le régiment du Dauphin rentrent dans la ville. Cette fois, Louis XIV a délégué à son jeune fils la réputation de conquérant. « On ne doit pas oublier que la fortune s’est déclarée ici en faveur, de Mgr le Dauphin, comme elle s’est déclarée tant de fois en faveur de notre grand monarque ayant voulu que cette conquête se soit achevée en la première visite qu’il fit au camp de S. M. [...] ce qu’on prend pour un très favorable augure pour ce jeune prince148. » Sur le plan éducatif, c’est l’occasion de montrer au dauphin les innovations technologiques de Vauban. Neuf ans plus tard, le roi lui confie le commandement de l’infanterie sous la tutelle de Villeroi. « Mgr le dauphin en fit les honneurs qui s’en acquitta avec toute la satisfaction que le roi devoit espérer de grandes et rares qualités de ce prince, l’admiration et l’amour s’il faut ainsi dire des troupes qui le regardèrent & le vénérèrent comme un jeune héros, la douceur de son commandement, l’exactitude de la discipline qu’il fit observer, la bonté avec laquelle il traita les officiers & la ponctualité à s’acquitter de ce glorieux devoirs sous les yeux du plus éclairé de tous les rois et du plus grand des capitaines, Sa Majesté quoique fort réservée sur les louanges de Mgr le dauphin lui rendit néanmoins justice publiquement et le loua dignement de ses soins, de son application & de son intelligence149. » Mais à l’âge de vingt-six ans, son apprentissage n’est pas encore terminé. Le 2 septembre 1688, Philipsbourg (rive droite du Rhin) est une bataille impressionnante au regard du nombre des princes engagés. Vauban, conseiller du grand Dauphin dans le commandement d’un siège, expérimente une nouvelle technique, le tir à ricochet, qui multiplie les impacts. Philippe de Chartres s’est préparé physiquement et a reçu entre 1687 et 1689 des cours particuliers sur l’Allemagne150 rédigés par Guillart151. Le duc du Maine y fait ses premières armes à dix-huit ans. En 1689, Louis XIV le recommande en ces termes au maréchal d’Humières : « J’envoie mon fils le duc du Maine servir dans l’armée que vous commandez. Vous savez l’amitié que j’ai pour lui et combien je souhaite qu’il se rende digne de soutenir l’état où il est. Je lui ai ordonné de croire en tout ce que vous lui direz, étant assuré que vous le porterez à faire ce qu’il doit et même un peu plus. Le marquis de Louvois vous a écrit mes intentions sur la manière dont je veux qu’il soit traité. Je m’assure que vous ferez ponctuellement ce que je désire. Laissez voir tout au duc du Maine, mais évitez autant qu’il sera possible qu’il ne s’engage mal à propos et dans de petites affaires à pouvoir être pris152. »

  • 153 La Palatine, 23 août 1693, éd. 2002, p. 159. Dubois a parfaitement su mettre en avant les qualités (...)
  • 154 Sans possibilité d’initiative ni de responsabilité, il est isolé et n’est pas informé, à l’inverse (...)

62Puis en mars 1691, à Mons, tous les princes combattent de nouveau, le grand Dauphin, Maine (21 ans), Chartres (17 ans), Toulouse (13 ans), accompagnés de leur gouverneur. Leurs exploits sont observés et les querelles sont visibles. « Si mon fils faisait pas campagne tous les ans, à l’âge où il est, il se ferait mépriser affreusement et perdrait toute considération153. » En 1692, l’éducation militaire pratique de Philippe de Chartres et du duc du Maine se poursuit avec le maréchal de Luxembourg. Mais Chartres, étroitement surveillé, est traité en simple volontaire154. Et c’est pourtant lui qui se fait remarquer à la guerre au grand dépit de Mme de Montespan.

  • 155 Cornette, Le roi de guerre, p. 360, p. 155. « Il fallut tenir Monseigneur à quatre : il vouloit all (...)
  • 156 MV 3697 Tableau du Dauphin à Philipsbourg avec Vauban.
  • 157 Lettre de Louvois au maréchal Duras le 22 octobre, cité dans le père Griffet, Recueil de lettres po (...)

63Les princes cherchent à montrer l’éclat de leur courage et de leurs talents. Le Dauphin discute longuement plan en main avec les ingénieurs si bien qu’il encourt un danger dans la tranchée155. Comparé à César, appelé « Louis le Hardi »156, il s’expose si ostensiblement que « le roi mande présentement à Mgr, qu’il ne désire plus qu’il aille à la tranchée et qu’ayant fait à présent tout ce qui étoit nécessaire pour sa propre gloire, il ne veut plus qu’il songe à autre chose qu’à achever de s’instruire157 ».

  • 158 Mme de Sévigné, Lettres, tome II, p. 1025, note 1.
  • 159 Ibid., p. 744, p. 751, 1690.

64Les risques sont réels. Jussac accompagne le duc du Maine à la guerre. « Étant hors d’age, il protégea le duc de son corps » et fut tué à Fleurus le 1er juillet 1690158. « Et ce pauvre Villarceaux ! et Jussac ! ce philosophe ! cet homme retiré ; la Cour le tente ; il suit son pupille ; le prince tombe parce qu’il a eu deux chevaux tués sous lui : ce bon gouverneur veut le relever ; on le tue : voilà qui est fait [...] cette sorte de mort est non seulement violente mais encore violentée car il vivoit comme retiré et Mme de Montespan le fit venir à la Cour par force et puis à la guerre où avec un tel prince, qui prend goût au métier et qui ne trouve rien de trop chaud, il ne devoit pas apparemment faire de vieux os ; cela est arrivé comme je crois qu’il le prévoyait bien lui-même et c’est dommage. Dans certains âges, le repos est ce qui convient le plus159. » Le duc de Chartres participe au siège de Maubeuge en 1694, durant lequel meurt le marquis d’Arcy, son gouverneur.

  • 160 Mme de Sévigné, Lettres, n° 886, tome III, p. 260, 1er déc. 1688, dans la Gazette, de déc. 1688, ré (...)

65L’art militaire est une technique qui n’est rien sans la morale et les vertus du prince. Après le siège de Philipsbourg, Montausier ne complimente pas le grand Dauphin de sa victoire car il « a une bonne armée, des canons et Vauban, “je ne vous en fais point aussi sur ce que vous êtes brave, c’est une vertu héréditaire dans votre Maison, Mais je me réjouis avec vous de ce que vous êtes libéral, généreux, humain et faisant valoir les services de ceux qui font bien. Voilà sur quoi je vous fais mon compliment.” Tout le monde aime ce style, digne de M. de Montausier et d’un gouverneur160 ».

  • 161 « Je reçus, il y a quelques jours, la réponse du roi à ma lettre dans laquelle il m’assure qu’il va (...)
  • 162 Lettre à Tallard, Millot, p. 43. Une estampe magnifie cette gloire naissante : BnF Estampe Collecti (...)

66Fénelon résiste face à cette invasion du militaire dans l’éducation. En 1698, Louis XIV confie en guise de réponse, l’éducation théorique de Bourgogne à Vauban assisté de Denonville. À dix-huit ans, Bourgogne n’a jamais assisté à un combat. Il le demande avec insistance à son grand-père après avoir accompagné son cadet sur le trône d’Espagne161. Quand la guerre éclate, il part en décembre 1701 accompagné par le duc de Vendôme, puis en avril 1702, par le maréchal de Boufflers. En septembre 1703, il est envoyé avec Vauban prendre Brissac, ce qu’il réussit après un siège de treize jours. Ce baptême du feu est relaté sans emphase par La Gazette. Bourgogne aurait dit à Vauban : « Monsieur le maréchal, vous allez perdre votre honneur devant cette ville : ou nous la prendrons et l’on dira que vous l’avez mal fortifiée, ou nous échouerons et l’on dira que vous m’avez mal secondé. » Vauban répond : « Monseigneur, on sait comment j’ai fortifié Brissac, mais on ignore et l’on saura bientôt comment vous prenez les places que j’ai fortifiées. » Le prince fait honneur à son rang tout en provoquant la prudence du roi : « Denonville, à force de crier que je me mettais à l’embouchure du mousquet et que c’est par miracle que je suis revenu de l’armée, est venu à bout de le persuader au roi et à la duchesse162. »

67L’apprentissage théorique de la profession des armes a été plus longue pour les princes de la génération du grand Dauphin que pour son père qui a été immédiatement confronté à la pratique. Il s’est accompagné d’une recherche de gloire et d’une exaltation des vertus du prince. Les actions militaires sont connues par la cour, spectatrice de ces sièges par les estampes, les courriers... Le théâtre des armées célèbre les princes combattants et la Cour discute sans fin des actions et décisions militaires, jusqu’à créer des rivalités comme entre Bourgogne et Vendôme, par exemple.

  • 163 Barbier, tome IV, p. 37.
  • 164 Il a commandé : Histoire des guerres et des négociations du traité de Westphalie... par le père Bou (...)
  • 165 Idem, p. 66.
  • 166 Idem, p. 66.
  • 167 La dauphine était sur le point d’accoucher. Elle meurt en juin après avoir donné naissance à une pr (...)

68L’absence de conflit pendant l’enfance de Louis XV évite d’exposer les princes. Le dauphin part en campagne avec son père en mai 1745, à quinze ans et demi, déjà marié. « Le roi et le dauphin ont été exposés au canon pendant toute l’action, ce qui a été très imprudent pour la France. On dit même que le dauphin vouloit se mettre à la tête de la Maison du roi et que sagement on l’en a empêché163. » Dans les mois qui ont précédé son baptême du feu, il a dévoré les ouvrages diplomatiques et militaires publiés récemment pour comprendre les combats de Louis XIV sur la frontière du nord164. Il participe à la bataille de Fontenoy à la tête de son régiment commandé par son menin La Vauguyon « qu’il estima dès lors pour sa bravoure ». Au camp de Tournai, le maréchal de Saxe décrit « sa taille avantageuse, sa complexion vigoureuse et capable de soutenir les fatigues d’une campagne, les traits du visage agréablement formés, le teint d’une grande fraîcheur, les yeux pleins d’esprit et la noble simplicité dans son intérieur, appréciée du soldat165 ». L’observation de la vigueur physique souligne l’aspect extérieur de la présentation du prince aux armées. « En Flandre, le roi a été voyagé à Gand et à Bruges, avec M. le dauphin, où l’on dit qu’il a été reçu avec grands respects et grandes acclamations de joie de tous les peuples. Cela fera une belle campagne, curieuse et bien instructive pour M. le dauphin166. » L’année suivante, le roi refuse qu’il l’accompagne, jugeant suffisante sa participation167. Cette bataille et celle de Raucoux, l’année suivante, transforment profondément la tactique.

Vers une nouvelle formation militaire

  • 168 Après la bataille de Rossbach en 1757 face aux Prussiens, les régiments d’infanterie furent complèt (...)

69Au milieu de xviiie siècle, la guerre de siège disparaît tandis que la guerre de mouvement renouvelle l’art militaire. L’augmentation des effectifs, le perfectionnement des armes, une mobilité plus grande de l’artillerie dans l’offensive, l’adoption des méthodes de Frédéric II modifient la tactique qui combine désormais les trois armes, agence différemment la colonne transformée en « ordre mince168 ». Alors que l’art militaire se transforme, il paraît inutile d’entraîner Berry et ses frères dans une représentation dépassée de prise de fortins.

  • 169 BnF AR 102, Carton 4, liasse 14, f 242-250 : Les princes ont lu de Vegece, De remilitari de 1759, d (...)
  • 170 Entretiens avec La Vauguyon, p. 102.
  • 171 Il n’est d’ailleurs pas représenté en soldat, ni en armure.

70Puisque l’offensive est en pleine révolution, La Vauguyon engage Berry dans l’étude des ouvrages militaires dont la publication est en plein essor. En mai 1768, il reçoit de la bibliothèque royale des traités militaires suivant la vague des études renaissantes sur l’Antiquité, des mémoires de maréchaux contemporains ou d’expert sur l’infanterie parmi lesquels La Vauguyon a choisi une dizaine d’ouvrages qui font polémique sur le nouvel ordre de bataille à partir d’interprétation des ouvrages militaires de l’Antiquité169: « C’est proprement dans les troupes que résident toute la force et toute l’autorité du gouvernement [...] l’art de la guerre, négligée à un certain point, dans un royaume, par l’indifférence, la mollesse ou l’indolence de ceux qui gouvernent, peut réduire la plus grande puissance à [un] état de faiblesse170. » Malgré ces remarques, Berry n’a pas d’initiation militaire autre que des lectures très spécialisées, des calculs de mathématiques et des plans militaires. Mais comment se montrer en roi de guerre ? Son gouverneur ne lui organise ni camp ni activités militaires. Cette éducation en chambre le coupe des officiers171. Or, il faut apprendre à donner des ordres à ces nouveaux officiers formés à l’École militaire. Louis XVI est dépourvu des connaissances concrètes. En août 1774, l’abbé de Veri perçoit cette transformation qu’il analyse comme une lacune : « Un roi sans talent ni goût militaire, voilà qui me ferait redouter la guerre, malgré la richesse et la population du royaume. »

Le roi de France peut-il être un marin ?

  • 172 « Mercredi 11 du mois, le roi très chrétien revint de Fontainebleau à Paris [...] Sa Majesté le roi (...)

71La France s’est intéressée tardivement à la marine même si Richelieu l’estimait fondamentale. Les ambassadeurs vénitiens ont beau chercher un indice172, il est certain que l’instruction maritime des princes est restée longtemps lettre morte. Mais le défaut d’instruction n’exclut pas une initiation pratique et le développement de centres d’intérêt.

  • 173 Il s’agit du traité de 1604 entre Henri IV et Ahmet IV apprécié par le roi et par le pape.
  • 174 Dictionnaire de la Marine, dir. Vergé-Franceschi, article « Bâtardise et marine », 1. 1, p. 180. Cé (...)
  • 175 Ordonnance sur la marine entre 1670 et avril 1689. L’amiral a un rôle administratif, judiciaire et (...)
  • 176 Sur la navigation des peuples de l’Europe depuis 1400. Il l’initie au Traité du droit maritime et n (...)
  • 177 Les premières planches datent de 1682, la première édition sort des presses de l’Imprimerie Royale (...)
  • 178 Il est rédacteur de la grande ordonnance de la marine en 1689 qui fixe les bases statutaires de l’e (...)
  • 179 « Je n’écris que pour une seule personne et je me renferme à ce qu’elle m’a demandé », Avertissemen (...)
  • 180 Au Musée de la marine, se trouve le modèle réduit dit « le Louis XV », vaisseau de ligne à trois po (...)
  • 181 ADY cote A 1557.

72Gaston avait trouvé dans son gouverneur, Savary de Brèves, un expert en questions maritimes et un excellent négociateur des ambitions orientales de Henri IV. Savary avait clôturé son ambassade à Constantinople par un traité remarquable qui réglementa pendant un demi-siècle le droit maritime et les privilèges français au Levant173. Louis XIV a visité dans sa jeunesse les ports français des quatre mers bordant le royaume (en 1647 à Dieppe avec Abraham Duquesne, en 1650 à Bordeaux, en juin 1658, après la bataille des Dunes à Dunkerque, en 1660 à Marseille, en 1661 à Nantes). Sous le contrôle de Mazarin, il s’est fait initier aux choses maritimes par les plus grands marins. Sous Louis XIV, la marine devient une spécialité destinée aux légitimés et cet enseignement ne concerne plus les princes royaux. Dans la conception militaire de la monarchie absolue, il n’y a de combat noble que terrestre. Aucune carrière ne peut se faire en dehors de l’artillerie ou de la cavalerie aux cotés du roi qui combat sur terre exclusivement. La marine devient l’apanage des « bâtards » et l’amiral est pour longtemps un enfant174. C’est sur le conseil de Colbert que le roi rétablit l’amirauté de France (sauf pour la Bretagne) et confie la charge au duc de Vermandois, le 12 novembre 1669175. Claude Fleury lui donne une instruction conforme à sa charge d’amiral176 et Sauveur publiera plus tard, en 1689 avec Renau, un Traité de la manœuvre des vaisseaux. Déjà sous le contrôle de Colbert, il participe à la publication officielle des cartes des côtes françaises, le Neptune français, avec la collaboration de l’Académie royale des sciences et des ingénieurs hydrographes177. Louis-Alexandre, comte de Toulouse, est devenu amiral à la mort de son demi-frère Vermandois. Si son gouverneur, le marquis d’O, est assez pusillanime, son précepteur Henri du Trousset de Valincour178, proche de Seignelay, lui donne un goût prononcé pour la marine bien que l’amiral-enfant ne prenne pas la mer. Il encourage Villette-Mursay à rédiger ses Mémoires pour former Toulouse au métier179. Cette disposition voulue par Louis XIV pour assurer une fonction et des revenus à ses fils illégitimes, diminue l’importance de cette formation pour les princes royaux. Cependant, lors de son voyage vers l’Espagne, Bourgogne découvre avec un grand intérêt la mer à la plage du Boucau, près de Bayonne où il revient trois jours de suite. Il visite les ports, Toulon et Marseille notamment, où il fait preuve d’une bonne capacité de compréhension des problèmes maritimes et portuaires. Il assiste à des manœuvres de bateaux et examine en détail des galères ainsi que tous les ateliers nécessaires à cette construction. Une quinzaine d’années plus tard, Louis XV aurait acquis quelques connaissances grâce à des maquettes180. Un tableau recensant tous les pavillons de la marine lui permet de les identifier181.

  • 182 En 1748, l’encyclopédiste et inspecteur général de la Marine, Henri-Louis Duhamel du Monceau qui a (...)
  • 183 Le Dauphin Royal, Maquette de 290 x 80 x 95 cm-Echelle 1/24, Rochefort, hôtel de Cheusses. L’affair (...)
  • 184 Inventaire général des dessins de l’école française, 1975, article : Ozanne, n° 296, 297, 298. Musé (...)
  • 185 comme l’indique le dessin du folio 4 de l’album daté de 1769. Neptunia n° 101, 1971-1. Vichot, Essa (...)

73D’une destinée pour les princes légitimés, la marine devient une connaissance passionnée au milieu du xviiie siècle. Le renouveau des connaissances sur la marine est l’œuvre du comte de Maurepas, ministre de la Marine et surtout de l’inspecteur général de la Marine, Duhamel du Monceau à partir de 1741182. En 1751, le secrétaire d’État à la Marine, Rouillé, veut attirer l’attention du dauphin sur l’importance nouvelle de la marine. Il commande à l’arsenal de Rochefort un modèle à vocation pédagogique qui fut livré dans la nouvelle salle de la marine du Louvre au début de 1752183. La Vauguyon, ami de Maurepas, affligé des défaites maritimes de Louis XV, l’encourage à s’intéresser à la marine. Deux gentilshommes de la manche Boisgelin et Marbeuf sont d’ailleurs d’anciens enfants de corps de la marine. La marine est inscrite au programme en 1762 pour Berry et après 1769 pour ses deux frères, entrant pour la première fois dans l’éducation des princes royaux. Des ouvrages manuscrits en témoignent dont aucun n’a été imprimé184. Le peintre de marine Nicolas Ozanne (1728-1811) participe joliment à l’instruction grâce à des recueils d’une grande clarté dont chacun des frères possède un exemplaire185. Une planche présentant les pavillons de marine est jointe à ces ouvrages. Des plans en lavis et aquarelles, à l’initiative d’Ozanne, décrivent la construction des vaisseaux, leurs allures, mâtures et gréements. Ils illustrent un enseignement complet si l’on en juge d’après la variété des planches.

  • 186 Lettre de l’abbé Vermond, sans date, dans Coursac, Provence et Artois, p. 17. Son éducation fut l’œ (...)
  • 187 Un album de soixante vues de ports français et des colonies, Médiathèque de Dieppe, Œuvres de Ozann (...)
  • 188 Fleurieu (1738-1810) était inspecteur adjoint du dépôt des cartes et plans, depuis 1775, élu à l’Ac (...)

74Penthièvre, qui a hérité du titre d’amiral, le transmet en survivance au duc de Chartres, son gendre. Mais en 1785, Louis XVI refuse d’accorder la survivance du rang honorifique au premier prince de sang pour l’octroyer à son propre frère, Artois. Il semble que ce soit moins le résultat d’une éducation maritime que l’opportunité de lui fournir des revenus conséquents. C’est l’époque des visites des ports de France par le roi, après celles de ses frères et leur première rencontre, presque adultes, avec la mer. « La Marine est son étude favorite [du roi] et l’on possède à cet égard toutes les connaissances qui peuvent s’acquérir sans la pratique186 », déclarait méchamment Vermond. S’il ne dirige pas les troupes ni la marine pendant la guerre d’Amérique, Louis XVI s’efforce de perfectionner son savoir maritime et d’en organiser l’apprentissage pour son fils. En 1775, pour l’éducation du dauphin, Louis XVI commande des Nouvelles vues perspectives des ports de France187. Il désigne en 1790 le chevalier Charles de Fleurieu comme gouverneur de son second fils. Une page se tourne dans le choix des gouverneurs, celui du dauphin n’est plus maréchal de camp. Cet hydrographe, grand scientifique, passionné par les aspects techniques et scientifiques, n’est même pas un authentique officier de marine188. Les passions du roi pour la science maritime l’avaient emporté et le dauphin allait être un roi marin.

75Le prince ne peut devenir vraiment prince qu’en participant directement à l’école de la guerre. Ces savoirs professionnels, constitutifs de la majesté et du pouvoir, enseignés dès le plus jeune âge, suivent une progression très précise, avant d’être renforcés en fin d’éducation. Le roi se charge de la transmission du savoir et de l’autorité à ses fils et ses petits-fils. Les « héritiers  » comme le duc de Bourgogne et ses frères n’abordent les affaires militaires qu’à la fin de leur éducation. Cet apprentissage persistant de la guerre terrestre est confronté aux modifications tactiques dans les années 1760, tandis qu’à l’initiative de Louis XVI, l’enseignement maritime et scientifique se développe. Cet apprentissage s’est diversifié, complété par des connaissances mathématiques, balistiques qui rendent la technicité indispensable pour vaincre. Cependant le prince n’a eu aucun contact direct avec les troupes et n’a pas d’habitude de commandement. Blondel avait raison et cent ans après lui, Rivarol s’exclame au sujet de Louis XVI : « Si le roi était monté à cheval... »

Notes

1 La Mothe La Vayer, Instruction de Mgr le Dauphin, 1783, p. 27 et suivantes.

2 Bossuet, Lettre à Innocent XI.

3 BnF mss fr 17263. C’est une traduction française des livres I-V, 36 de De bello gallico, où dans la marge du premier feuillet, se trouve la mention « Leçons du roi Henri IV » (cité par Th. Goyet, note 30, La philologie du précepteur, tome I).

4 Zuber, p. 98. Perrot d’Ablancourt traduit entre 1640-1644 les Annales de Tacite et surtout Germanicus. Il fournit exclusivement les traductions de Condé en publiant en 1646, La guerre d’Alexandre d’Arrien, de Tacite, la Germanie et la Vie d’Agricola, en 1648, Xénophon, La retraite des dix mille, 1650, Les Commentaires de César, 1651, L’histoire de Tacite.

5 Lacour-Gayet, 1923, p. 76, Du Bois, p. 215.

6 Le port Icius de César, Mémoire sur la Gaule de Nicolas Sanson.

7 BnF mss fr 13430 : 78 pages, de la collection Lechaudé-Anisy.

8 BnF mss fr 12839, papiers Bossuet, f 3-4.

9 Les textes sur la guerre de Hollande (Madrid ms 334, 66 pages manuscrites) pour le duc d’Anjou sont la reprise exacte des textes du grand Dauphin de 1672 (BnF mss fr 12839).

10 BnF mss fr 1759 : César en Mauritanie, Égypte, Espagne, Mss fr 2319 à 2321 guerre des Gaules et guerres civiles en français. BnF Madrid pour Anjou : Mss 345 à 351 : Commentaires de César : Aquitaine, Belges, Ebron, Gaulois, Guerre civile, Afrique, Espagne, Mss 351 la Guerre d’Alexandrie de César se termine le 16 août 1697.

11 BnF naf 2076, Ranchon, p. 169 et suivantes.

12 BnF AR 102, carton 4, liasse 13, f 138, 9 mai 1740, Notes des livres fournis pour M. le dauphin, signée de Châtillon.

13 Idem, Folard chevalier J. Ch. (1668-1752), Histoire de Polybe, nouvellement traduite du grec par Dom Thuillier, avec un commentaire ou un corps de science militaire enrichi de notes critiques et historiques sur la vie de Polybe, 6 vol, in-4, Amsterdam, 1729-1730. Guischard Ch., Mémoires militaires sur les grecs et les romains, (d’après Arrien), Lyon, 1760, 2 vol., in-8. Rohan duc H. de, Le parfait capitaine, autrement l’abrégé des guerres de Gaule des commentaires de César, Paris, Houzé, 1636, in-4.

14 Bossuet, Lettre à Innocent XI.

15 Romano, p. 477. Chassagne S., « Comment apprenait-on les mathématiques sous l’Ancien Régime ? », dans Populations et cultures, études réunies en l’honneur de F. Lebrun, Rennes, 1689, p. 137-144. Le Dividich A., L’enseignement des mathématiques en France (1600-1670), thèse de l’école des Chartres, 1996, 4 volumes, 516 p.

16 La Mothe Le Vayer Fr., De l’instruction de Mgr le dauphin, De l’arithmétique, p. 70.

17 Ceci est comparable aux Collèges jésuites dont l’auditoire de mathématiques est constitué d’élèves de troisième année de philosophie. Romano A., La contre-réforme mathématique, constitution et diffusion d’une culture mathématique jésuite à la Renaissance, 1540-1650, École Française de Rome, n° 306, Paris, 1999, p. 64.

18 Camille Fremontier-Murphy, Catalogue raisonné des Instruments de mathématiques, xvie-xviiie siècle, cadrans solaires, astrolabes, globes, nécessaires de mathématiques, instruments d’arpentages, microscopes..., RMN, 2002.

19 L’écriture algébrique n’est pas connue avant que le créateur du symbolisme algébrique, François Viète (1540-1603) ne conçoive le langage que diffuse Descartes. Viète travailla comme « interprète et déchiffreur » des rois Valois et de Henri IV.

20 Rivault D., Sieur de Fleurance, Archimedis opera, in-folio, Claude Morel, 1615, dédicace au roi. Œuvres d’Archimède traduit par Tartaglia, Venise, 1543.

21 Chabaud G., Science enjeux, Les recréations mathématiques et physiques en France du xviie au xviiie siècle, Thèse pour le doctorat à l’EHESS dir. J. F. Revel, 1994, p. 15-78.

22 Leurechon Jean dit Van Etten, Recréations mathématiques composées de plusieurs problèmes plaisants et facétieux, en faict d’arithmétique, mécanique, optique, catoptrique et autres parties de cette belle science, Paris, Jean Moreau, in-12°, 2e édition, 1626.

23 L’année précédente, il avait repris l’idée de l’anglais Günter de faire graver sur cuivre une règle à calcul. Wingate E., L’usage de la reigle de proportion en arithmétique et géométrie, chez Melchior Mondière, 1624.

24 L’algèbre devient une méthode puissante qui supporte le raisonnement sur des quantités abstraites et inconnues. L’arithmétique prend son essor grâce à Pierre de Fermat (1601-1665) qui étudie la divisibilité des nombres entiers, ouvre des perspectives en calcul infinitésimal. Les Jésuites modifient alors leur programme et créent ainsi une des spécificités de leur enseignement par rapport à celui de l’université (Romano, p. 483 et suivantes). Le père Dainville leur reconnaît la création d’« un enseignement secondaire fondé sur un humanisme non pas seulement littéraire mais philosophique et mathématique » (Dainville Fr., « L’enseignement des mathématiques au xviie siècle », xviie siècle, n° 30, janvier 1956, p. 62-63). Les mathématiques se constituent comme une science digne d’étude et non plus comme un art. À Port-Royal, elles continuent à être enseignées comme une récréation et par conséquent, le dimanche. Mais c’est surtout au xviiie siècle que l’arithmétique prend place dans les programmes scolaires généraux. Antonella Romano modère ce jugement car l’enseignement lui paraît difficile à évaluer en raison de l’absence de sources précises et ne fut sans doute pas créatif dans ses contenus. En revanche, l’importance accordée aux mathématiques dans les discours et les pratiques ont permis l’émergence, à l’âge adulte des mathématiciens performants. Romano, p. 442.

25 Bossuet, Correspondance, II, p. 157.

26 Ces travaux servent également à l’architecture, Claude Perrault publie et commente le Traité de Vitruve. À la suite de Galilée, les recherches portent sur les trajectoires de projectiles à la surface de la Terre, elle-même en mouvement. Ces trajectoires sont traduites par des courbes, trajectoires de point en mouvement. Le logarithme permet de calculer cette courbe.

27 Le duc de Mansfeld les emploie en 1588, au siège de Gueldre, sous le prince de Parme.

28 Tartaglia, mathématicien de Brescia a inventé, en 1538, l’équerre des canonniers avec un fil à plomb, pour mesurer les différentes élévations d’une pièce d’artillerie, qui sont d’après Blondel, utilisées par les Espagnols et les Hollandais depuis 1634.

29 Blondel F., L’Art de jeter les bombes, et de connoitre l’étendue des coups de volée d’un canon en toutes sortes d’élévation dédié au roy, Introduction.

30 « De la mort de Colbert à la révocation de l’édit de Nantes, un monde nouveau ? », XIVe colloque, CMR, Marseille, 1985, p. 36, p. 49. Les artilleurs, mal formés sur le plan théorique, mettent en avant leurs compétences techniques et de ce fait, acceptent mal les réformes souhaitées par Blondel. C’est ainsi que s’explique la mauvaise réception des ouvrages de Blondel qui ne furent admis qu’un siècle plus tard avec la création de l’école d’artillerie de Mézières notamment. Naulet F., L’artillerie française (1665-1765) Naissance d’une arme, 2002, p. 42-46.

31 Le brevet de nomination date du 18 avril 1673. AN R 3 287, f 8 et 9.

32 Il achète des instruments de mathématiques, des cadrans solaires et une « cassette de solides composées de neuf pièces » en 1676 (15 ans). BnF Mélange Colbert, 298, f 625 verso.

33 Blondel Fr., Cours de mathématique contenant divers traitez composez et enseignez à Monseigneur le dauphin, Langlois, Paris, 1683, 2 volumes, in-4°.

34 Huet reconnaît que la géométrie est un aspect très discuté à cette période : « Il [Blondel] m’en voulait et ne s’en cachait pas devant moi de ce que j’eusse attenté, dans ma Demonstratio evangelica, à l’honneur et à la dignité de la géométrie. Mais il lui fut plus facile de mépriser mon opinion que de la combattre avec de solides arguments. » Huet, Mémoires, p. 122.

35 Blondel ne s’est pas « contenté comme c’est l’ordinaire, de lui apprendre à fortifier les places [...], il lui a enseigné les mécaniques, le poids des liquides et des solides [...] ce qu’il [le grand dauphin] a compris avec tant de promptitude que ceux qui le voyaient en étaient surpris ». Bossuet, Lettre au pape Innocent XI.

36 Malezieu, Élémens de géométrie de Monsieur le duc de Bourgogne, 1705, p. 2.

37 Élémens de géométrie de Monsieur le duc de Bourgogne, Trévoux (chez Pierre le Rouge établi en la ville de Trévoux dépendant de la principauté des Dombes et donc du duc du Maine) & Jean Boudot imprimeur ordinaire du roi & de l’Académie royale des sciences, 1705. Cette première édition ne comporte pas le nom de Malezieu dans le titre, ni son nom dans la dédicace car le privilège d’imprimer est donné le 11 août 1699, date à laquelle Malezieu quitte le duc après l’affaire du quiétisme : « Vous y reconnaîtrez les premiers éléments de géométrie que vous dressiez dans un âge tendre, sous le yeux d’une personne de mérite reconnu, qui ne pouvoit assez admirer la facilité que vous aviez à pénétrer les principes d’une science aussi abstraite que celle là & à en tirer les conséquences. » Elle porte la caution de l’Académie et du jeune prince. Son succès est immédiat. Une seconde édition est publiée en 1722.

38 « L’algèbre est l’art de faire sur les lettres de l’alphabet, les opérations que l’on fait sur les nombres, c’est-à-dire l’addition, la soustraction, la multiplication, la division, & les extractions de racines. » Ibid., 1705, p. 175.

39 Élémens de géométrie, 1705.

40 Bibliothèque de l’École militaire : Éléments de géométrie à l’usage des enfants de France par M. Sauveur. Ce manuscrit ressemble à un brouillon avant mise en page définitive, le blason de Berain est collé, il y a quelques ratures, l’écriture n’est pas soignée, il y a des notes dans la marge qui renvoient à des corrections à la fin du livre. Sauveur, Géométrie élémentaire et pratique de feu Joseph Sauveur, revue et corrigée par M. Le Blond, contenants les Éléments de géométrie avec figures, in-4°, Rollin, Paris, 1753. Manuscrit de la bibliothèque de l’Arsenal : III 33 Traité d’arithmétique de Joseph Sauveur, III 34 Éléments de géométrie, III 34, 35 Géométrie élémentaire et pratique. Ces ouvrages sont réutilisés par le duc de Bourgogne puis par Artois.

41 Élémens de géométrie, 1705, p. 25.

42 Madrid Mss 311.

43 Chassagne S., « Comment apprenait-on les mathématiques sous l’Ancien Régime ? », dans Populations et cultures, études réunies en l’honneur de Fr. Lebrun, Rennes, 1989, p. 137-144.

44 C’est un calcul de moyennes pondérées avec des règles de trois.

45 Rappelons que l’écriture décimale est connue mais que le système de calcul repose sur plusieurs systèmes de référence.

46 Appelée de nos jours, progressions géométriques de nombres entiers.

47 Madrid, mss 311, f 15. Cet exercice permet de confirmer qu’il s’agit bien du cahier du duc d’Anjou.

48 AN O1 3716. François Chevallier fut également maître des pages de la dauphine de 1698 à 1701, pour 30 livres par jour. Il donna des cours au Collège de France de 1717 et 1718 sur la géométrie et l’arithmétique, en 1719 et 1720 sur les fortifications, puis en 1721 et 1722 sur la navigation et en 1724 sur l’optique. Malezieu est trop partisan du duc du Maine, impliqué dans l’affaire de Cellamare pour pouvoir continuer son préceptorat. Il se consacre aux fêtes de Sceaux.

49 Malezieu, Elemens de géométrie, édition Boissière, estampe Gatineau, 1722, réédition et dédicace à Louis XV.

50 Antoine M., Louis XV, p. 76.

51 Selon Michel Antoine, p. 133. Cela signifie-t-il que ces entretiens sont quotidiens et ont commencé cent jours (environ) auparavant soit au milieu 1722. En effet, le maréchal de Puységur fut chargé du cours d’enseignement militaire, en décembre 1721 avec l’ingénieur d’Hermand.

52 Il a publié les ouvrages de Joseph Sauveur notamment « Il y a longtemps que les deux traités qui composent ce volume, sont avantageusement connus du public, à peine M. Sauveur les eut-il rédigés que la plupart des Maîtres de Mathématiques les adoptèrent & malgré la difficulté d’en avoir des copies exactes & leur cherté, elles se sont multipliées d’une telle manière que ces ouvrages ont presque été aussi répandus que s’ils avoient été imprimés [...] La disposition & l’arrangement des matières de cet ouvrage, c’est-à-dire sont à peu près les mêmes que celui de la géométrie de Port-Royal ou de M. Arnaud, adopté par M. de Malézieu & par la plupart des Auteurs des nouveaux Éléments de géométrie ». Avertissement : Le Blond G., Géométrie élémentaire et pratique de feu M. Sauveur, revue et corrigée, première partie contenant les Éléments de Géométrie, Rollin, 1753. Le Blond G., Elémens de fortification, contenans les principes & la description raisonnée des différents ouvrages de fortification, les systèmes des principaux ingénieurs, in-12°, C.-A. Jombert, Paris, 236 p., pl., 1739 (6e édition, 1766). La géométrie n’évolua qu’avec Gaspard Monge inventeur de la géométrie descriptive, attaché à l’École de Mézières à la fin du xviiie siècle.

53 Mercure de France, janvier 1757, tome III, présentation des Éléments de fortification édités en 1756, p. 83

54 Cet ouvrage porte aussi le titre de Essai sur la castramétation ou sur la mesure et le tracé des camps [...], Jombert, In-8, 1748, 1re édit. (BM Versailles, 2e édit., RES in-8°, 63k-64k, maroquin rouge aux armes du roi).

55 Chez Jombert, in-8°, 430 p., 1768 (BM Versailles RES in-8°, A 74k, maroquin rouge aux armes du roi). Table des matières : quantités positives, négatives, réductions en termes semblables, addition, +, -, x, quantité algébrique, formation de puissance, fractions, extractions de racines carrées, cubiques, racine au delà du 3° degré, méthode pour trouver tous les diviseurs, avec ou sans reste, calculs des radicaux, équations du premier et second degré, à un ou plusieurs inconnues. Le duc d’Anjou calcule par opération son âge et le transforme en tierce (soixantième de seconde).

56 Un exercice de mathématiques comparable du duc d’Anjou et du duc d’Angoulême publié dans le Mercure de France de septembre 1766 (p. 139) et dans le Plan d’étude pour le duc d’Angoulême (ADY E 1958) met en évidence l’axiomatisation des opérations. Ce numéro présente par ailleurs des résolutions de problèmes de balistique comparant les solutions trouvées par Blondel et Roëmer (p. 131).
365 jours
13 années communes

1 095
365
39

j’ai 4 804 jours
24 heures

19 216
9 608

j’ai 115 296 heures, etc.
En revanche, le duc d’Angoulême écrit : « si l’on ajoute 15 ans à l’âge que j’aurai le 19 septembre 1766 et qu’on multiplie ce nombre d’année par l’âge que j’aurai alors, on aura un produit qui surpassera autant 320 que l’âge que j’aurai pour lors excédera huit ans.. Quel est mon âge ? »
« soit x l’âge cherché : a= 15. b= 320. c= 8
multipliant a + x par x, l’on a ax + xx qui par la condition énoncée dans le problème doit être à b. donc x + b – ac/c et en substituant les valeurs x = 320 – 120/8 = 200/8 = 25 donc x + 25 ce qui satisfait à la condition du problème puisque l’on a 15 + 25 × 25 = 1 000 × 320 : 25 × 8 »

57 Appelées de nos jours des fonctions. La distance entre philosophe et mathématicien s’accroît à partir du xviiie siècle.

58 Cordemoy, De la nécessité [...], p. 87.

59 Batifol L., Louis XIII à vingt ans, p. 440-441.

60 Faucherre N., Les Plans en relief des places du roi, Paris, 1989, p. 42. Idem, « Outils stratégiques ou jouet princier ? », Monuments historiques, Les plans-reliefs, n° 148, 1986, p. 38-44. Il ne s’agit pas de jouets mais d’outils pédagogiques.

61 Sauvai H., Histoire et Antiquités de la ville de Paris, 1733, tome II, p. 45.

62 Barbezieux, le troisième fils de Louvois, est autorisé à travailler sur les plans-reliefs. Lors de son voyage en 1682, les connaissances deviennent concrètes « afin qu’ayant vu les plans, mon fils [Courtanvaux] puisse mieux se mettre dans l’esprit la figure de la place » Nicolas Certain, DEA, p. 62.

63 Louis XIV, dans son testament, demande qu’on libère une salle aux Tuileries afin de les installer pour le futur Louis XV.

64 Lettres de Louis XV à l’Infant Ferdinand de Parme, Paris, 1938, lettre du 4 janvier 1761, p. 30.

65 Pastoureau, L’espace français, p. 101.

66 Louis XIV, Mémoires militaires, Les amis de l’histoire, 1957, tome II, pp. 212-251.

67 L’Art de jeter des bombes puis la Nouvelle manière de fortifier les places que Blondel rédige du temps de l’éducation du grand dauphin, vers 1673, attendent 1683 pour être publiés : « c’est seulement après avoir donné la paix à ses ennemis, qu’Elle [Sa Majesté] a voulu que l’auteur fit imprimer ces deux ouvrages avec ceux de mathématique » (introduction). Travaillant sur le Traité des fortifications des places avec Vauban, Joseph Sauveur dicte un traité et une géométrie élémentaire en 1697 puis s’abstient de les publier. Claude Fleury rédige pour Vermandois des instructions conformes à sa charge d’amiral et des notions de droit maritime restés manuscrits. Nicolas de Fer publia en 1704 « Pour l’usage de Monseigneur le duc de Bourgogne », un ouvrage de format à l’italienne, constitué de nombreux plans de villes fortifiées appelé « L’introduction à la fortification » ou « Les forces de l’Europe ou description des principales ville avec leurs fortification. Dessignées par les meilleurs ingénieurs [...].

68 Vauban avait rédige en 1704, ce Traité de l’attaque des places présenté à Mgr de Bourgogne.

69 Le maréchal de Puységur avait composé son Art de la guerre par règles et principes pour le duc de Bourgogne en 1696.

70 La Mothe La Vayer, De l’instruction du dauphin, 1640, p. 6.

71 Les princes ont à leur disposition des listes du personnel militaire, régiments et gouvernements. Un très rare ouvrage de la bibliothèque du dauphin a été acquis par les AN en 1999 : Détails des troupes et des états-majors des places, à l’intention de Louis de France. Il s’agissait de présenter au Dauphin les nouvelles fortifications de la citadelle de Metz qui venaient d’être achevées en 1734. C’est une des raisons de la visite du roi dix ans plus tard dans cette ville.

72 Louis XIV, Mémoires, édition Goubert, 1992, p. 135.

73 Vigarello, Le corps redressé, Paris, 1978, p. 53.

74 Tous les châteaux possèdent une salle de jeu de Paume. Dans l’éducation de Louis XIII, la paume apparaît vers l’âge de six ans après le palemail. Entre six et huit ans, la paume est un exercice quotidien puis devient bi-hebdomadaire au fur et à mesure que les autres activités physiques se multiplient. Après 1676, les paumiers étant autorisés à posséder des billards, Michel de Chamillard convertit le roi qui délaisse la paume dans le jeu de salon. Les princes jouent moins au jeu de paume. En août 1740, « on fait jouer de temps en temps par les quatre paumiers de Sa Majesté des parties en présence de M. le dauphin qui se plait beaucoup à cet exercice. M. le cardinal y assiste quelquefois et comme les personnes de la Cour sont de grands imitateurs, les jeunes seigneurs font aussi très souvent de ces parties, ce qui a fait croire que le goût qu’on eût autrefois pour ce jeu, qui a été abandonné, pourrait bien revenir à la mode ». Gastelier J. E., 1993, p. 429. Le 30 août 1740, « M. le dauphin après avoir joué à la paume monta en carrosse et alla avec Mesdames de France à Glatigny demander à souper à Mme la duchesse de Ventadour » La Gazette du 13 septembre 1740.

75 Louis XIV vers 1650, tableau attribué à Philippe de Champaigne, château d’Amboise, Catalogue Jeu des Rois, Rois des Jeux, Le jeu de Paume en France, Exposition du musée de Fontainebleau, RMN, 2001-2002, notice 28.

76 BM Versailles 1464 Mss 56 f 53, lettre 24 du 19 octobre 1714, lettre de Mme de Ventadour à Mme de Maintenon.

77 Fénelon Fr., Télémaque, p. 91, 319.

78 Louville, Rapport, 1696. « Mais pour les exercices qu’on leur fait faire, ils sont tels qu’aucun bourgeois de Paris ne voudroit hasarder un pareil régime sur son enfant et il faut avouer à moins qu’il ne soit aussi sain que ceux-ci le sont, il ne seroit pas sûr de le hasarder. Jamais ils ne se couvrent lorsqu’ils sont dehors à moins qu’ils ne soient à cheval ou qu’il pleuve, car quelque chaud, quelque froid ou quelque vent qui fasse, ils ont presque toujours la tête nue, ils y sont déjà totalement accoutumés qu’ils pensent plus à mettre un chapeau et qu’ils ne ressentent pas la moindre incommodité, jamais on ne leur fait aucun remède et ils n’ont jamais été saignés ni purgés, ils ont cependant quelquefois la fièvre mais on leur a donné du quinquina. [...] Dans leurs promenades qui arrivent régulièrement tous les jours hiver et été, quelque temps qu’il fasse, ils marchent ou ils courent tout autant qu’ils peuvent soit à pied, soit à cheval, et assez souvent ils se mettent en sueur sans qu’on leur fasse jamais changer de chemise, il n’y a que le seul cas de la paume qui soit excepté parce que pour lors, ils changent de chemise, on les frotte ni on ne les couche. Ils font presque tous les jours des courses à perdre haleine, chassent à pied quelquefois des journées entières. Quand ils sont à Fontainebleau, ils courent le cerf pendant plusieurs heures, ce qui arrive depuis quatre ans, en un mot on les élève comme s’ils devaient un jour être athlète et Monsieur le duc de Beauvillier est tellement persuadé qu’un prince infirme n’est bon à rien surtout en France où il faut qu’ils commandent leur armée en personne, que tous les accidents qu’on peut envisager sur cela ne l’ont jamais détourné de son projet. »

79 Le duc du Maine parle fréquemment de son handicap : le 14 septembre 1689, devant Trésigny, « Quoique je ne fasse pas grand chose icy, j’y vois toujours plus qu’à la cour, où je ne fais en tout que clopiner devant gens à qui cela fait de la peine, au lieu Madame, qu’ici j’apprends mon métier ». Devant Fleurus, « J’achèterai bien cher une jambe pour que les effets puissent suivre ma bonne volonté », Maintenon Mme de, Correspondance générale, Lavallée, 1866, tome III, p. 193.

80 Genlis Mme de, Leçons d’une gouvernante à ses élèves [...], tome II, p. 503-504.

81 Le musée des Invalides possède l’armure de Louis XIII enfant. Le 1er mai 1606, selon Héroard, il se fait peindre avec une robe et un corselet, une épée et une pique dans la main droite.

82 Vigarello G., « Le maniement de l’épée, une technique et une pédagogie du corps au xvie siècle », dans Le corps à la Renaissance, Actes du xxxe colloque de Tours, 1990.

83 Louville, 1696.

84 Poignant S., L’aile des princes, p. 148.

85 Du Bois, édition Grande Maison, 1936, le premier trimestre 1647, p. 38.

86 Chevalier, Louis XIII, p. 35. Drevillon H., « Le roi cavalier. Les savoirs du corps dans l’éducation de Louis XIII », dans Ran Halevi, Les savoirs du prince, 2002, p. 147-175.

87 Cavalcabo H., Traité ou instruction pour tirer les armes, publié en 1595, traduit en 1609, 1610, éd. Cl. Le Villain, Rouen,

88 Pluvinel donne la première leçon le 6 juillet 1615, le lendemain, Louis « court la bague avec le bâton de M. de Souvré ». Foisil M., Journal, p. 2299. Héroard déroge à son habitude et transcrit ses impressions en dix lignes, preuve de l’importance que le médecin accorde à cet apprentissage.

89 Bibliothèque de l’Institut, mss du fonds Godefroy, n° 269, f 59, Lettres de d’Ornano au roi, le 18 mai 1622.

90 Affaires Étrangères, Fonds France, Lettre de Puisieux à Sillery, 776, fol. 38.

91 Jacques de Bois d’Ennemetz, gentilhomme de la manche vers 1624.

92 Bibliothèque de l’Institut, mss. du fonds Godefroy n° 269, f 74, Lettres de d’Ornano au roi et à Puisieux, le 18 mai 1622.

93 La Gazette, 1654, p. 104.

94 La Gazette, 1656, p. 300.

95 Papiers Condé, série P, tome XX, f 113. Chérot, p. 22.

96 Ibid., f 213 et suivants.

97 Le traité préliminaire date du 4 juin 1659.

98 C’est Bournonville qui a la première charge d’écuyer ordinaire au manège entre 1664-1681 et Duplessis du Vernet, deuxième d’écuyer ordinaire au manège qui deviennent maîtres d’équitation et maîtres à voltiger du Grand Dauphin. Bournonville est fils d’un marchand de chevaux de Paris, habile à dresser les chevaux, tient une Académie de grande réputation « avec tant de succès et une si grande réputation qu’il fut choisit pour, conjointement avec M. de Bournonville, montrer à monter à cheval au dauphin ». Duplessis du Vernet obtient une promotion comme écuyer ordinaire vers 1664 et 1666 suite à cet emploi. Un membre de sa famille est l’anatomiste du dauphin.

99 C’est son père qui a « résisté » à Condé. Il avait, après 1666, une académie personnelle, rue des Cannettes, où Saint-Simon appris plus tard à monter. Son fils Godefroy de Romance de Mesmon n° 2 sous brigadier d’Harcourt devient Écuyer ordinaire du manège (1717-1724). Son frère, Germain Hyacinthe de Romance de Mesmon, le chevalier de Mesmon, reste 22 ans écuyer cavalcadour avant d’être pendant 20 ans écuyer ordinaire à la Grande Écurie (1724-1743). C’est le record de longévité. Hugues-Étienne de Mesmon reste 27 ans écuyer cavalcadour sans passer ordinaire. Les Mesmon occupent presque exclusivement l’emploi d’Écuyer ordinaire du manège jusqu’en 1763.

100 Dangeau, le mardi 25 novembre 1698, vol. VI, p. 465, vol. VII, p. 177.

101 Sourches, vol. VI, p. 196.

102 Saint-Simon, dans le portrait du maréchal, tome II, Coirault, p. 527.

103 Mercure de France, novembre 1723, p. 999. Il monte à cheval pour la première fois le 8 mai 1720 accompagné par le prince de Lorraine grand écuyer et le marquis de Beringhem, premier écuyer de France. Il vint du château de la Muette jusqu’à l’Étoile des allées du Roule, Gazette de France, p. 228, confirmé par Dangeau, tome XVIII, p. 283.

104 Proyart, La vie du dauphin, p. 16.

105 Est-ce pour éviter les accidents comme celui du duc de Bourgogne, tombé du cheval d’arçon à huit ans et dont le traumatisme qui ne put être guéri, entraîna sa mort ? « Mon neveu est toujours boiteux quoique M. de La Vauguyon assure que cela va beaucoup mieux. Personne ne le voit. » Lettre de 2 octobre 1759 de Madame Infante au prince son mari, BnF naf 1979 (publiées par Beauriez).

106 AN O1 859 f 115. Jean Fr. Brunet de Neuilly détient la première charge d’écuyer cavalcadour à la Grande Écurie depuis le 13 avril 1744. Neuilly reste deuxième d’écuyer ordinaire du 24 septembre 1755 au 30 septembre 1770. Neuilly a fait faire leur « longe » aux trois enfants.

107 AN O1 3785.

108 Archives de Chantilly, série P, CIII, Octobre 1685, p. 144.

109 Les Écuries royales, p. 84.

110 Hervé Drevillon analyse la constitution d’un nouveau langage politique de la souveraineté à travers les savoirs matériels que sont l’escrime et l’équitation au début du xviie siècle. Ils s’opposent aux valeurs aristocratiques guerrières. De la réflexion théorique de Pluvinel, émerge le nouveau modèle du roi-cavalier. Drevillon H., « Le roi-cavalier. Les savoirs du corps dans l’éducation de Louis XIII », dans Halevi R., Les savoirs du prince, 2002, p. 145-173.

111 Salvadori, La chasse sous l’Ancien Régime, 1996. Les Écuries, p. 113.

112 Bossuet, dans L’Oraison funèbre de Henriette Marie de France.

113 Du Bois, le jeudi 2 juillet 1671, p. 467.

114 Le 31 août 1714. Lettre de Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, lettre n° 24 du 11 septembre 1714, f 31.

115 « Le roi prend souvent le divertissement de la chasse dans les forêts de Saint-Germain, Marly et des environs, soit à courre le cerf, le sanglier, le lièvre ou à tirer (à Satory).» Mercure de France, novembre 1723, p. 999.

116 À moins de dix ans, début octobre 1738, il « a été faire vendange le sept de ce mois à la Rivière, Maison appartenant à M. le duc de Penthièvre près de Fontainebleau. Le lendemain il chassa le loup que les piqueurs avaient pris et mis dans les bosquets qui sont autour du canal ». Gastelier J. E., 1993, p. 148. En août 1740, « M. le dauphin monte à cheval lorsque le roi va à la chasse et ce prince suit S. M. en se promenant ». Ibid., p. 429.

117 Lordat, page du roi sert le dauphin à la chasse, le 27 mai 1744 (p. 25-26), le 1er juin 1744, « je voudrois bien que M. le dauphin courût la chasse quelquefois : je crois qu’il tirera bientôt » (p. 32, le 18 juillet 1744). « Mesdames chassent souvent à Fausse Repose et j’y vais sur des chevaux que M. de Saint Sauveur m’a prêtés, elles me parlent souvent. M. le dauphin ne m’a pas beaucoup exercé jusqu’ici. M. de Châtillon a des hémorroïdes ce qui l’empêche de monter à cheval. [...] Il va bientôt tirer ainsi je l’approcherais davantage. » (p. 39 le 6 octobre 1744), « M. le dauphin a tiré aujourd’hui pour la seconde fois depuis son retour. Ma fonction est la même auprès de lui que celle du premier page auprès du roi : je lui présente le gibier après la chasse en présence de M. de Châtillon qui m’en donne toujours » (p. 43 le 25 octobre 1744), « Vous me demandez si le dauphin tire bien, je vous dirai qu’il ne s’en soucie guère, je crois seulement qu’il commence à y prendre goût. Il tua hier vingt et une pièces ».

118 Croy, en 1747, p. 94.

119 Les princes doivent « éviter les accidents funestes [...] S’il est trouvé des princes que la chasse semble avoir effarouchés et d’autres qui s’y sont donnés trop sérieusement bien et au préjudice des empires dont il leur faisoit négliger la conduite, est-ce à dire pour cela qu’il en faille interdire également l’usage, qui n’a rien de mauvais en soi et qui peut être utile s’il est pris comme il faut. En vérité, ce sera trop déraisonnable et je ne vois rien qui doive empêcher, qu’on fasse prendre à Monseigneur le dauphin le plaisir de toutes les chasses qui se trouveront proportionnées à son âge, en apportant les précautions possibles pour la sûreté de sa personne et en les faisant comprendre ce qu’il y a de bon et de mauvais dans un si honnête et si royal exercice », La Mothe Le Vayer, Les arts mécaniques, la chasse, De l’institution de M. le dauphin, Cramoisy, 1640.

120 Œuvres de Louis XIV, tome V, Treuttel Wurtz, Strasbourg, 1806, p. 510.

121 Dangeau, tome VII, le lundi 12 janvier 1699.

122 Sainte Beuve, sur Mme de Bouflers, p. 169-170 : « Le prince avait alors de treize à quatorze ans et montrait beaucoup d’inclination pour la chasse, il avait enfin obtenu qu’il aurait un fusil avec lequel il préparait le coup d’essai le lendemain. Ce fusil était chargé à balle et le retournant, le coup vient à partir et tua roide mort le père Du Cerceau, qui était vis à vis de lui. Le jeune prince fut tellement épouvanté de cet incident qu’il courrait partout le château en disant à grand cri : - J’ai tué le père Du Cerceau ! J’ai tué le père Du Cerceau ! et il entra dans le salon où était la compagnie, répétant sans cesse ces mots, sans qu’on pût en tirer autre chose pendant quelques tems. »

123 Du Bois, le 15 septembre 1671.

124 Proyart, Vie du dauphin, p. 170. Soldini, Vie édifiante du dauphin, manuscrit, BnF ms fr 13784, f 36. Père Griffet, p. 81.

125 « Quand vous empêchez vos enfants de se trouver à mes chasses, c’est moi-même autant qu’eux que vous mettez en pénitence », Proyart, Vie du dauphin, p. 171.

126 La Gazette, 1654.

127 La Gazette, août 1673, p. 768. Montausier informe immédiatement par courrier le roi qui est à Nancy, de cette chasse miraculeuse et celui-ci lui fait aussitôt part de sa satisfaction en lui demandant d’être prudent avec le fusil. Œuvres de Louis XIV, tome V, Strasbourg, 1806, p. 510. Deux mois après, le roi vérifie par lui-même, « de manière que S. M., voyant l’adresse de ce jeune prince, fut très satisfaite de ses progrès dans ses exercices ainsi que dans ceux qu’il a fait dans les études ». Le 17 octobre 1673, la Gazette, p. 988.

128 La chasse de Diane, cf. Télémaque, XVIIe livre.

129 Mercure de France, septembre 1768, p. 151. On peut sérieusement douter de la réflexion d’Artois (11 ans) qui n’était pas habituellement en admiration devant son frère.

130 Le Maistre R., op. cit., p. 143.

131 « Le Roi se divertissait souvent à son petit fort, soit à l’attaquer ou à le défendre, ou à faire de l’exercice à sa compagnie de mousquetaires qui étoit composée de tous les jeunes princes et seigneurs de la Cour », Du Bois, p. 210.

132 Bluche Fr., Louis XIV, Fayard, 1986, p. 48.

133 Relation dans le Mercure de France de 1737, plan chez Jombert, librairie de l’artillerie. Poncet de la Grave, Mémoires interessans pour servir à l’histoire de France ou tableau historique, chronologique pittoresque ecclésiastique civil et militaire des Maisons royales, châteaux & parcs des rois de France, Nyon, 1789, Paris, tome IV, p. 90, preuve n° 23.

134 AN 352 AP 8 Journal de Bonnard, 1779, f 213, 18 février 1780.

135 50 000 hommes et une dépense de seize millions de livres selon Millot, qui à la fin du xviiie siècle met l’accent sur l’aspect financier, p. 38. Saint-Simon, ed. Truc, tome I, pp. 554-558. Cornette J., Le roi de guerre, p. 156 et suiv.

136 Camp de Coudun, Almanach royal de 1702.

137 L’art de vaincre et de régner, enseigné par Sa Majesté à Mgr le dauphin, Almanach de 1681. La différence entre le dauphin et le duc de Bourgogne s’exprime dans la devise, « l’un est appelé à régner, l’autre à faire la guerre ».

138 « Camp et fort de Montreuil et de Porchefontaine, premier ouvrage de fortification et de représentation d’un siège fait en présence du roi, pour son instruction et divertissement sous l’heureuse régence, sous le ministère de M. Le Blanc, secrétaire d’état à la guerre, dédié à M. le Marquis de Pézé gouverneur de Rennes, maître de Camp, et inspecteur du régiment du roi, infanterie et commandant à ce siège sous les ordres de sa majesté, M. de Voyer brigadier des armées du roi commandant l’artillerie, M. de Clavelles brigadier du roi gouverneur du fort, à Paris, chez l’auteur rue des fossez montmartre, 1722 ». Plan : 51, 5 x 39 cm. BnF Estampes Qb 1er août 1722 Henin tome 90, n° 63 C 21 954. BnF Collection d’Anville, Ge DD 2987 (836).

139 Barbier, tome I, p. 155-156.

140 Le sacre a lieu le dimanche 25 octobre 1722 après les vendanges. Barbier, tome I, p. 242.

141 « On a fait l’attaque du fort polygone, on a jeté des ponts sur la rivière et tous les exercices de guerre pour le divertissement et l’instruction de M. le dauphin, et l’on dit que tout y a été servi à merveille surtout de la part de l’infanterie. » Barbier, tome III, p. 182.

142 Gastelier J. E., pp. 254-256.

143 Journal du camp de Compiègne en 1739, augmenté des épreuves des mines faites en présence du roi, par MM. de Turmel et Antoniazzi, capitaines mineurs, rédigé sur les lieux par ordre de M. Dangervillers, ministre de la guerre : par le sieur Le Rouge [...]; auquel on a joint un traité-pratique des mines, par M. le maréchal de Vauban.

144 BM Méjanes Aix en Provence, Ms 502 (153), Journal de Millet de Jeure, f 257.

145 Idem, p. 355.

146 Idem, p. 359.

147 Fort de sa nouvelle technique de prise de ville, Vauban a pris la ville en six jours. Cela n’empêche pas une estampe de reproduire : « L’art de vaincre et de régner enseigné par sa Majesté à Monseigneur le Dauphin », BnF Estampe Henin, 4780, cl 72 C 51810.

148 La Gazette, juin 1674, p. 542.

149 Méjanes, f 472. Millet de Jeure n’accompagne pas le dauphin car le roi l’a nommé gouverneur de Brouage, du pays d’Aunis de la Rochelle en remplacement du maréchal-duc de Navaillés choisi par le roi comme gouverneur du duc de Chartres.

150 Abrégé de l’histoire et des généalogies des grandes Maisons d’Allemagne », BnF Clairambault 911. Le 21 septembre 1689, « M. le duc de Chartres répondit si savamment sur toutes les questions qu’on lui fit sur l’Allemagne, qu’il embarrassa tous ceux qui étaient venus pour l’interroger ». Dangeau, tome II, p. 476.

151 Guillart (ou Guillard) proche de Colbert et ancien précepteur de familles aristocratiques et collaborateur prolixe du Journal des savants, avait reçu 50 pistoles pour ses mémoires destinés au duc de Chartres. Ses Matériaux de géographie et d’histoire, ses Réfutations de Varillas, Les généalogies du sieur Guillard furent publiées en 1861.

152 Œuvres de Louis XIV, tome VI, Treuttel Wurtz, Strasbourg, 1806, p. 14.

153 La Palatine, 23 août 1693, éd. 2002, p. 159. Dubois a parfaitement su mettre en avant les qualités de son élève, dans les lettres à Fénelon mais aussi en faisant rédiger au duc de Chartres, un Journal exact du siège de Namur envoyé au duc de Bourgogne, reproduit dans le Mercure galant du 28 mai 1692. Dangeau, tome IV, p. 85.

154 Sans possibilité d’initiative ni de responsabilité, il est isolé et n’est pas informé, à l’inverse de Maine. Petitfils, Le régent, p. 38.

155 Cornette, Le roi de guerre, p. 360, p. 155. « Il fallut tenir Monseigneur à quatre : il vouloit aller à la tranchée, Vauban le prit par le corps et le repoussa avec M. de Beauvillier. Ce prince est adoré : il dit du bien de ceux qui le méritent, il demande pour eux des régiments, des récompenses, il jette l’argent aux blessés et à ceux qui en ont besoin », Mme de Sévigné, Lettres, n° 866, tome III, p. 224, 25 octobre 1688.

156 MV 3697 Tableau du Dauphin à Philipsbourg avec Vauban.

157 Lettre de Louvois au maréchal Duras le 22 octobre, cité dans le père Griffet, Recueil de lettres pour servir d’éclaircissement à l’histoire militaire du règne de Louis XIV, Paris, 1763, t. V, p. 35.

158 Mme de Sévigné, Lettres, tome II, p. 1025, note 1.

159 Ibid., p. 744, p. 751, 1690.

160 Mme de Sévigné, Lettres, n° 886, tome III, p. 260, 1er déc. 1688, dans la Gazette, de déc. 1688, réutilisé par Puget, p. 121.

161 « Je reçus, il y a quelques jours, la réponse du roi à ma lettre dans laquelle il m’assure qu’il va m’envoyer à la guerre en cas qu’il y en ait », Lettres de Bourgogne de février à avril 1701. Correspondance de Mme de Maintenon, tome IV, 1866, p. 383, p. 393, p. 421.

162 Lettre à Tallard, Millot, p. 43. Une estampe magnifie cette gloire naissante : BnF Estampe Collection Henin, 72 C 55840 : « Jeune prince, tu fais déjà voir ta vaillance, tu tires des héros ton Auguste Naissance, déjà tu marches sur ses pas, un jour, qui ne vaincras-tu pas ? »

163 Barbier, tome IV, p. 37.

164 Il a commandé : Histoire des guerres et des négociations du traité de Westphalie... par le père Bougeant, Mariette, 1744, in-12, 6 tomes, Vauban, Traité de l’attaque et de la défense des places, La Haye, de Hondt, 1737-1742, in-4. Vaultier, Journal des marches, campements, batailles, sièges et mouvements des armées du roi en Flandres et de celles des alliés depuis l’année-1690 jusqu’à présent, Paris, Veuve Coignard, 1694, in-12, 3e édit., 1740. Sully, Mémoires, in-4, 3 vol. Montecuccoli R., Mémoires, in-12, Strasbourg, 1735. Feuquières, Mémoires sur la guerre [...], 1736, Dunoyer, in-12, 4 vol. (1re édition complète). Turenne, Mémoires sur la guerre, La Haye, 1738, in-12. Mémoires très fidèles et très exacts des expéditions militaires qui se sont faites en Allemagne, en Hollande et ailleurs depuis le traité d’Aix la Chapelle jusqu’à celle de Nimègue auxquels on a adjoint la Bataille de Seneffe..., Paris, Briasson, 1734, in-12. Traité de la paix de Westphalie, Léonard, Paris, 1678, in-4. Le droit de la Guerre et de la paix, in-4, 2 vol., Pufendorf, Le droit de la nature et des gens, Wicquefort, L’Ambassadeur et ses fonctions, in-4, 2 vol. (BnF AR 102 carton 4, liasse 13, f 130 et suivants).

165 Idem, p. 66.

166 Idem, p. 66.

167 La dauphine était sur le point d’accoucher. Elle meurt en juin après avoir donné naissance à une princesse décédée en avril 1748.

168 Après la bataille de Rossbach en 1757 face aux Prussiens, les régiments d’infanterie furent complètement réorganisés sous l’impulsion de Choiseul entre 1762 et 1776.

169 BnF AR 102, Carton 4, liasse 14, f 242-250 : Les princes ont lu de Vegece, De remilitari de 1759, de Frontin, Strategemata de 1763, du duc de Rohan, Le parfait capitaine ou abrégé des commentaires de César de 1744, l’Histoire de la Milice française et des changements qui s’y sont faits depuis l’établissement de la monarchie françoise dans les gaules jusqu’à la fin du règne de Louis le grand du père Daniel de 1721 avec 70 planches. Une nouvelle traduction de Polybe crée la controverse sur laquelle les princes s’informent en lisant l’Histoire de Polybe, nouvellement traduite du grec par Dom Thuillier, avec un commentaire ou un corps de science militaire [...] en 6 vol (1729-1730) du chevalier J. Ch. Folard. Celui-ci est partisan de l’ordre profond dans lequel il voit la supériorité des Anciens. Le maréchal de Saxe lui répond dans Mes rêveries, ouvrage que lit Berry en août 1768 dans l’édition de 1756. C’est ensuite au jeune Mesnil-Durand, colonel au régiment de Navarre, de proposer d’abord anonymement, un projet d’ordre en bataillons minces, projet que lit aussi Berry avec l’ouvrage de Fr. J. Graindorge d’Orgeville, Projet d’un ordre français en tactique [...] dont on prouve l’excellence et la supériorité en comparant perpétuellement à la méthode actuellement en usage celle-ci qui n’est autre chose que le système de Folard étendu et développé, auquel on a joint les idées des plus grands maîtres, particulièrement du maréchal de Saxe, [...] publié en 1755, suivi de l’ouvrage de Ch.
Guischardt, Mémoires militaires sur les grecs et les romains, où l’on a fidèlement rétabli sur le texte de Polybe et des tacticiens grecs et latins, la plupart des ordres de batailles [...] en relevant les erreurs du chevalier Folard [...] analyse de la campagne de Jules César en Afrique publié en 1758 à La Haye, et du dernier Essai sur la pratique de l’infanterie de G. Pictet de 1761. Suivent les mémoires des grands capitaines, Puységur, Feuquières et Turenne.

170 Entretiens avec La Vauguyon, p. 102.

171 Il n’est d’ailleurs pas représenté en soldat, ni en armure.

172 « Mercredi 11 du mois, le roi très chrétien revint de Fontainebleau à Paris [...] Sa Majesté le roi a grandi et est très bien élevé. Il aime extrêmement la marine et a fait venir de Marseille une petite barque dans laquelle, par mode de délassement, il fait des parties d’eau. » Dépêche de l’ambassadeur vénitien Gustiniani, 18 mai 1611.

173 Il s’agit du traité de 1604 entre Henri IV et Ahmet IV apprécié par le roi et par le pape.

174 Dictionnaire de la Marine, dir. Vergé-Franceschi, article « Bâtardise et marine », 1. 1, p. 180. César de Vendôme détient l’Amirauté de Bretagne de par sa naissance et doit cependant en faire les preuves en janvier 1612. Vermandois est âgé de deux ans en 1669, Toulouse de cinq ans en 1678, Penthièvre de douze ans en 1737.

175 Ordonnance sur la marine entre 1670 et avril 1689. L’amiral a un rôle administratif, judiciaire et financier, touchant à l’armement et au commerce. Il prélève dix pour cent des prises, notamment.

176 Sur la navigation des peuples de l’Europe depuis 1400. Il l’initie au Traité du droit maritime et naval de Loccen, Stockholm, 1650.

177 Les premières planches datent de 1682, la première édition sort des presses de l’Imprimerie Royale en 1693, avec comme auteurs principaux, Joseph Sauveur et l’ingénieur de la marine Chazelles. Pastoureau M., Les atlas français, chapitre XXI, p. 351.

178 Il est rédacteur de la grande ordonnance de la marine en 1689 qui fixe les bases statutaires de l’enseignement des officiers de marine jusqu’en 1765.

179 « Je n’écris que pour une seule personne et je me renferme à ce qu’elle m’a demandé », Avertissement de l’auteur, Mes campagnes de mer sous Louis XIV, Mémoires du marquis de Villette-Mursay, 1991, p. 135. L’in-folio est resté inédit jusqu’à sa publication par Mommerqué en 1844.

180 Au Musée de la marine, se trouve le modèle réduit dit « le Louis XV », vaisseau de ligne à trois ponts et 110 canons, prévu pour l’instruction du roi. Dubois avait initié aussi le duc de Chartres à la marine.

181 ADY cote A 1557.

182 En 1748, l’encyclopédiste et inspecteur général de la Marine, Henri-Louis Duhamel du Monceau qui a réuni la plus importante collection de modèles de navires et de machines portuaires de son temps, l’offre au roi Louis XV. Ce don est accompagné de conditions : la collection sera installée dans la salle de la marine au Louvre et doit servir à l’instruction des élèves de l’école d’ingénieurs constructeurs de la Marine qu’il dirige. En 1749, il s’attelle au projet de fondation de l’académie de Marine à Brest.

183 Le Dauphin Royal, Maquette de 290 x 80 x 95 cm-Echelle 1/24, Rochefort, hôtel de Cheusses. L’affaire est d’importance et les plans en sont arrêtés par l’Intendant, Le Normant de Mézy et le Commandant de la Marine, Macnemara. Ils sont dressés par Groignard, qui deviendra l’un des plus célèbres ingénieurs-constructeurs de son temps et qui joue ici le rôle de maître d’œuvre tout au long du chantier. Commencée en mars 1751, le modèle, originellement gréé, est achevé au début de l’année 1752. Il est ensuite déposé dans la salle de Marine du Louvre.

184 Inventaire général des dessins de l’école française, 1975, article : Ozanne, n° 296, 297, 298. Musée du Louvre, cotes B 225, B226, B 227. Sur le pastel de Quentin la Tour, intitulé Marie-Josèphe de Saxe et le duc de Bourgogne, un petit ouvrage représentant un bateau ressemble fort à une planche de Ozanne. Cela indiquerait que le duc de Bourgogne aurait feuilleté l’ouvrage l’année de sa mort.

185 comme l’indique le dessin du folio 4 de l’album daté de 1769. Neptunia n° 101, 1971-1. Vichot, Essai d’inventaire illustré de l’œuvre d’Ozanne, 1971, Duclaux et Prache, Inventaire général des dessins de l’école française, cabinet du Louvre, tome XII, article Ozanne, 1975. Musée de Rouen, « La marine à Voile (1650-1890) autour de Claude-Joseph Vernet », exposition 1999. Demarcq M.P., « Les albums de Nicolas Ozanne destinés à l’éducation navale des petits-enfants de Louis XV », L’école du soldat, l’apprentissage de la guerre par l’image, colloque du CEHD, nov. 2001.

186 Lettre de l’abbé Vermond, sans date, dans Coursac, Provence et Artois, p. 17. Son éducation fut l’œuvre de techniciens, d’ingénieurs et non d’officier de vaisseau. Etienne Taillemite y voit le signe « révélateur d’une tendance à privilégier le scientifique sur l’opérationnel ». Taillemite E., Louis XVI, Un roi immobile, 2002, p. 26.

187 Un album de soixante vues de ports français et des colonies, Médiathèque de Dieppe, Œuvres de Ozanne cote D JJ 15.

188 Fleurieu (1738-1810) était inspecteur adjoint du dépôt des cartes et plans, depuis 1775, élu à l’Académie de Marine après avoir quitté le service actif. Contrairement à l’académicien des sciences P. Bouguer et à Leroy l’horloger du roi, il fait partie des « modernes » qui croient dans l’avenir des horloges marines pour la localisation des marins en mer, enjeu crucial à cette période entre la France et l’Angleterre. Finalement la confiance est donnée à Fleurieu et Berthoud qui expérimentent les horloges lors du Voyage fait par ordre du roi en 1768 et 1769, à différentes parties du monde, Pour éprouver en mer les Horloges marines inventées par M. Ferdinand Berthoud. Publié par ordre du Roi. (À Paris, de l’Imprimerie Royale, 1773, 2 vol. in-4°.) Il aide La Pérouse en fabriquant des cartes pour ses voyages. Il devient alors l’adjoint de Sartine au Bureau des ports et arsenaux en 1776 jusqu’en 1790, date à laquelle il devint ministre de la Marine avant d’être choisi comme gouverneur du dauphin. Louis XVI qui le fréquente depuis 1776, a une réelle confiance en lui. Bertrand de Molleville le décrit ainsi : « Il joignait à cette modestie timide, qui est toujours le sceau du vrai mérite, cette candeur et cette bonté confiante qui exposent si souvent un homme en place à être la dupe des intrigants et des fripons », Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la dernière année du règne de Louis XVI. Taillemite, p. 73. Un cabinet de Marine allait être construit à Versailles.

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