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Devenir prince

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Pascale Mormiche

Troisième partie. La science du prince

Avant-propos

Texte intégral

1La formation de l’élite politique, c’est à dire des princes est une question fondamentale au xviie siècle. Ayant reproduit un modèle éducatif fondé sur les institutions du prince et sur la nécessité des vertus pour former correctement un gouvernant, ce principe trouve son terme au xviie siècle. Il est insuffisant pour assurer la création d’une monarchie forte qui se dote d’une administration. Il est insuffisant pour éviter des crises lors des minorités et des régences. Les vertus ne sont pas un élément de représentation monarchique assez visible au moment où la royauté se met en scène.

2Il faut donc dépasser la contradiction entre vertu et pouvoir. Dépasser la contradiction entre prince chrétien et gouvernance. Ou encore entre le savoir traditionnel et un pouvoir politique qui s’élabore en suivant des démarches scientifiques.

3La question du contenu de l’enseignement pour les princes est parallèle à la crise de l’enseignement à l’âge classique. La question est cependant plus aiguë. Il s’agit de préparer le prince à l’action. Le contenu de ce qui va lui être enseigné doit être adapté à une certaine modernité, au contexte politique, social et culturel. Ce contenu doit apporter au prince une culture mais également une formation adaptée à sa fonction de roi autant qu’à l’époque où il doit gouverner.

4Les différents agencements des études princières dont on dispose pendant ces deux siècles, rendent possible l’analyse des domaines de connaissance, des contenus et des techniques pédagogiques. Il s’agit par conséquent d’analyser de façon diachronique le savoir du prince entre Louis XIII et Louis XVI. La longue durée offre un échantillon de princes qui est d’une taille satisfaisante. Quarante princes sont éduqués pendant ces deux siècles. Certains destinés à régner, régneront. Beaucoup destinés à être cadets accompagneront leur frère dans les allées du pouvoir et de la cour. Quelques-uns benjamins deviendront dauphins voire rois selon les hasards du massacre des Innocents qui touche aussi les princes.

  • 1 L’Ancien Régime ignore la notion de disciplines ou de matières scolaires. Faire l’histoire des disc (...)
  • 2 Hiérarchie des disciplines dans le projet d’éducation du duc de Bourbon-Condé : « 1) Je marquerai c (...)

5Un examen mené à l’aulne des réflexions sur l’instruction au xixe siècle, sur les Collèges ou plus récemment sur des disciplines scolaires dans l’Ancien Régime restitue imparfaitement ces éducations1. Il faut partir de la finalité de ces éducations princières qui les rende si particulières. Elles doivent transmettre les sciences qui préparent le prince à l’exercice du pouvoir. Elles lui permettent de fortifier et protéger son caractère. Les princes doivent acquérir la capacité de choisir, de prendre des décisions, de gouverner par une science qui leur est propre. La fonction royale, traditionnellement fondée sur la présence et la parole du roi, se distingue par des comportements appris ou imités. Le processus éducatif des princes englobe l’apprentissage dit « scolaire » et l’acquisition du comportement. Les objectifs de ces éducations sont admis par tous. Dès lors, comment sont organisés les domaines de connaissances répondant à ces objectifs ? Dans la hiérarchie des savoirs, la religion fonde la morale du prince et l’histoire n’apparaît qu’après la civilité2. Partant des valeurs que le prince doit acquérir, on étudiera la hiérarchie des savoirs et leur contenu. Le prince qui est d’abord un prince chrétien, doit devenir un prince glorieux, un prince juste, un prince politique et un prince universel. Suivons cette double perspective chronologique, d’abord celle du temps de l’enfance, des premiers apprentissages jusqu’aux ultimes conseils donnés par le gouverneur et le précepteur, à leur élève devenu adulte, puis suivons l’évolution de ces périodes éducatives pendant deux siècles.

Notes

1 L’Ancien Régime ignore la notion de disciplines ou de matières scolaires. Faire l’histoire des disciplines scolaires suppose de comprendre les mécanismes qui ont abouti à déterminer un contenu et des programmes. C’est pourquoi le terme de « domaine de connaissances » est plus adapté au savoir du prince. Bruter A., L’histoire enseignée au Grand siècle, Paris, 1997. Chervel A., « L’histoire des disciples scolaires. Réflexions sur un domaine de recherches », Histoire de l’éducation, n° 38, mai 1988.

2 Hiérarchie des disciplines dans le projet d’éducation du duc de Bourbon-Condé : « 1) Je marquerai comment il lui faut enseigner les principes de la religion et de la morale chrétienne, 2) Comment lui inspirer la politesse, 3) Comment il faut lui apprendre les langues, 4) l’histoire, 5) l’éloquence, 6) la poésie, 7) la philosophie et les mathématiques » (AC Cote 317).

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