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La France préhistorienne de 1789 à 1941

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Arnaud Hurel

Chapitre 5. « Les Prussiens chez nous », l’affaire Hauser

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1En 1934, à l’occasion du Congrès archéologique de France, Raymond Lantier, le conservateur du Musée des Antiquités nationales, s’indigne du peu d’intérêt que continue à manifester l’État à l’égard de l’archéologie proto et préhistorique :

  • 257 LANTIER R., « Un siècle d’archéologie protohistorique », Congrès archéologique de France 97e sessio (...)

« Les admirables découvertes qui, depuis un siècle, se sont multipliées dans notre pays [...] ont été en bonne partie l’œuvre des sociétés savantes des départements ou de particuliers. Si l’on excepte les travaux subventionnés par Napoléon III ou la Commission de topographie des Gaules et les louables efforts de classement entrepris, entre 1879 et 1887, par la Sous-commission des monuments mégalithiques, on reste confondu par le peu de retentissement que provoquèrent, dans les sphères officielles, des recherches qui allaient permettre d’écrire sur des bases nouvelles l’histoire de la Gaule avant la conquête romaine. [...] Il fallut les craintes légitimes inspirées par un ravageur de nos stations paléolithiques du Périgord et les pressantes interventions d’Henri Hubert pour qu’on se décidât à comprendre la nécessité d’une politique archéologique suivie. »257

  • 258 DELLUC B. et G., « L’archéologue Otto Hauser à la lumière de quelques documents périgordins », Bull (...)
  • 259 MORTILLET A. de, « Liberté des fouilles préhistoriques », Bull. S.P.F., 1907, t. 4, p. 439.

2Ce « ravageur » auquel Hubert fait allusion c’est Otto Hauser, un Suisse né dans le canton de Zurich, « Préhistorien et antiquaire (avec le double sens d’archéologue et de négociant qu’avait naguère ce mot) »258, « aventurier suisse de bas étage » pour les uns (Breuil), « bouc émissaire »259 pour les autres. De 1907 à la Première guerre mondiale, il va se voir instrumentalisé au service de l’une des plus fameuses polémiques.

  • 260 DELLUC B. et G., « L’archéologue Otto Hauser à la lumière de quelques documents périgordins », Op. (...)

3Ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Hauser » et qui va agiter la communauté des préhistoriens de 1907 à la fin de la Première guerre mondiale260, n’aurait pu être qu’une énième querelle de savants, une simple rivalité scientifique. Mais, venant après les premières campagnes en faveur de la réglementation des fouilles, elle est exacerbée par des considérations politiques et change rapidement de nature pour prendre une autre dimension. Elle devient l’étincelle qui fait exploser des antagonismes profonds. Elle illustre les pratiques de terrain de l’époque et les rivalités individuelles souvent anciennes qui sous-tendent les prises de positions des pro ou anti Hauser. Cet événement n’est en réalité que la partie émergée de conflits parfois scientifiques. Ensuite, exploitant la vague de xénophobie anti-allemande, elle permet opportunément d’opérer un basculement de la question de la liberté des fouilles du cénacle des spécialistes à l’opinion publique. Grâce au recours à la grande presse, l’opinion est prise à témoin d’un supposé accaparement des richesses archéologiques nationales par « le boche ».

I. Une communauté traversée par des luttes

  • 261 STAËL G. de, De l’Allemagne, Les grands écrivains de France, Paris, Hachette, 1958, p. 21.

4L’un des traits dominants de la France du xixe siècle est l’omniprésence de l’Allemagne dans le milieu intellectuel français, des écrivains aux universitaires. Tour à tour modèle idéal (« patrie de la pensée » selon Germaine de Staël261), puis rival et enfin, à compter de la défaite de 1870, repoussoir dont l’élite intellectuelle française entend tout de même s’inspirer pour régénérer ses institutions universitaires et la science.

  • 262 FUSTEL DE COULANGES D., « De la manière d’écrire l’histoire en France et en Allemagne depuis cinqua (...)

« Si vous cherchez quel est le principe qui donne cette unité et cette vie à l’érudition allemande, vous remarquerez que c’est l’amour de l’Allemagne. Nous professons en France que la science n’a pas de patrie ; les Allemands soutiennent sans détour la thèse opposée. [...] L’érudition en France est libérale ; en Allemagne elle est patriote. »262.

5C’est un fait qu’à la fin du siècle, l’Allemagne influence profondément le renouveau des études historiques et interfère dans la conceptualisation des études anthropologiques.

6Même si l’esprit de revanche a imprégné la société française, la préhistoire semble longtemps se tenir à l’écart de la rivalité franco-allemande, en mettant en avant l’intérêt de la science à travers une communauté scientifique internationale incarnée, comme nous l’avons vu précédemment, par les sessions des Congrès internationaux au service d’une science sans patrie. Mais avec les développements de l’affaire Hauser, la germanophobie va prendre le pas sur l’utopie d’une science universelle et fraternelle. En France, Hauser va devenir le symbole de l’exploitation anarchique et commerciale des gisements, d’une certaine incurie (absence de protection des sites, statut défaillant des objets mis au jour) auxquelles il devient subitement urgent de remédier. Cet épisode va offrir aux tenants d’une professionnalisation et d’une juridisation des fouilles l’occasion d’exprimer ouvertement leur volonté de rompre avec les pratiques laborieuses d’amateurs isolés et la nécessité de passer à un contrôle des travaux menés sur le terrain. Ces dix années sont à la fois celles d’une lutte entre liberté individuelle d’entreprendre et normalisation, mais également entre des amateurs et une élite scientifique, qui ne se limite plus aux seuls chercheurs admis aux congrès internationaux, mais qui tend à devenir une élite académique et administrative.

  • 263 REINACH S, « Gabriel de Mortillet », Revue historique, n° 69, janvier-avril 1899, p. 31.
  • 264 CARTAILHAC É., La France préhistorique, Op. cit., p. 45.
  • 265 MORTILLET G. de, Le Préhistorique, op. cit., p. 475-476.

7Dans le contexte général de rivalités et d’esprit de chapelles scientifiques, les revues savantes représentent autant de points d’ancrage pour les groupes et de tribunes pour affirmer une identité et des choix. Dans ce cadre, la question de la réglementation des fouilles ne va faire que reproduire des rancœurs et des oppositions plus profondes et anciennes. Beaucoup d’entre elles sont liées aux polémiques initiées autrefois par Mortillet (contre Bertrand, Piette, Reinach, les professeurs du Muséum comme Hamy, etc.), à travers sa revue L’Homme ou sa chronique préhistorique de la Revue de l’École d’anthropologie. Selon Reinach, aucun n’a plus que Mortillet contribué « à répandre en France le goût des études préhistoriques et à leur donner, sinon la rigueur et la méthode, du moins les allures d’une science précise » tout en étant un homme de doctrine et de préjugés, avec toute l’intolérance inhérente à cet art, « quand il juge les événements et les hommes, c’est au point de vue le plus étroit du xviiie siècle. »263 Incontestablement, ce savant est l’un des pères fondateurs des sciences préhistoriques. Il est l’un de ceux qui ont apporté à l’étude de la préhistoire les fondements conceptuels qui lui faisaient défaut (classification, terminologie, etc.), mais aussi les outils d’une large diffusion, avec les revues qu’il a créées et ses livres, marqués par une volonté d’ouvrir la science au plus grand nombre à travers une approche didactique et une riche iconographie (comme dans son Musée préhistorique de 1881 par exemple). Il a eu un rôle déterminant dans leur reconnaissance et leur expansion. En revanche, ses conceptions intellectuelles rigides (où se mêlent scientisme, matérialisme scientifique, politique, projet social) et l’esprit de système qui le caractérise ont marqué négativement une science balbutiante. Sa subjectivité le conduisait parfois à refuser certains faits. Cela est particulièrement significatif avec les principes de sa classification fondée sur les industries lithiques qui excluait l’idée d’évolution parallèle ou buissonnante et les influences interculturelles car « Au lieu de la contrôler sans cesse et de la varier selon les pays, elle fut tenue pour la règle à laquelle inconsciemment on subordonna souvent les recherches, les observations, les résultats eux-mêmes. »264 Cette critique concerne autant la question de la culture aurignacienne, connue depuis 1865 et qu’il a rejetée dans sa classification de 1872, que les découvertes de grottes ornées, c’est-à-dire la reconnaissance de l’art pariétal paléolithique. Il en est de même avec son refus d’admettre l’idée de religiosité au Paléolithique (« Les gravures, les sculptures, dans leur ensemble aussi bien que dans leurs détails, conduisent à la même conclusion, l’absence complète de religiosité. [...] Il n’y a pas trace de pratiques funéraires dans tous les temps quaternaires. L’homme quaternaire était donc complètement dépourvu du sentiment de la religiosité »265), principe qui heurtait ses présupposés anthropologiques et philosophiques.

8En France, plusieurs savants se démarquèrent nettement de Mortillet. Boule, qui réserve à l’approche géologique et paléontologique une place essentielle, ne pouvait souscrire à un système aussi absolu que celui que proposait Mortillet. Dans son magistral « Essai de paléontologie stratigraphique de l’homme », il s’en prend à ce qu’il considère comme du dogmatisme :

  • 266 BOULE M., « Essai de paléontologie stratigraphique de l’homme », op. cit., 1888, 3e série, t. 3, p. (...)

« Les problèmes relatifs à l’existence de l’homme pendant l’époque quaternaire et ceux relatifs à cette époque considérée en elle-même sont si nombreux et si difficiles, qu’on ne peut les croire résolus après quelques efforts ayant abouti à une classification, si parfaite qu’elle puisse paraître au premier abord. Je crois que le devoir d’un naturaliste est de s’attendre, avant même de les avoir formulées, à faire, un jour ou l’autre, mais sans regret, le sacrifice de ses conclusions. »266

9Boule conclut même en citant Quatrefages :

« La méthode ethnographique a bien certains avantages. Elle permet d’embrasser tous les temps et tous les lieux ; elle est commode pour distinguer et grouper les types divers d’armes, d’ustensiles ou d’outils inventés par l’homme ; et, dans notre Europe occidentale, si ardemment explorée depuis plusieurs années, on peut assez souvent l’appliquer sans grave inconvénient. Mais elle confond deux choses distinctes : la classification et la chronologie. Dans les cas douteux, elle n’apporte sur les questions de temps aucun enseignement réel et conduit aisément à l’erreur. »

  • 267 REINACH S., Antiquités nationales. Description raisonnée du musée de Saint-Germain-en-Laye. t. 1, É (...)
  • 268 BERTRAND A., La Gaule avant les Gaulois d’après les monuments et les textes. Cours d’archéologie na (...)
  • 269 POTTIER E., « Salomon Reinach », Revue archéologique, 1932, 5e série, t. 36, p. 143-144.

10Reinach n’accepte pas plus l’étanchéité de la classification qui revient à « admettre, a priori et sans preuves, l’uniformité du progrès industriel »267. Il en est de même pour Bertrand qui écrit : « Il peut y avoir en géologie une loi immuable de la succession des terrains [...]. Il n’existe point de loi semblable applicable aux agglomérations humaines, à la succession des couches de la civilisation. »268 Ceux qui, comme Raymond, Chantre ou Cartailhac, vont peu à peu s’affranchir des théories intangibles de la doctrine Mortillet vont se voir assimilés à des renégats, dénoncés et combattus comme tels. À sa mort, les lignes de rupture vont perdurer car les « disciples » vont se regrouper autour du fils, Adrien de Mortillet, et défendre pied à pied les enseignements du maître en particulier à travers la S.P.F. (laquelle organise chaque année son « Dîner G. de Mortillet »), et, à partir de 1905, au sein de la rédaction de L’Homme préhistorique. Nombre de débats vont alors avoir pour clef de lecture des différends appartenant au passé. Il en est ainsi, par exemple, de l’attitude à l’égard de Reinach qu’un ancien contentieux « liait » à la famille Mortillet. En effet, lorsqu’en 1885, G. de Mortillet, attaché de conservation au Musée des antiquités nationales, devient député de Seine-et-Oise, le directeur du musée, Bertrand, que Mortillet déteste cordialement, propose à Reinach de prendre la place d’attaché. Mortillet souhaitait que ce soit son fils, Adrien, qui lui succède et avait pour cela pris l’attache de parlementaires. Or, grâce au soutien prépondérant de Victor Duruy, c’est Reinach qui est recruté malgré la fureur de Mortillet269.

  • 270 « Excursion scientifique aux Eyzies », L’Anthropologie, 1906, t. 17, p. 227-230.

11De l’autre côté, la revue L’Anthropologie de Verneau et Boule va pleinement jouer le rôle de vecteur d’opinion au profit des partisans d’une juridisation de la question des fouilles. Chacune de ses parutions est l’occasion d’évoquer des faits où l’incurie le dispute à l’incompétence. C’est ainsi qu’en juin 1906, à l’occasion d’une excursion scientifique de vingt-cinq auditeurs des cours du Muséum au Moustier dans la vallée de la Vézère, les rédacteurs attirent l’attention sur ce « gisement mal étudié » or « Une seule fouille complète, un seul gisement vidé jusqu’au plancher par un naturaliste compétent nous apprendrait beaucoup plus de choses sur l’histoire de l’Homme fossile que cent explorations mal conduites ou trop tôt abandonnées. »270. Remarquons que, pour autant, ne dérogeant pas avec les pratiques de l’époque, des fouilles ont été préparées pour les excursionnistes dans « un foyer à peu près intact » et permettent à chacun de « faire une petite collection de racloirs, de pointes, d’éclats. » Après être passés par La Micoque, « où de nouvelles fouilles avaient été préparées par les soins de MM. Breuil et Peyrony », ils constatent à Laugerie que « Tout le monde fouille, tous les paysans se livrent à la recherche des belles pierres travaillées. Aussi chacun d’eux peut-il étaler son inventaire d’objets vrais et d’objets faux, car les autochtones ne se contentent pas de chercher des silex taillés, ils en fabriquent. Et plusieurs sont d’une habileté merveilleuse. [...] » Pour les rédacteurs de L’Anthropologie, une intervention énergique et radicale des pouvoirs publics est nécessaire :

« Il faudrait, si l’on voulait vraiment s’instruire exproprier quelques maisons, acheter les talus qui arrivent à la route et pratiquer dans ces talus de larges saignées. Ce serait le rôle de l’État, d’un État qui comprendrait enfin l’importance de telles études [...]. Actuellement toute la région est soumise à un régime de vandalisme et de destruction dont le spectacle est des plus pénible. Ce ne sont pas seulement les gens du pays qui saccagent tout, ce sont aussi des étrangers, antiquaires et marchands qui viennent approvisionner leurs boutiques d’objets préhistoriques soit par des achats soit par des fouilles brutales. »

  • 271 Article premier des statuts de la S.P.F. Bulletin de la S.P.F., 1904, t. 1, p. 1.
  • 272 À sa fondation, la S.P.F. se propose également « de s’intéresser à la conservation des monuments mé (...)

12Depuis le Congrès international de 1900, la question de la réglementation des fouilles préhistoriques a continué d’alimenter les débats et l’évolution est tangible. Tout le monde semble acquis à la nécessité d’agir, même si le consensus n’existe toujours pas sur la méthode, pour preuve les débats qui se déroulent lors du premier Congrès préhistorique de France en 1905, organisé par la toute jeune Société préhistorique de France créée deux ans plus tôt avec la volonté de « grouper les palethnologues et, d’une façon générale, tous ceux qui s’intéressent à l’étude des époques les plus reculées de l’histoire de la France et de ses colonies »271. Cette association formalise une solidarité humaine et scientifique entre les préhistoriens amateurs par nature isolés, géographiquement et intellectuellement. La S.P.F. vise à mettre en commun les connaissances en s’intégrant dans le processus général de spécialisation des sciences, « de favoriser les échanges de collections », de recueillir et diffuser des informations en encourageant les fouilles et en organisant des conférences272. Son succès est immédiat et reflète ainsi la vigueur des recherches préhistoriques. Les 73 membres de l’année 1904 seront 160 dès l’année suivante, dont deux tiers de provinciaux, et cette année-là le ministère de l’Instruction publique marquera son soutien en souscrivant 25 abonnements au Bulletin de la Société.

  • 273 Congrès préhistorique de France. Compte-rendu de la 1re session, Périgueux, 1905, Op. cit., p. 467.
  • 274 RIVIÈRE É., « discours », Bull. S.P.F., 1905, t. 2, p. 10-11.

13Le Congrès de 1905 est l’occasion de souhaiter que « les stations, grottes, monuments mégalithiques de la France, classés ou non, soient protégés par les Administrations publiques, et renouvelle le vœu déjà émis à ce sujet par le Congrès international d’Anthropologie et d’Archéologie préhistorique de 1900. »273 Mais, contrairement au précédent de 1900 dont elle se réclame, la nouvelle formulation cantonne l’hypothèse du recours aux pouvoirs publics à la seule protection des sites. Cette attitude est tout à fait légitime en ce qui concerne la S.P.F. qui rassemble, quasi exclusivement, des amateurs : par définition, ces derniers n’entendent pas voir brider leur indépendance, mais seulement garantir leurs droits personnels sur les sites qu’ils fouillent. De plus, parce qu’elle se pose en trublion du paysage scientifique, la Société clame être l’objet d’une campagne hostile et d’ostracisme de la part des « savants officiels » des grandes institutions scientifiques traditionnelles qui, selon elle, « s’efforcent de [l’]ignorer et surtout de [la] faire ignorer d’autrui, ou bien encore de [la] citer comme une simple réunion d’amateurs, de collectionneurs et non comme la Société scientifique[qu’elle a] la prétention d’être et [qu’elle est]. »274

  • 275 Ce terme de « braconniers » (braconner : « chasser furtivement sur les terres d’autrui, pour faire (...)
  • 276 Bull. S.P.F., 1906, t. 3, p. 13.

14Présentée comme ayant une portée générale, cette déclaration de la S.P.F. en faveur de la protection des sites préhistoriques est en réalité en grande partie le fruit des circonstances. Elle n’est que la conséquence d’une mésaventure subie par les congressistes lors de l’une de leurs excursions. Le 1er octobre 1905, se rendant sur le chantier de Rivière dans la grotte de Liveyre, les excursionnistes n’ont pu que constater que la veille les clôtures avaient été cassées et la fouille saccagée. En définitive, les préhistoriens ne demandent à l’administration que de les protéger de la concurrence d’autres préhistoriens qui pourraient agir en prédateurs sur leur propre gisement. Effectivement, quelques semaines plus tard, la S.P.F. va publiquement manifester sa solidarité et se déclarer « Justement indignée du vandalisme, dont certains gisements ne sont que trop fréquemment l’objet, soit de la part de braconniers275, ayant pour but de s’approprier, pour les revendre, les pièces qu’ils renferment, en leur attribuant souvent une fausse origine, soit de la part de personnes n’ayant en vue que la destruction ou le pillage d’un gisement fouillé par d’autres [...]. »276

II. Un « aventurier suisse » se signale aux Eyzies

A. Le feu aux poudres

  • 277 CAPITAN L., « La Kultur allemande aux Eyzies », Revue anthropologique, 1915, t. 25, p. 120-133.

15Attiré par les gisements préhistoriques, Hauser serait arrivé dans le Périgord dès avril 1898 mais ne s’y serait établi de manière permanente qu’en 1907277, après avoir entrepris en Suisse, à Windisch (Vindonissa de l’antiquité), des fouilles contestées qui se terminèrent par la vente des objets mis au jour.

16Le 28 avril 1907, l’abbé Jean Bouyssonie alerte son ami l’abbé Breuil par lettre : un archéologue suisse du nom de Hauser prospecterait dans la région périgourdine et jusqu’aux portes de Brive à la recherche de gisements préhistoriques qu’il louerait sans compter. Le premier réflexe de Bouyssonie est de craindre que ses propres fouilles soient menacées par cet intrus, à la fois parce que les paysans risquent de devenir financièrement exigeants et parce qu’il risque de leur couper l’herbe sous le pied en s’attaquant à des sites que son frère Amédée et lui convoitent. Ne sachant trop à qui il a affaire ni que faire, Bouyssonie se tourne vers Breuil :

  • 278 BOUYSSONIE J., Lettre à H. Breuil 28 avril 1907, BCMNHN, fonds Breuil. Br 71.

« Mais quel est cet individu ? Le connaissez-vous ? Y aurait-il qq. moyen de l’arrêter, de le décourager par ex. en lui faisant savoir que ces gisements sont déjà bien fouillés (au dire de Massénat et Ph. Lalande), qu’ils ne contiennent pas de faune (il est vrai que si le dit M. Hauser est un marchand, il s’en moquera pas mal). C’est vexant tout de même de voir des Allemands, voire même des Suisses, venir faire des fouilles chez nous ; et cela parce qu’ils ont de la monnaie... »278

  • 279 Ce gisement et les résultats scientifiques tirés par les uns et les autres sera l’objet en 1908 d’u (...)
  • 280 BOUYSSONIE J., Lettre à H. Breuil, BCMNHN, fonds Breuil, Br 71.
  • 281 Ibid.

17En avertissant Breuil, Bouyssonie compte réussir à attirer l’attention des plus grands noms de la préhistoire aussi va-t-il essayer de le renseigner au mieux des agissements de Hauser. Le 31 mai 1907, l’archéologue André de Paniagua, qui vient de se rendre aux Eyzies, informe Bouyssonie que le Suisse a loué pour trois ans Laugerie Haute et Basse, la Micoque279, le Moustier et Chez Pourret (Corrèze), et qu’il a déjà débuté des fouilles intensives280. Le 10 juin, Paniagua lui confirme que Hauser a bien l’intention de vendre tout ou partie des objets qu’il aura mis au jour. Il fait établir par un géomètre un plan général de la vallée de la Vézère où tous les points fouillés ou à fouiller sont exactement repérés. Selon une confidence de Hauser à Paniagua, il aurait dépensé pour ces travaux, à ce jour, 10 000 francs (soit environ 34500 euros) et se proposerait d’en dépenser encore 30000. Le 15 juin, Paniagua est encore plus précis : « Toutes ces fouilles sont conduites avec rigoureuse précision. Le terrain est divisé en petits lots et l’on n’attaque un lot que lorsque le précédent est tout à fait épuisé. De cette façon, lorsque les fouilles seront terminées, il ne restera rien, absolument rien. Il a fait établir par un géomètre suisse le plan détaillé de tous les gisements de la vallée. Quand vous viendrez aux Eyzies, vous pourrez voir partout de gros numéros rouges qui sont autant de points de repère. La municipalité me paraît bien patiente. Il agit comme en pays conquis. Il a loué tous les terrains libres du Moustier et Chez Pourret, mais les travaux ne sont pas encore commencés. »281

18Dès le 12 juin, l’abbé Breuil avise Boule et dramatise la situation :

  • 282 BREUIL H., Lettre à M. Boule, 12 juin 1907, AIPH, CA 1.

« Un aventurier suisse » a mis la main sur les plus importants gisements des Eyzies et cet individu est connu en Suisse « par des escroqueries et des faux sans nombre et une conduite civile des plus tarées, il n’a aucun scrupule n’a aucune moralité. Il vient là exploiter industriellement sans aucun profit pour la science, sans aucune intention scientifique, pour vendre, ce qui reste de ces grands gisements qui sont de nos archives nationales. En aucun pays cela ne serait toléré ; le sera-ce chez nous ? Ne peut-on mettre ce monsieur à la frontière, ce ne seraient pas ses compatriotes qui protesteraient. [...] Ne peut-on pas faire quelque chose ? Le contraire serait un scandale pour les savants du monde entier... Je vous envoie ce cri d’alarme. »282

19À son tour, le paléontologue informe Charles Bayet, directeur de l’enseignement supérieur, auquel il adresse copie de la lettre de Breuil, qu’il reconnaît « écrite en termes plus qu’énergiques », mais dont les sentiments qui l’ont dictée ne peuvent qu’être partagés par « toutes les personnes cultivées », car il convient de réagir, de « prendre la défense de nos plus antiques et plus vénérables archives nationales ».

  • 283 JULLIAN C., « Caveant consules ». Revue des études anciennes, 1907, t. 9, p. 273.

20Pendant plusieurs semaines, ces lettres vont rester sans suite, à tout le moins officielle. Mais à l’été, dans la Revue des études anciennes, Jullian publie une chronique, « Caveant consules »283, qui rend publics les méfaits supposés de Hauser et va mettre le feu aux poudres. Le texte est court mais l’auteur ne mâche pas ses mots :

« Est-il vrai qu’on ait loué à un marchand d’antiquités étranger nos plus riches gisements préhistoriques, Laugerie-Basse, Laugerie-Haute, Le Moustier et ce site merveilleux de La Micoque où gît la science préhistorique de l’avenir ? Est-il vrai que tout cela va être exploité, gâché, corrompu à tout jamais par des entreprises commerciales ? Est-il vrai que les autorités compétentes savent, regardent et ne disent rien ? La science cependant, elle aussi, a le droit d’être protégée, et cette science-là, c’est une des gloires de la France. »

21Dès le mardi 2 juillet 1907, dans La Petite Gironde, quotidien régional diffusé dans les Charentes, la Dordogne, le Lot-et-Garonne et les Landes à près de 200 000 exemplaires, un article de la « Chronique régionale » (en page 3) reprend le texte vigoureux publié par Jullian. L’auteur anonyme de l’article, en réalité René Marchadier membre de la Société historique et archéologique du Périgord (SHAP), confirme que certains sites sont « devenus la propriété, non seulement d’étrangers à notre département, mais encore d’étrangers tout court. » Il en appelle donc à une intervention rapide des pouvoirs publics et rappelle que le Congrès des sciences anthropologiques de 1900 avait demandé à ce que les gisements soient protégés. Cet article est le premier d’une série de cinq qui, tout au long du mois de juillet, vont accentuer la pression sur le cas Hauser en le faisant basculer. Peu à peu, l’affaire quitte le cénacle de spécialistes pour se transformer en un appel à l’opinion publique.

22Dans sa livraison du vendredi 5 juillet 1907, La Petite Gironde s’interroge : « Que fait-on des lois ? » L’auteur, toujours anonyme, s’étonne que les pouvoirs publics, maire et préfet, demeurent passifs alors que, selon lui, ils n’auraient qu’à appliquer la loi de 1887. Il fallait que le maire avise le préfet pour que celui-ci demande au ministre l’expropriation de tout ou d’une partie des terrains. Pour Marchadier le danger ne vient pas que des non nationaux : l’étranger c’est également celui qui vient d’un autre département ou, pire, de Paris. À l’égard de ceux-là, il n’est que temps d’agir, car un squelette découvert à Laugerie-Haute aurait été enlevé : « Un savant, étranger à notre département, prévenu, se rendit en toute hâte à Laugerie, photographia ledit squelette et... finalement l’enleva, le fit mettre soigneusement dans une caisse et partit avec son précieux colis. » Le 6 juillet La Petite Gironde précise que ce « savant » est le docteur Lalanne de Bordeaux et que les restes découverts auraient dû être donnés au musée de Périgueux. En fait, cette affaire avait été évoquée dès la séance du 7 février 1907 de la SHAP. Averti le 21 janvier de la découverte, ce n’est le 24 que son président, Maurice Féaux, s’était rendu sur place et avait constaté que Lalanne avait déjà emporté les restes. Visiblement dépité, il ne put s’empêcher de mettre en doute l’ancienneté du squelette et laissa entendre que le musée de Périgueux avait un privilège sur les découvertes faites dans la région. À son tour, le 28 mars 1907, lors d’une séance de la S.PF., Marchadier avait tenté de défendre les droits exclusifs de la Dordogne sur les vestiges de Laugerie-Haute. En vain car, pour A. de Mortillet et Louis Giraux, il ne s’agissait que d’une question de rivalité scientifique et Lalanne, ayant été le premier à dégager puis étudier les restes trouvés par lui, était dans son bon droit. « La priorité en matière scientifique est un droit indiscutable. On l’oublie aujourd’hui un peu partout, et en particulier dans la vallée de la Vézère. » s’indigne Giraux.

23Le dimanche 7 juillet 1907, Marchadier s’en prend aux sociétés savantes de la région. Il publie dans La Petite Gironde une lettre signée « B..., instituteur à T... » qui s’émeut du fait que, face à l’inertie de l’État, aucune des sociétés savantes de la Dordogne ne « semble s’inquiéter particulièrement de ce qui peut advenir de ces richesses ». Frappant tous azimuts, le lundi 8 juillet 1907, il dénonce cette fois « Les fouilles commerciales et la Société préhistorique » et attaque en règle la S.P.F. dont le bulletin vient de publier un article sur les fouilles de Giraux et Charles Schleicher à Gorge d’Enfer. Sans aucun doute désappointé que la Société ne l’ait pas suivi dans ses attaques contre les étrangers, Marchadier accuse certains de ses membres d’abuser de leur position pour faire du profit sur le produit de leurs fouilles : « Nous étions bien loin de penser que ces entreprises commerciales avaient pris naissance au sein même de la Société préhistorique de France, qui ne craint plus d’encourager ces fouilles après avoir réclamé l’intervention des pouvoirs publics. » Mais si l’auteur de l’article demeure une fois encore anonyme, c’est nommément qu’il porte ses attaques en visant l’éditeur Schleicher qui fait faire des fouilles et vend les pièces mises au jour. Les frères Schleicher avaient hérité en 1895 de la maison d’édition de leur grand-oncle Charles Reinwald, l’éditeur attitré de G. de Mortillet. Les liens avec la S.P.F. sont étroits : les réunions hebdomadaires du conseil d’administration se tiennent dans leurs locaux du 61 rue des Saint-Pères et Schleicher est l’éditeur du bulletin de la Société. Bref, pour Marchadier voilà autant de preuves d’une collusion affairiste. Tout se tient : les gens de la S.P.F. n’ont aucun intérêt à arrêter les fouilles « commerciales ». L’épisode Marchadier est symptomatique à la fois des pratiques de fouilles et des rivalités entre les préhistoriens, sous-tendues par une division qui s’accroît entre Paris et la province, entre une élite nationale et des amateurs locaux. Elle marque cependant un tournant : le recours à la presse grand public pour s’élever contre des pratiques de terrain.

B. Une affaire d’État ?

24Le 30 octobre 1907, c’est la presse nationale et d’opinion qui prend le relais. Le journal patriotique L’Éclair, qui propose à ses lecteurs une rubrique scientifique, publie un article, « Sol historique au pillage », dénonçant des saccages qui seraient commis au Moustier par un étranger. L’article, d’un certain « G.M. », est introduit par la reproduction d’une lettre adressée au directeur par un lecteur, dans laquelle il s’offusque d’avoir trouvé au Moustier des pancartes indiquant les fouilles Hauser et éloignant le visiteur :

« C’est-à-dire qu’un étranger est là, bouleversant le sol (acheté pour la somme dérisoire de 1 600 francs). On découvre en quantité des objets de grande valeur, haches, racloirs, dents percées, os de rennes gravés, aiguilles en os, etc., qui aussitôt sont expédiés à Berlin. »

25Le journaliste affirme avoir pu vérifier ces faits par lui-même. Le Comité des travaux historiques, alerté à leur sujet, a fait état de son impuissance à les faire cesser. Seule une loi « interdisant au propriétaire, de détruire même ce qui lui appartient, si cela a un intérêt pour l’histoire » serait à même de le faire. D’ailleurs, « G.M. » fait remarquer que Peyrony, en Dordogne, aurait été la première victime de « l’étranger tout-puissant » et aurait « succombé faute de ressources. »

  • 284 Bull. S.H.A.P., 1907, t. 4, p. 411.
  • 285 « Liberté des fouilles préhistoriques », Bull. S.P.F., 1907, t. 4, p. 439-441.

26L’impact de cet article est suffisamment fort pour que la communauté des préhistoriens réagisse aussitôt. La SHAP l’évoque au cours de sa séance du 7 novembre284. En peu de temps, une nouvelle étape est franchie. Le misérable, l’accapareur de gisements, est désigné. C’est un étranger, un Suisse, c’est-à-dire dans l’esprit de beaucoup presque un Allemand. Selon certains membres de la Société, une loi nouvelle est absolument indispensable et pour l’obtenir il est nécessaire de faire pression sur les pouvoirs publics à travers les forces vives, c’est « 100000 membres du Touring-Club [qui] ont plus de pouvoir que tous les archéologues, le Comité des Travaux historiques et même l’Académie. » À la S.P.F. également, explicitement mise en cause dans les articles de Marchadier, on s’émeut de la tournure que prend cette affaire. Le 28 novembre 1907, le président de séance A. de Mortillet informe la société que le conseil d’administration, « à la suite de certains articles, parus dans la presse politique », a débattu de la question de la liberté des fouilles préhistoriques285. Le conseil est d’avis de ne rien faire. Cependant le président tient à exprimer longuement sa pensée sur cette affaire.

27Pour les partisans de la juridisation, le cas Hauser représente une intéressante opportunité de prendre l’opinion publique à témoin. Pour Mortillet c’est l’occasion de régler quelques comptes, quitte à prendre le difficile parti de l’amateur suisse. Selon lui, cette affaire dépasse le cas Hauser. Il s’agit en réalité « d’une campagne en règle, entreprise contre la liberté des fouilles préhistoriques. » Elle a débuté à Bordeaux un an auparavant, s’est poursuivie « dans une feuille bien pensante de la Dordogne » jusqu’à l’article de L’Éclair, qui n’est « qu’un épisode, plus ou moins adroitement déguisé, de cette lutte intéressée. » Pour lui, derrière les initiales « G.M. », il faut voir Georges Montorgueil, c’est-à-dire un ami personnel du docteur Capitan. Pour Mortillet, il ne fait aucun doute que cette campagne est l’œuvre de l’association Capitan-Breuil-Peyrony, personnages qui « n’ont jamais pratiqué dans la région que des grattages sans grande importance, dont nos collègues n’ont pu retrouver sur place que de vagues traces. ». Et derrière eux se profilent obligatoirement les professeurs du Muséum national d’histoire naturelle Boule et Verneau. L’arrivée de chercheurs plus rigoureux qu’eux, plus soigneux également (comme Hauser) a mis en évidence leur dilettantisme :

« Il est dès lors facile de comprendre la fureur dans laquelle entrèrent ceux qui avaient jeté leur dévolu sur les remarquables stations quaternaires des bords de la Vézère, qu’ils considéraient déjà comme leur propriété particulière, en sentant que leur règne touchait à sa fin. C’est dans l’espoir de ressaisir le monopole des fouilles qui leur échappait, qu’ils entamèrent la campagne de mauvais aloi que nous croyons de notre devoir de dénoncer ici. »

  • 286 Breuil n’a pas eu besoin de demander sa naturalisation suisse pour devenir, le 23 février 1906, pro (...)
  • 287 En 1905, victime d’une supercherie qui sera éventée deux ans plus tard, Capitan avait annoncé avoir (...)
  • 288 Peyrony est alors attaqué par A. de Mortillet qui indique qu’il est « de notoriété publique » que l (...)
  • 289 « À l’exemple de M. Peyrony », Mercure de France, n° 741, 1er mai 1929, p. 728-729.
  • 290 « Réponse à l’article Un antiglozélien », Mercure de France, n° 742, 15 mai 1929, p. 217-219.
  • 291 DECORDES J., « Chronique de Glozel. Une petite enquête aux Eyzies. », Mercure de France, n° 757, 1e (...)
  • 292 Embarras d’autant plus compréhensible que l’activité marchande de Peyrony pour financer ses fouille (...)
  • 293 « Réponse de M. Peyrony à l’article : “Une petite enquête aux Eyzies” », Mercure de France, n° 759, (...)

28Pour Mortillet, Hauser ne serait qu’un bouc émissaire pour camoufler les agissements d’un trio d’aventuriers, à la probité douteuse et aux capacités scientifiques usurpées, qui se permettent de donner des leçons alors qu’ils n’ont pas la conscience tranquille. On reproche à Hauser d’être un étranger, mais l’abbé Breuil lui-même « se serait, nous a-t-on dit, récemment fait naturaliser, pour être nommé privat-docent à l’École catholique de Fribourg »286. On reproche à Hauser d’être un mauvais fouilleur, « de dévaster, sans profit pour la science, les gisements de Dordogne », mais s’il existe de mauvais fouilleurs, ce sont bel et bien les gens comme « ce brave docteur Capitan, qui semble avoir complètement oublié sa piteuse mésaventure de l’île Riou ! »287 Enfin, on accuse Hauser de faire le commerce d’objets préhistoriques, mais c’est oublier qu’il y a peu de temps encore l’instituteur Peyrony lui en a également vendu. « Et c’est juste au moment où Hauser a cessé d’en acheter pour en recueillir lui-même, avec des indications de provenance plus sûres, que l’on s’est aperçu qu’il n’était pas français, et qu’il aurait fourni des pièces au Musée de Berlin. » Effectivement, entre janvier 1903 et juin 1907, Peyrony, qui était encore « simple instituteur », a donné ou a servi d’intermédiaire à la vente d’objets préhistoriques destinés à Hauser (dont certains de La Ferrassie). Deux lettres (4 janvier 1903, 25 juin 1907) expédiées par lui à Hauser l’attestent. Elles seront produites à deux reprises par l’archéologue suisse : en 1910, auprès de l’Association française pour l’avancement des sciences (A.F.A.S.)288, pour empêcher l’octroi à Peyrony d’une subvention, et, en 1929, dans le cadre de la bataille de Glozel peu de temps après la prise de position anti-glozélienne de Peyrony dans La Dépêche de Vichy et dans le Mercure de France. Le 1er mai 1929, l’archéologue anglais F.-W.G. Foat déclare qu’après avoir eu communication des lettres de Peyrony, il comprend pourquoi les gens des Eyzies « en annonçant une trouvaille préhistorique, parlaient toujours de son prix. [...] Les paysans des Eyzies suivaient l’exemple de M. Peyrony, à qui le commerce des antiquités de la Dordogne a si bien réussi ! »289 Contraint de se défendre, Peyrony répond alors qu’en 1910, il avait été blanchi par une commission spéciale de l’Association française pour l’avancement des sciences (A.F.A.S.) des soupçons d’avoir « vendu à des étrangers des objets provenant de [ses] fouilles personnelles » et que cette année-là le ministre de l’Instruction publique lui avait même confié une mission de préservation du patrimoine archéologique290. Ces attaques vont rebondir en janvier 1930 avec la publication, sous couvert de l’expertise de l’archéologue anglais Foat et toujours dans le Mercure de France, d’une enquête d’un journaliste aux Eyzies. Peyrony y apparaît sous les traits d’un vendeur de pièces archéologiques sans scrupule, « toujours à l’affût de la pièce rare »291. En réponse, le 1er février 1930, le Mercure de France publie une lettre assez ambiguë de Peyrony dans laquelle il déclare répugner à se défendre292, mais accuse Foat d’avoir eu au Moustier et au Ruth le même comportement que Hauser293.

  • 294 « Le don d’ubiquité », L’Homme préhistorique, Op. cit. p. 440-441.
  • 295 MORTILLET A. de, « Présentation d’une carte topographique de M. O. Hauser », Bull. S.P.F., 1907, t. (...)
  • 296 RAYMOND P., « Les suites de l’article de L’Éclair : sol historique au pillage », Revue préhistoriqu (...)
  • 297 BREUIL H., « À propos d’une discussion à la Société préhistorique de France », Revue préhistorique. (...)

29Pour A. de Mortillet, « ce sont en somme les pillards qui crient au pillage ! » et il n’est pas question d’accepter une réglementation des fouilles qui serait une atteinte à la liberté.294 Lors de la dernière réunion de la S.P.F. qu’il préside, le 26 décembre 1907, il prend une nouvelle fois la défense de Hauser pour démontrer le haut intérêt des travaux qu’il mène dans le Périgord. Mortillet salue « M O. Hauser, de Bâle, qui [...] est actuellement, dans certains journaux mal renseignés, l’objet d’attaques aussi imméritées que peu désintéressées [...]. »295 Ces critiques de Mortillet ne sont pas nouvelles et ne vont pas rester sans réponse. C’est Paul Raymond, un des fondateurs de la S.P.F. en rupture de ban avec ses anciens amis, qui se charge de la riposte dans sa « Chronique préhistorique » de La Revue préhistorique296. Pour lui Capitan « est encore le meilleur élève de son père [Gabriel de Mortillet] et que s’il ne vaut rien, il y a une conclusion qui s’impose » et les aménités de Mortillet à travers le Bulletin de la S.P.F. démontrent un parti pris de cette société elle-même. Breuil quant à lui, entend ne pas laisser sans suite « deux pages d’injures et d’insinuations vulgaires » et adresse à La Revue préhistorique une lettre dénonçant la volonté de Mortillet de salir ceux qui refusent de s’inscrire dans l’orthodoxie typologique définie par son père297.

C. Grand émoi chez les archéologues

  • 298 « Séance extraordinaire du 13 février 1908. Vœux formulés », Bull. S.P.F., 1908, t. 5, p. 68-69.

30Les sociétés savantes ne peuvent échapper à l’agitation autour de Hauser et ne pas poser la question de la réglementation des fouilles. Réunie en séance extraordinaire le 13 février 1908, la S.P.F., soucieuse de reconnaissance publique, prend une position de principe298. L’objectif est à la fois de favoriser une institutionnalisation de la préhistoire, de faire de la Société un acteur décisif de cette évolution et un interlocuteur incontournable de l’État puisqu’elle est « le principal corps savant s’occupant spécialement de Préhistoire et présentant par conséquent les plus grandes garanties de compétence pour toutes les questions relatives à cette science [...] ». À ce titre, elle revendique une place, ès qualité, dans les commissions du ministère de l’Instruction publique – Sous-commissions des mégalithes, Comité des travaux historiques, commission archéologique de l’Indochine. Pour la S.P.F., le terme de liberté s’oppose à celui de réglementation, synonyme d’une inacceptable contrainte :

« La Société préhistorique de France, considérant qu’il serait difficile de laisser à l’État le soin d’exécuter en France les fouilles préhistoriques, par suite de la multiplicité des gisements et des stations dont l’exploration subventionnée coûterait fort cher ; considérant en outre que l’interdiction des fouilles annihilerait les efforts des amateurs et porterait une regrettable atteinte à l’essor qu’ont pris en France les études préhistoriques ; Exprime le vœu qu’aucune entrave ne soit portée à la liberté des recherches préhistoriques. Et décide de porter ce vœu à la connaissance des pouvoirs publics. »

31L’enjeu est bien de pouvoir mener des fouilles sans obligation juridique d’aucune sorte, et surtout pas sous le contrôle de l’État ou tel ou tel de ses représentants.

  • 299 VAUVILLÉ O., « Sépulture néolithique de Braine (Aisne) », Bull. et mém. S.A.P., 1908, t. 9, p. 158- (...)
  • 300 Bull. et mém. S.A.P., 1908, t. 9, p. 276.
  • 301 RAYMOND P., « Pour la conservation de nos monuments préhistoriques », Revue préhistorique. Annales (...)

32À la S.A.P. également, la question de la réglementation s’immisce dans les réunions internes. Le 5 mars 1908, Vauvillé présente une communication sur la « Sépulture néolithique de Braine (Aisne) » découverte à l’occasion de travaux d’aménagement et dont les restes ont été détruits, par mégarde, par des ouvriers299. Le 9 avril 1908, au cours de la réunion du comité central de la Société, le docteur Raymond traduit l’indignation des autres membres lorsqu’il demande à ce qu’une initiative soit prise en faveur de la protection des fouilles. Il propose que « La Société attire l’attention des ministres de l’Instruction publique et de l’Intérieur sur la nécessité de faire prévenir les instituteurs qu’ils devraient enseigner à leurs élèves qu’on ne doit jamais briser les objets rencontrés dans les fouilles, et les maires qu’ils devraient prévenir les préfets de la découverte dans leurs communes d’objets pouvant intéresser l’histoire nationale. »300 Prenant acte de ce désir, le président, Édouard Cuyer, écrit le 22 avril aux ministres de l’Intérieur, de l’Instruction publique et de l’Agriculture afin qu’ils transmettent des directives aux agents de leurs administrations pour qu’ils prennent conscience de la nécessité de protéger « les trouvailles anatomiques ou archéologiques » qu’ils mettent au jour. Dès le 1er mai, René Viviani, ministre par intérim des Travaux publics, indique qu’il vient d’adresser une circulaire aux préfets et ingénieurs des Ponts et chaussées, dont il communique copie. Dans ce document, il rappelle deux circulaires antérieures (12 août 1887 et 19 février 1892) relatives aux terrains du domaine public et suggère, pour les découvertes faites dans la propriété d’un particulier, d’envisager de « poursuivre l’expropriation dudit terrain en tout ou en partie pour cause d’utilité publique suivant les formes de la loi du 3 mai 1841. » En somme, il ne fait que rappeler les dispositions que la loi de 1887 envisageait déjà. De son côté, le directeur du personnel du ministère de l’Intérieur annonce une démarche identique auprès des préfets, afin qu’ils sensibilisent à leur tour les municipalités. Dans sa revue, Raymond se félicite de l’intervention de la S.A.P. et des réponses reçues, qu’il commente. Mais, fort justement, il s’interroge : « Qu’adviendra-t-il de cette circulaire ? Ira-t-elle, comme tant d’autres, dormir dans les cartons de nos préfectures, ou sera-t-elle suivie d’effets ? »301

33Le 7 juillet 1908, Capitan en tant que vice-président de la sous-commission des mégalithes, est chargé d’aller enquêter sur place, dans le Périgord. Son rapport, remis le 15 septembre 1908, est accablant et... prévisible. Il recommande au gouvernement d’agir d’urgence afin de protéger les gisements passés sous le contrôle de Hauser :

  • 302 BINÉTRUY M.-S., De l’art roman à la préhistoire. Des sociétés locales à l’Institut, Itinéraire de J (...)

« Depuis 1906 partent en Allemagne chaque semaine deux à quatre caisses dont les dernières contenaient deux squelettes entiers exhumés du Moustérien. L’homme, un Suisse, buveur, coléreux, qui semble conduire ses fouilles selon des méthodes scientifiques : levés de plan, coupe, etc. est en fait un chevalier d’industrie dépourvu de connaissances et de scrupules sur lequel Heierli dont il fut l’élève occasionnel et Obermaier donnent les pires renseignements. Plus grave encore, selon Peyrony, il contribue à créer une psychologie locale : la chasse au silex, et chaque paysan dévaste les gisements de ses terres ou de sa cour. Aucune parade avec la législation actuelle. Deux recours possibles : achat des terrains par le gouvernement, mais aucun propriétaire n’acceptera de vendre ; location sine die, solution envisageable selon Peyrony. »302

  • 303 OBERMAIER H., « M. Hauser et la Micoque », Revues des études anciennes, 1908, t. 10, p. 85-88.

34Obermaier fait effectivement partie des opposants déclarés à Hauser. Il a publié un article circonstancié sur l’archéologue suisse dans lequel il évoque à la fois le scandale lié aux fouilles menées par Hauser à Vindonissa en Suisse et son approche mercantile de l’archéologie préhistorique (« un exploiteur de gisements pour le commerce de revendeurs »)303.

  • 304 Bull. S.P.F., 1910, t. 7, p. 361.
  • 305 Le document est illustré et accompagné de 14 plans et coupes en couleurs dressés par un géomètre de (...)

35Pendant ce temps, Hauser déborde d’activité. Ses fouilles sont nombreuses et, faisant une espèce de pied de nez à ses détracteurs, il ira même jusqu’à faire annoncer la création aux Eyzies d’un « laboratoire international de recherches sur les terrains préhistoriques »304 et éditer un luxueux guide touristique mettant en valeur ses travaux et ses multiples chantiers305. La brochure présente soixante grottes et abris, dont trente-quatre sont des sites où Hauser a entrepris lui-même des fouilles ou annonce en programmer pour les années 1911-1912. La lecture de cette plaquette et de son impressionnant « Plan d’ensemble des stations paléolithiques de la vallée de la Vézère », permet de comprendre pourquoi les préhistoriens français ont pu être effrayés par cette débauche de moyens.

  • 306 VALLOIS H., « La découverte du squelette du Moustier », L’Anthropologie, 1939-1940, t. 49, p. 777.

36Quelques découvertes anthropologiques importantes vont contribuer à jeter de l’huile sur le feu. Le 7 mars 1908, Hauser découvre le squelette d’un adolescent néandertalien dans l’abri inférieur du Moustier. Le site est fouillé de façon désordonnée (« la fosse avait été remblayée avec de la terre et du gravier provenant des couches super ficielles de l’abri. »306) et le 10 avril, le crâne est mis au jour. Par prudence, Hauser, préfère taire sa trouvaille et laisser les restes sur place. Le 10 août, un groupe de dix savants allemands, dont Hans Virchow et H. Klaatsch, vient étudier le gisement. Le 12, le squelette est enfin sorti de terre. Deux jours plus tard, le crâne, cassé en de nombreux morceaux, fait l’objet d’un premier remontage, avant deux reconstitutions et son « baptême » sous le nom de Homo mousteriensis Hauseri-Klaatsch. Il est ensuite officiellement présenté, fin septembre à Cologne au 80e Congrès des naturalistes et médecins allemands. Pour ses inventeurs il est doublement extraordinaire : il représente le premier crâne de néandertalien trouvé en France et il serait d’une antiquité exceptionnelle car rattaché par eux au Pléistocène inférieur.

  • 307 HUREL A. « La découverte de l’Homme fossile de la Chapelle-aux-Saints (1908). Pratiques de terrain, (...)
  • 308 BREUIL H., Lettre à J. Bouyssonie, 1er janvier 1909, Archives Dpt. Préhist. MNHN.
  • 309 BOULE M., Lettre à J. Bouyssonie, 16 novembre 1908, Archives Dpt. Préhist. MNHN.
  • 310 BOULE M., « L’Homme fossile de la Chapelle-aux-Saints », Annales de Paléontologie, 1911, t. 6, p. 1 (...)
  • 311 Lettre de l’abbé H. Breuil à L. Didon du 2 février 1916 in DELLUC B. et G., « Une lettre de l’abbé (...)
  • 312 HUREL A., « “N’est-il pas infiniment plus honorable de descendre d’un singe perfectionné que d’un a (...)
  • 313 C’est ce dernier qui va se porter acquéreur en 1912 d’un des bas-reliefs de Laussel dérobé par le c (...)

37Les opposants à Hauser vont alors chercher à relativiser l’importance de la découverte, d’autant qu’à quelques kilomètres de distance et dans des couches archéologiques sensiblement identiques, les abbés A. et J. Bouyssonie, accompagnés de leur jeune frère Paul et de l’abbé L. Bardon, ont eux aussi fait une trouvaille sensationnelle. Le 3 août, dans un abri sous roche à la Chapelle-aux-Saints (Corrèze), ils ont mis au jour le squelette presque complet d’un néandertalien, qui reposait dans une fosse intentionnelle, associé à des pierres taillées et des pièces de faune. Ils avertissent aussitôt Cartailhac et Breuil de leur découverte et en confient l’étude à Boule et donc au Muséum307. Au-delà de son intérêt anthropologique, cet homme fossile est un formidable instrument pour éclipser la découverte faite au Moustier et « prêcher la croisade contre les vils marchands Hauser et Cie »308. Début novembre, Boule se met au travail de reconstitution du crâne qui a été brisé. Après 15 jours de travail et « plusieurs essais infructueux » il a le sentiment « qu’il serait bon de se presser car les Allemands de Hauser ont emporté en triomphe le crâne du Moustier et ne tarderont pas à publier une description »309. Lorsque, le 14 décembre, il présente officiellement la découverte dans une note à l’Académie des sciences, il ne manque pas d’insister sur le fait que le squelette est complet et qu’il renouvelle profondément la connaissance de l’homme néandertalien. Mais il tient à signaler « qu’un fouilleur suisse, M Hauser, qui met en coupe réglée tous nos merveilleux gisements de la Vézère, a trouvé au Moustier un crâne humain présentant aussi des caractères néanderthaloïdes. Ce crâne a été transporté en Allemagne. » De plus, les indices qu’offre le gisement de la Chapelle-aux-Saints permettent d’affirmer que le type néandertalien est plus récent que ce que Klaatsch et Hauser ont pu affirmer (Pléistocène inférieur). Parce que Hauser en est l’inventeur et parce qu’ils ont été vendus à l’Allemagne, les restes du Moustier vont être traités avec le plus grand mépris (« document de piètre valeur, dont je m’occuperai fort peu » selon Boule310, reconstitution « ridicule, tendancieuse et anatomiquement insoutenable » pour Breuil311). La découverte de l’homme de la Chapelle-aux-Saints va avoir un formidable retentissement312. Le tout-Paris, curieux de découvrir « l’homme le plus ancien du monde », accoure au laboratoire de paléontologie du Muséum. L’ensemble de la presse nationale (Le Matin, L’Illustration, le Temps etc.) salue la découverte. Et c’est en une du Matin que Boule, reprenant une expression des années 1860 époque des premiers soutiens apportés à Charles Darwin (Édouard Claparède, Clémence Royer ou Carl Vogt par exemple), prend la pose dans son bureau, le fameux crâne à la main, et lance au grand dame des abbés Bouyssonie : « N’est-il pas infiniment plus honorable de descendre d’un singe perfectionné que d’un ange déchu ? » C’est donc, dans une relative indifférence que, le 26 août 1909, Hauser découvre à Combe-Capelle de nouveaux restes humains et dont, peu de temps après, les préhistoriens français apprennent la vente à Carl Schuchhardt313 au Museum für Völkerkundede Berlin.

  • 314 BAUDOUIN M., « Rapport de monsieur le secrétaire général sur le développement et les œuvres, de 190 (...)

38À la fin de l’année 1908, la communauté des préhistoriens français paraît avoir presque accepté l’idée qu’il est devenu nécessaire de protéger les gisements préhistoriques. Les principaux animateurs de la S.P.F. eux-mêmes, tout en réfutant a priori tout droit exorbitant des pouvoirs publics, ont évolué également puisque la Société a créé une « caisse spéciale, indépendante de celle de la Société et alimentée par des dons manuels, qui, suivant ses ressources, achète, pour la Société, [...] les Mégalithes en danger, ou les Stations et Gisements utiles à conserver. »314 À côté d’une minorité de chercheurs qui font de l’institutionnalisation, et donc de la professionnalisation une étape incontournable de la marche vers la reconnaissance des sciences préhistoriques, la très grande majorité d’entre eux n’entend pas, en réalité, se départir de ses droits de chercheurs et de propriétaires. Selon eux, l’attention portée aux gisements et aux collections ne peut se justifier au seul titre de l’intérêt général, mais relève plutôt de la légitime protection de leurs travaux personnels. L’État quant à lui s’est doté d’une structure de conservation par le classement, la Sous-commission des monuments mégalithiques, dont les moyens d’intervention demeurent réduits car strictement encadrés.

39L’évolution est sensible, mais ce sont bel et bien deux visions diamétralement différentes de l’archéologie qui s’opposent au sein de la communauté des préhistoriens. Ces deux camps déterminés à grands traits, ce serait cependant commettre une erreur, voire une injustice, que de les appréhender d’une manière par trop caricaturale car les factions ne sont pas aussi étanches et il existe une variété de positions intermédiaires. Quoi qu’il en soit, au printemps 1910, l’annonce du dépôt prochain d’un projet de loi sur les fouilles va provoquer des réactions très vives, individuelles ou collectives à travers les sociétés savantes. Leurs répercutions vont très largement déborder le milieu des préhistoriens pour gagner celui de l’opinion publique à travers la presse, nationale et régionale, d’information et d’opinion. Étant entendu que cette opinion publique est déjà réceptive à ces questions du fait de son conditionnement à travers l’exploitation de l’affaire Hauser, qui prend rapidement un tour outrancier, la rumeur et l’amalgame tenant souvent lieu de vérités. Hauser, de son côté, fort d’un sentiment d’impunité ne s’embarrasse pas de ménager les susceptibilités.

III. Hauser devient un symbole national

40L’omniprésence de Hauser dans la vallée de la Vézère a fini par agacer vraiment beaucoup de monde. Ses démonstrations de force, à grand renfort de publicité (panneaux, prospectus, cartes postales, catalogues de vente), sont ressenties par les préhistoriens français comme autant de provocations, eu égard à la faiblesse des moyens dont ils disposent. La campagne de presse qui se met en branle au mois d’avril 1910 va diffuser l’idée que la France entière serait la proie de pillards d’origine germanique.

41Le 10 avril 1910, Jules Roche, qui est à la fois membre de la S.A.P., député et directeur de la République française, publie dans les colonnes de son journal un « cri d’alarme » sous la forme d’une lettre ouverte au sujet « de la dévastation, nous dirions volontiers du cambriolage, par des étrangers, des monuments druidiques qui sont une des curiosités de notre Bretagne. » Une « bande » dotée de moyens financiers importants agirait pour le compte d’un industriel suisse et des musées allemands. Elle utiliserait les services d’un homme de paille français qui négocierait les achats de terrains, le produit des fouilles étant vendu « paraît-il à prix d’or en Allemagne ». Déjà, ces pillards se seraient signalés dans le Périgord et projetteraient maintenant d’étendre leurs activités à la Bretagne.

  • 315 Pseudonyme de plume assez transparent d’un préhistorien, le comte Henri Bégouën (domicilié à Montes (...)

42Le Républicain de Toulouse et du Midi publie le dimanche 14 août 1910, sous la plume de Henri Avantès315, un article consacré aux « Richesses préhistoriques de la France ». Reprenant la chronique de La République française, il attire l’attention de ses lecteurs sur les informations livrées par cet « officier de marine, membre de la sous-commission des monuments mégalithiques, [qui] signale le pillage des stations préhistoriques auquel se livrent des industriels allemands. » Avantès fait aussitôt le parallèle avec la situation du Périgord :

« Des Suisses et des Allemands avaient loué le droit de fouilles sur les points les plus intéressants. [...] Cette bande noire après avoir opéré aux Eyzies, dans la Dordogne, a tenté d’exploiter le gisement de Solutré, elle est maintenant en Bretagne. »

43Le 22 août 1910, Roche rend compte de la mission que le ministre des Beaux-Arts vient de confier à d’Ault du Mesnil, afin qu’il rédige un rapport sur les pillages de monuments mégalithiques éventuellement en cours en Bretagne, et ajoute annonce que le ministre a saisi le Parlement « d’un projet de loi préparé [...] qui a pour objet la réglementation du droit de fouilles dans les stations archéologiques ou paléontologiques ».

44Le lendemain, toujours dans La République française, l’écrivain Charles Le Goffic dénonce une :

« Bande de pillards, agissant pour le compte d’un industriel suisse et des musées allemands, se propose d’explorer le sous-sol des dolmens et des menhirs de la Bretagne. Si la bande se contentait de les explorer, il n’y aurait qu’un demi-mal : mais elle entend faire main-basse sur le produit des fouilles, et voilà qui est plus grave. [...] Aussi bien la bande n’en est-elle pas à son coup d’essai. Elle opérait hier aux Eyzies et à Vergisson et, dans cette dernière localité, trouvait moyen de signaler son passage en brisant un admirable dolmen. »

45Avec l’affaire du Cap-Blanc à Laussel, c’est un chef d’État, le Prince de Monaco, qui va directement prendre part à la campagne anti-Hauser. Depuis 1883 et ses premières fouilles de Grimaldi, Albert Ier connaît la réalité concrète de l’archéologie préhistorique et a établi des contacts avec les principaux chefs de file des préhistoriens. Avec le soutien de Boule, il a mené l’étude de la Grotte du Prince, entre 1892 et 1904, et créé, en 1902, un Musée d’anthropologie préhistorique à Monaco pour présenter les résultats de ses travaux. De même, en finançant depuis 1904 les travaux de Breuil et Cartailhac sur les grottes ornées, il joue un rôle majeur dans la reconnaissance de l’art pariétal.

46C’est au cours des fouilles effectuées en septembre 1909 par Lalanne que la frise sculptée de l’abri de Cap-Blanc est découverte. La situation précaire du terrain fait tout de suite craindre que l’ensemble ne soit une nouvelle proie promise à Hauser. En effet, le propriétaire du site compris dans le vaste domaine de Laussel est menacé d’une vente sur saisie immobilière au profit de M. Grimaud, banquier à Paris. Dès qu’il en a connaissance, Breuil attire l’attention du Prince de Monaco et lui dresse un portrait peu amène de Hauser :

  • 316 BREUIL H., Lettre à Albert Ier, 15 septembre 1909, APPM. C 808.

« Voici quel est cet aventurier : il est né à Zurich, où il a laissé la plus déplorable réputation et a commencé des entreprises commerciales par la destruction partielle de l’amphithéâtre de Vindonissa. Il fut convaincu de fraude de provenance par le Pr de zoologie de l’université, le Dr Keller actuellement vivant. M le Pr Hierli, également de Zurich, peut établir d’autres fraudes analogues, concernant certains objets précieux, découverts soi-disant au cours de fouilles. Sur ce Hauser qui s’était marié à Zurich et avait des enfants, abandonna sa femme et ses enfants sans ressources pour aller faire la fête à Zurich. Sa femme en est devenue folle [...] Il vendit sa collection de Vindonissa à Pierpont, et, sans doute avec cette somme, commença à opérer aux Eyzies, louant des gisements et vendant, surtout en Allemagne, le produit de ses fouilles, tout en prétendant n’être pas marchand [...]. Il n’a publié que deux ou trois notes, où avec quelques apparences scientifiques il y a surtout un prospectus laudatif. De ces recherches scientifiques, destinées à attirer la clientèle des musées allemands, M. Obermaier a pu constater, dans un lot expédié à Nuremberg, des falsifications certaines de provenances, souvent très grossières, bien que les objets soient affirmés provenir tous des fouilles personnelles de Hauser. Il a ainsi pu louer une partie de Laugerie Haute et de Laugerie Basse, La Micoque, le Moustier, le Ruth, Longue Roche, La Rochette etc. plus d’autres gisements qu’il fouille simultanément ou plus exactement qu’il fait fouiller par ses hommes dont le directeur, Leyssalle, est beaucoup plus instruit que Hauser en matière préhistorique. [...] Mais voici maintenant qu’arrive ce nouveau capital qui s’ajoute à ce que, malgré ses dettes simulées, son commerce éhonté lui a déjà rapporté ! [...] Nos gouvernants ne semblent pas y prendre attention, ou à peine. Est-ce que Votre Altesse pourrait s’intéresser à cette question ? Le temps est probablement urgent. [...] Je suis informé d’autre part, que le bandit Hauser, menacé de l’expropriation de certains gisements qu’il détient déjà, n’osera plus, de peur d’y être pris pour de grosses sommes, pousser les enchères. »316

  • 317 BREUIL H., Lettre à L. Mayer, 24 septembre 1910, Vierzy (Aisne), AIPH, CC1.
  • 318 BREUIL H., Lettre à G. Lalanne, 22 octobre 1910, Archives du Musée d’Aquitaine, Bordeaux.

47De la correspondance échangée tout au long de l’année 1910 entre Breuil et Lalanne il ressort que la meilleure des solutions leur semble être que ce dernier devienne lui-même propriétaire, au nom de quelques personnes de bonne volonté se regroupant pour rassembler une somme d’environ 10000 ou 20000 francs, le site serait ensuite offert à l’État. Dès le 24 septembre, il contacte Louis Mayer, le conseiller privé du Prince, pour qu’il incite le Prince à participer à la défense d’« une vraie frise de Parthénon paléolithique. »317 Albert Ier accepte de s’associer financièrement à Lalanne qui va se porter acquéreur de Laussel en son nom personnel et propose de financer la réalisation de moulages par les services de Reinach318.

  • 319 BREUIL H., Lettre à L. Mayer, s.d., AIPH, CC1.

48Craignant toujours une surenchère de Hauser, Lalanne, à l’instigation de Breuil, tente de convaincre le propriétaire de lui vendre son bien avant que la saisie ne soit opérée (l’argent serait alors immobilisé à la Caisse des dépôts et consignations), puis de faire comprendre au créancier du marquis qu’un classement du site et une éventuelle mesure d’expropriation auraient pour conséquence de lui faire perdre beaucoup d’argent. De son côté, Albert Ier est disposé à consacrer jusqu’à 10000 francs pour faire face à une éventuelle surenchère au moment de l’adjudication en vente publique, la mise à prix étant fixée à 10000 francs. En contrepartie, il obtiendrait une cession en toute propriété de l’abri orné et du grand abri fouillé par Lalanne, mais également d’un droit exclusif de fouilles à perpétuité sur un point quelconque de la propriété. De plus, Peyrony pourrait bénéficier d’une somme équivalente pour prendre le contrôle « de gisements à fouiller dans la zone d’action d’Hauser. » Les baux seraient faits au nom de Peyrony puis ultérieurement rétrocédés au centre de recherche qu’il a en projet (le futur Institut de paléontologie humaine)319.

  • 320 BREUIL H., Lettre à Albert Ier, 30 octobre 1910, APPM, C800 bis (4°).

49Le 21 octobre 1910, l’abri de Laussel est mis en vente, Hauser étant présent dans la salle. L’adjudication est prononcée à 20000 francs. Grimaud ayant indiqué à Lalanne son intention de pousser, si nécessaire, les enchères jusqu’à 65000 francs, ce dernier abandonne au grand damne du banquier qui pensait voir le domaine partir à un meilleur prix : « Grimaud a paru furieux, et a menacé de vendre à l’empereur d’Allemagne l’abri sculpté ( !). M Lalanne lui a dit que l’expropriation pourrait bien l’en empêcher. » Quelques temps après, Lalanne propose en vain l’achat pour 10000 francs de l’abri sculpté et du chemin d’accès. Le Prince va alors intervenir auprès de l’administration des Beaux-Arts afin d’obtenir le classement du site320. Un arrêté du 28 novembre 1910 classe les sculptures préhistoriques des rochers du Cap-Blanc à l’inventaire des monuments historiques.

50Pendant que se déroulent ces événements, le cas Hauser n’a fait que prendre plus d’ampleur sur la scène médiatique, en particulier avec un article du Matin publié le mercredi 21 septembre 1910, intitulé « Nos richesses préhistoriques accaparées par l’étranger » :

« Un M. O. Hauser, brave Teuton, qui se dit Suisse, est venu aux Eyzies, accaparer pour le compte des musées impériaux nos richesses souterraines. Il acquiert, parcelle par parcelle, les terrains où les fouilles donnent d’excellents résultats, et s’est fait même construire une petite maison avec bureaux et atelier d’emballage. [...] Ainsi, chaque semaine, selon que ses travaux ont été plus ou moins fructueux, quatre, six ou huit caisses d’armes, de fossiles ou d’ossements s’acheminent vers Berlin. [...] Au reste, depuis la venue de M. Hauser dans le pays, comme une folie de préhistoire s’est emparée des paysans, qui abandonnant charrue et bêtes ne songent plus, en ce Périgord déjà riche en truffes, qu’à gratter leur sol dans l’espoir d’y trouver l’un ou l’autre des objets chers au collectionneur teuton. »

51Le journal indique que les pouvoirs publics ne sont pas restés sans rien faire, puisque le ministre Henri Dujardin-Beaumetz a constitué une commission pour préparer un texte de loi permettant de protéger ce patrimoine qui serait voté en urgence dès la rentrée des chambres. La procédure de préparation et d’examen d’un projet de loi étant longue, dans l’immédiat, le ministre envisagerait d’introduire une instance de classement comme monuments historiques de plusieurs grottes de Dordogne. Dès maintenant, Peyrony et Capitan sont chargés d’entreprendre tous les achats possibles de gisements dans la région.

Notes

257 LANTIER R., « Un siècle d’archéologie protohistorique », Congrès archéologique de France 97e session tenue à Paris en 1934, Op. cit., t. 2, p. 85-86.

258 DELLUC B. et G., « L’archéologue Otto Hauser à la lumière de quelques documents périgordins », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie du Périgord, 1999, t. 126, p. 705.

259 MORTILLET A. de, « Liberté des fouilles préhistoriques », Bull. S.P.F., 1907, t. 4, p. 439.

260 DELLUC B. et G., « L’archéologue Otto Hauser à la lumière de quelques documents périgordins », Op. cit., p. 705-748.

261 STAËL G. de, De l’Allemagne, Les grands écrivains de France, Paris, Hachette, 1958, p. 21.

262 FUSTEL DE COULANGES D., « De la manière d’écrire l’histoire en France et en Allemagne depuis cinquante ans », Revue des deux mondes, 1872, t. 102, p. 245.

263 REINACH S, « Gabriel de Mortillet », Revue historique, n° 69, janvier-avril 1899, p. 31.

264 CARTAILHAC É., La France préhistorique, Op. cit., p. 45.

265 MORTILLET G. de, Le Préhistorique, op. cit., p. 475-476.

266 BOULE M., « Essai de paléontologie stratigraphique de l’homme », op. cit., 1888, 3e série, t. 3, p. 130-131.

267 REINACH S., Antiquités nationales. Description raisonnée du musée de Saint-Germain-en-Laye. t. 1, Époque des alluvions et des cavernes, Paris, Firmin-Didot, 1889, p. 96.

268 BERTRAND A., La Gaule avant les Gaulois d’après les monuments et les textes. Cours d’archéologie nationale, Paris, E. Leroux, 1884, p. 21.

269 POTTIER E., « Salomon Reinach », Revue archéologique, 1932, 5e série, t. 36, p. 143-144.

270 « Excursion scientifique aux Eyzies », L’Anthropologie, 1906, t. 17, p. 227-230.

271 Article premier des statuts de la S.P.F. Bulletin de la S.P.F., 1904, t. 1, p. 1.

272 À sa fondation, la S.P.F. se propose également « de s’intéresser à la conservation des monuments mégalithiques ». Lors de la révision des statuts en novembre 1909, sa sollicitation sera étendue à « la conservation des gisements et monuments préhistoriques ».

273 Congrès préhistorique de France. Compte-rendu de la 1re session, Périgueux, 1905, Op. cit., p. 467.

274 RIVIÈRE É., « discours », Bull. S.P.F., 1905, t. 2, p. 10-11.

275 Ce terme de « braconniers » (braconner : « chasser furtivement sur les terres d’autrui, pour faire son profit du gibier ») est tout à fait instructif du sens aigu de la propriété.

276 Bull. S.P.F., 1906, t. 3, p. 13.

277 CAPITAN L., « La Kultur allemande aux Eyzies », Revue anthropologique, 1915, t. 25, p. 120-133.

278 BOUYSSONIE J., Lettre à H. Breuil 28 avril 1907, BCMNHN, fonds Breuil. Br 71.

279 Ce gisement et les résultats scientifiques tirés par les uns et les autres sera l’objet en 1908 d’une vive controverse entre Peyrony et Hauser. Voir DELLUC B. et G. « Otto Hauser et le Périgord : quelques documents pour le dossier », Bull. S.H.A.P., 2004, t. 131, p. 403-426.

280 BOUYSSONIE J., Lettre à H. Breuil, BCMNHN, fonds Breuil, Br 71.

281 Ibid.

282 BREUIL H., Lettre à M. Boule, 12 juin 1907, AIPH, CA 1.

283 JULLIAN C., « Caveant consules ». Revue des études anciennes, 1907, t. 9, p. 273.

284 Bull. S.H.A.P., 1907, t. 4, p. 411.

285 « Liberté des fouilles préhistoriques », Bull. S.P.F., 1907, t. 4, p. 439-441.

286 Breuil n’a pas eu besoin de demander sa naturalisation suisse pour devenir, le 23 février 1906, professeur agrégé (privat docent) de préhistoire et ethnographie de la Faculté des sciences de l’université de Fribourg.

287 En 1905, victime d’une supercherie qui sera éventée deux ans plus tard, Capitan avait annoncé avoir découvert des silex néolithiques égyptiens sur l’Île Riou au large de Marseille.

288 Peyrony est alors attaqué par A. de Mortillet qui indique qu’il est « de notoriété publique » que l’instituteur des Eyzies vend des pièces à l’étranger.

289 « À l’exemple de M. Peyrony », Mercure de France, n° 741, 1er mai 1929, p. 728-729.

290 « Réponse à l’article Un antiglozélien », Mercure de France, n° 742, 15 mai 1929, p. 217-219.

291 DECORDES J., « Chronique de Glozel. Une petite enquête aux Eyzies. », Mercure de France, n° 757, 1er janvier 1930, pp. 197-202.

292 Embarras d’autant plus compréhensible que l’activité marchande de Peyrony pour financer ses fouilles est établie. Les premières transactions semblent remonter à 1900 lorsqu’il vend, avec l’aide de Capitan, au Smithsonian Museum de Washington 160 pièces du Moustier, Laugerie-Haute, Laugerie-Basse et la Micoque. WHITE R., L’affaire de l’abri du poisson. Patrie et préhistoire, Périgueux, Fanlac, 2006, p. 76.

293 « Réponse de M. Peyrony à l’article : “Une petite enquête aux Eyzies” », Mercure de France, n° 759, t. 217, 1er février 1930, p. 728.

294 « Le don d’ubiquité », L’Homme préhistorique, Op. cit. p. 440-441.

295 MORTILLET A. de, « Présentation d’une carte topographique de M. O. Hauser », Bull. S.P.F., 1907, t. 4, p.500-501.

296 RAYMOND P., « Les suites de l’article de L’Éclair : sol historique au pillage », Revue préhistorique. Annales de palethnologie, 1908, t. 3, p. 25-26.

297 BREUIL H., « À propos d’une discussion à la Société préhistorique de France », Revue préhistorique. Annales de palethnologie, 1908, t. 3, p. 26-28.

298 « Séance extraordinaire du 13 février 1908. Vœux formulés », Bull. S.P.F., 1908, t. 5, p. 68-69.

299 VAUVILLÉ O., « Sépulture néolithique de Braine (Aisne) », Bull. et mém. S.A.P., 1908, t. 9, p. 158-162.

300 Bull. et mém. S.A.P., 1908, t. 9, p. 276.

301 RAYMOND P., « Pour la conservation de nos monuments préhistoriques », Revue préhistorique. Annales de palethnologie, 1908, t. 3, p. 298-300.

302 BINÉTRUY M.-S., De l’art roman à la préhistoire. Des sociétés locales à l’Institut, Itinéraire de Joseph Déchelette. Op. cit., p. 123.

303 OBERMAIER H., « M. Hauser et la Micoque », Revues des études anciennes, 1908, t. 10, p. 85-88.

304 Bull. S.P.F., 1910, t. 7, p. 361.

305 Le document est illustré et accompagné de 14 plans et coupes en couleurs dressés par un géomètre de Zürich. HAUSER O., Le Périgord préhistorique. Guide pour les excursions dans les vallées de la Vézère et de la Dordogne et pour l’étude de leurs stations préhistoriques, Le Bugue, G. Réjou, 1911, 23 p.

306 VALLOIS H., « La découverte du squelette du Moustier », L’Anthropologie, 1939-1940, t. 49, p. 777.

307 HUREL A. « La découverte de l’Homme fossile de la Chapelle-aux-Saints (1908). Pratiques de terrain, débats et représentations des Néandertaliens », Organon, 2005, no34, p. 97-118.

308 BREUIL H., Lettre à J. Bouyssonie, 1er janvier 1909, Archives Dpt. Préhist. MNHN.

309 BOULE M., Lettre à J. Bouyssonie, 16 novembre 1908, Archives Dpt. Préhist. MNHN.

310 BOULE M., « L’Homme fossile de la Chapelle-aux-Saints », Annales de Paléontologie, 1911, t. 6, p. 112.

311 Lettre de l’abbé H. Breuil à L. Didon du 2 février 1916 in DELLUC B. et G., « Une lettre de l’abbé Henri Breuil au sujet de l’homme du Moustier », Bull. S.H.A.P., 1987, t. 114, p. 109.

312 HUREL A., « “N’est-il pas infiniment plus honorable de descendre d’un singe perfectionné que d’un ange déchu ?” La découverte de l’Homme de la Chapelle-aux-Saints dans son contexte historique » Bull. S.A.P., 2006, t. 18, p. 7-14.

313 C’est ce dernier qui va se porter acquéreur en 1912 d’un des bas-reliefs de Laussel dérobé par le chef du chantier de fouilles à l’insu de son employeur le docteur Lalanne. Ce dernier constatera, sur place à Berlin, que la Vénus en question trône sur le bureau du conservateur du musée. ROUSSOT A., La vénus à la corne et Laussel, Luçon, éditions Sud-Ouest, 2000, p. 18-20.

314 BAUDOUIN M., « Rapport de monsieur le secrétaire général sur le développement et les œuvres, de 1904 à 1909, de la Société préhistorique de France », Bull. S.P.F., 1909, t. 6, p. 488.

315 Pseudonyme de plume assez transparent d’un préhistorien, le comte Henri Bégouën (domicilié à Montesquieu-Avantès, Ariège), fondateur et directeur de ce quotidien mais surtout ancien élève de Cartailhac.

316 BREUIL H., Lettre à Albert Ier, 15 septembre 1909, APPM. C 808.

317 BREUIL H., Lettre à L. Mayer, 24 septembre 1910, Vierzy (Aisne), AIPH, CC1.

318 BREUIL H., Lettre à G. Lalanne, 22 octobre 1910, Archives du Musée d’Aquitaine, Bordeaux.

319 BREUIL H., Lettre à L. Mayer, s.d., AIPH, CC1.

320 BREUIL H., Lettre à Albert Ier, 30 octobre 1910, APPM, C800 bis (4°).

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