Les relations diplomatiques des Fatimides avec Byzance
p. 314-315
Texte intégral
1La diplomatie fut active entre l’Empire byzantin et le califat chiite* des Fatimides (cf. p. 76‑77), depuis sa création en 909 en Ifriqiya jusqu’à sa chute en 1171 en Égypte. Si ces deux États n’ont pas toujours eu une frontière continentale commune, leurs contacts officiels furent fréquents – quoiqu’à des rythmes variés – principalement par la voie maritime. Certes, les rivalités, militaires comme commerciales, étaient grandes, mais elles furent compensées et prolongées par de fréquents échanges d’ambassades. Et, dès lors que ces deux partenaires constituèrent les deux États les plus puissants de Méditerranée orientale du xie siècle jusqu’à la veille des croisades, il y eut antagonismes comme émulations, mais aussi ententes.
2Mais, dans un premier temps, entre 909 et la conquête de l’Égypte en 969 par la dynastie chiite, on remarque une politique offensive des Fatimides contre les intérêts byzantins en Méditerranée centrale et en Italie méridionale où l’Empire byzantin était encore présent. Celui-ci négocia souvent le paiement d’un tribut* aux Fatimides, mais il savait aussi à l’occasion s’entendre contre eux avec les Omeyyades de Cordoue. Une fois installés en Égypte, et après avoir fondé Le Caire, leur capitale (cf. p. 76-77), les Fatimides firent face à l’expansionnisme militaire des empereurs macédoniens. Les conflits entre les deux puissances se concentrèrent sur l’espace syrien. Les Byzantins protégeaient alors l’émirat hamdanide d’Alep que des califes comme al-‘Aziz ou al-Ḥākim visaient particulièrement (cf. p. 312‑313). Traités de trêve et de paix furent toutefois possibles, révélant les enjeux de partage de souveraineté, d’échanges commerciaux ou de libérations de prisonniers. Principalement connus par les sources arabes, car transmis dans les livres des chroniqueurs, ces accords diplomatiques scandent l’histoire du premier xie siècle (1000‑1001, 1027‑1028, 1036, 1045 et 1054).
3Deux événements changent toutefois la donne après cette dernière date : l’arrivée des Turcs seljukides dans l’échiquier du Proche-Orient méditerranéen – les Byzantins les préférant quelquefois aux Fatimides – et l’irruption des croisés et la création des États latins d’Orient au début du xiie siècle (cf. p. 80-81). Constantinople et Le Caire demeurèrent alors des alliés, du moins jusqu’en 1168 lorsqu’une expédition militaire conjointe du basileus* et du roi de Jérusalem fut conduite contre l’Égypte, sans succès néanmoins.
« Une tentative d’alliance entre Fatimides et Bulgares contre Byzance » (début des années 920). Chronique de Skylitzès de Madrid, c. 1150‑1175.

Extraits de pages enluminées tirées d’un manuscrit, conservé à Madrid, de la chronique de Skylizès. Ce haut fonctionnaire byzantin du tournant des xie et xiie siècles a rédigé une histoire des empereurs byzantins de 811 à 1057. Skylitzès raconte que, vers 924, le tsar Syméon de Bulgarie envoya une ambassade en Ifriqiya, auprès du calife fatimide al-Mahdī, pour établir une alliance militaire contre l’Empire byzantin (illustration 1). L’entente fut conclue, mais le navire qui transportait les envoyés bulgares et fatimides vers Syméon fut arraisonné par les Byzantins de Calabre qui envoyèrent leur prise à l’empereur de Constantinople (illustration 2). Ce dernier opéra un choix stratégique en jetant les émissaires bulgares en prison, mais en traitant favorablement les Fatimides reconnaissables sur cette image à leurs turbans (illustration 3) où les dons offerts à ces derniers apparaissent. Renvoyés auprès du calife, celui-ci prit connaissance de leur accueil bienveillant (illustration 4) et décida de réduire de moitié le tribut que les Byzantins d’Italie du Sud payaient jusqu’alors aux Fatimides.
© Madrid, Bibliothèque nationale d’Espagne, Gr. Vitr. 26‑2, fol. 148r-148v.
Un échange de dons entre le calife du Caire et l’empereur de Constantinople (en 1045)
« Constantin, roi des Byzantins, envoya à al-Mustansir billâh, en l’an 437/1045, un présent. […] L’envoi arriva lorsqu’il [Constantin] correspondait avec lui [le calife] pour le renouvellement de la trêve de dix ans qui devait expirer en l’an 447/1055. Ce présent fut tel qu’aucun des rois des Byzantins n’avait jamais envoyé son pareil, aux anciens califes de l’Islam, depuis les temps les plus reculés jusqu’à ce moment. Cela parce qu’il [Constantin] avait grand cœur et grande politesse. Ce présent valait trente qintârs d’or, chaque qintâr équivalant à 7 200 dinars byzantins, ou 10 000 dinars arabes, le tout valant 216 000 dinars byzantins, ou 300 000 dinars arabes. Le cadeau comportait cent cinquante têtes des meilleurs mulets et chevaux de choix, chacun d’eux couvert d’une étoffe de soie (dībāj). Cinquante mules les suivaient, portant cinquante paires de coffres couvertes de cinquante pièces d’étoffe de soie (sundusīyya ibrīsam). Tous [ces chevaux et mulets] étaient conduits par deux cents hommes, des Musulmans qui avaient été faits prisonniers. Dans le contenu des coffres, il y avait différentes espèces de pots dorés en émail au nombre de cent ; puis mille pièces d’étoffes de soie (dībāğ), des pièces d’excellent sundus (soie), de ceintures rouges, de fabrication byzantine, ornées d’or, des turbans, dorés, hauts, brodés d’or ; des rideaux, et des serviettes de soie (manādīl dībāğ), au nombre de trois cents, [assez grandes] pour envelopper des vêtements. »
Livre des trésors et des cadeaux, texte écrit par un membre de la cour fatimide de la seconde moitié du xie siècle. Trad. : M. Hamidullah, p. 288.
Les relations diplomatiques entre les Fatimides et Byzance (xe-xiie siècle).

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