Aux confins méridionaux de l’Égypte islamique
Les royaumes chrétiens de Nubie
p. 310-311
Texte intégral
1Entre le ive et le ve siècle, de nouveaux pouvoirs ont émergé des décombres de l’Empire méroïtique qui dominait, depuis huit siècles, la moyenne vallée du Nil. Les Nubiens, originaires de l’ouest de l’actuel Soudan, ont investi la vallée et se sont constitués en « chefferies » autonomes représentées par les nécropoles élitaires égrenées le long du fleuve. La formation des trois royaumes de Nobadia, Makouria et Alodia, au vie siècle, constitue l’aboutissement de ce processus de coalescence politique parachevé, dans la seconde moitié du même siècle, par la conversion des trois souverains au christianisme.
« La reine Martha sous la protection de la Vierge et de l’Enfant ». Peinture murale de Faras, Soudan (fin xe siècle).

© Khartoum, musée national, n° inv. KH 24318.
Les royaumes chrétiens de Nubie du vie au xiiie siècle.

2En 652, les conquérants arabes assiègèrent Dongola, capitale du royaume de Makouria, mais ils furent repoussés par les archers nubiens. Cet échec déboucha sur un accord de paix, désigné sous le nom de baqṭ, qui fournit, pour les siècles à venir, le cadre de référence des relations diplomatiques entre pouvoirs musulmans et chrétiens de part et d’autre de la frontière d’Assouan. Placée durablement à l’abri de la conquête islamique, la Nubie connut son apogée entre le ixe et le xiie siècle. L’architecture religieuse et les arts picturaux s’épanouirent alors dans les centres urbains comme Faras et Dongola, tandis que le commerce se développait avec l’Égypte voisine. C’est dans le cadre de ces échanges que l’islam s’est progressivement diffusé dans le nord du territoire où la présence de communautés musulmanes est attestée dès le ixe siècle. Les relations entre Égypte et Nubie restèrent généralement apaisées, à l’exception de quelques épisodes de tensions frontalières. À la fin du xiiie siècle, les sultans mamluks tentèrent, en vain, de prendre pied en Nubie en intervenant militairement dans les querelles de successions nubiennes. Mais ce sont les migrations des tribus bédouines de Haute Égypte, qui s’accélérèrent dans la seconde moitié du xive siècle, qui finirent par avoir raison du royaume chrétien de Makouria, aussi connu sous le nom de Dotawo. Ce dernier n’en continua pas moins d’exister, jusqu’à la fin du xve siècle, sous la forme d’une petite principauté centrée sur Gebel Adda.
Extrait de l’accord de 652 d’après les Khiṭaṭ d’al-Maqrīzī (m. 1442)
« ʿAbd Allāh b. Saʿd leur accorde la protection et la trêve consentie entre eux et les musulmans qui les avoisinent dans le Ṣaʿīd, les autres musulmans et les sujets protégés. Quant à vous, peuple nubien, vous serez en sécurité́ sous la protection de Dieu et de Son Envoyé le prophète Muhammad ; nous ne vous ferons pas la guerre, nous ne causerons aucune guerre contre vous et nous ne vous attaquerons pas tant que vous vous conformerez aux termes de la convention qui existe entre nous. »
Cité dans R. Seignobos, La Nubie : des royaumes chrétiens à la domination islamique, p. 236.
La Nubie du xiiie au xvie siècle : islamisation, arabisation et fragmentation politique.

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