L’espace frontalier en al-Andalus
p. 308-309
Texte intégral
1Dès la fin du viiie siècle, l’émirat omeyyade d’al-Andalus dut faire face aux attaques menées par les comtes de Barcelone, de Castille et par le royaume de León. La zone frontière forme alors un espace peu peuplé aux contours indécis, protégé par des places fortes (thughūr, sing. thaghr*). Elle était organisée en trois zones distinctes, sous l’autorité de gouverneurs, avec chacune leur capitale : Mérida pour la Marche inférieure (thaghr al-adnā), Tolède pour la Marche moyenne (taghr al-awsaṭ), et Saragosse pour la Marche supérieure (taghr al-aqṣā). Sous ʿAbd al-Raḥmān III, au xe siècle, Medinacelli (Madīnat Salīm) remplaça Tolède, trop loin du théâtre des opérations, comme centre de la Marche moyenne.
2Au ixe siècle, l’émir* Muḥammad Ier organisa la frontière. Il aménagea une route qui reliait facilement la capitale, Cordoue, à Tolède puis aux Marches moyenne et supérieure et aux vallées du Duero et de l’èbre qui marquaient les confins. Consolidée sous ʿAbd al- Raḥmān III, la défense de la frontière était assurée par un réseau de fortifications de diverses importances construites dans la profondeur du territoire. À côté de grandes forteresses comme Gormaz, ou Calatayud (Qalʿat ʿAyyūb), le long du Duero, on trouvait des villes fortes comme Atienza, Guadalajara, ou encore Salamanque ou Zamora vers l’ouest. Des tours de surveillance (atalaya) complétaient le dispositif.
L’organisation de la frontière aux ixe et xe siècles et principales expéditions omeyyades contre les royaumes chrétiens.

La forteresse de Gormaz bâtie en 756 par ʿAbd al-Raḥmān Ier.

© A. Charpentier, 2007.
3Au sud de la cordillère centrale, les voies empruntaient les vallées et nombre de châteaux en assuraient la protection. Canales, Olmos et Calatalifa (Qalʿat al- Halfa), par la vallée du Guadarrama, permettaient de rejoindre Madrid (Majrit) puis la vallée du Jarama et le Duero. Guadalajara et Sigüenza protégeaient la vallée du Henares et la route vers Medinacelli.
4Les invasions normandes au ixe siècle puis le danger fatimide au xe siècle entraînèrent la réorganisation de la frontière maritime : des arsenaux (dār al-ṣināʿa*) comme à Séville et des chantiers de construction navale (inshā’ al-marākib) renforcèrent sous ʿAbd al- Raḥmān II la marine omeyyade. ʿAbd al- Raḥmān III poursuivit cette politique avec un arsenal à Algésiras, par exemple, tandis qu’Almería devint le centre de commandement de la marine omeyyade. Des ribats* côtiers se développèrent également.
5L’organisation de la frontière servit également d’appui aux expéditions menées, sous les règnes de ʿAbd al-Raḥmān III et du ḥājib* al-Manṣūr, au début du xie siècle, en direction des terres chrétiennes. Les raids empruntèrent les voies aménagées à partir du ixe siècle. 997 vit la prise de Saint-Jacques de Compostelle et les portes de la basilique furent ramenées à Cordoue.
6La zone frontière resta presque inchangée jusqu’à la première moitié du xie siècle et la prise de Tolède en 1085 par Alphonse VI de Castille qui marqua les progrès de la Reconquista.
L’organisation de la Marche moyenne au ixe-xe siècle.

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