Fragmentation territoriale au début du xve siècle
p. 302-303
Texte intégral
1Le début du xve siècle marque une rupture dans l’histoire du Proche-Orient. En plus des incursions mongoles de Tamerlan et des attaques turcomanes, des résurgences de la peste (cf p. 264‑265) et de famines qui ont provoqué un rapide déclin démographique et économique, le sultanat mamluk connut une recrudescence des conflits internes (fitna*, plur. fitan) entre les différentes factions de l’élite militaire. Une crise polymorphe atteignit donc l’Égypte et le Levant, dont les différents aspects, épidémiologique, agricole, économique et politique, se nourrirent les uns les autres.
2Le régime est accoutumé à ces fitna-s, généralement cantonnées au Caire, peu violentes et limitées à la réorganisation des réseaux de clientèle politique. Toutefois, les deux règnes du sultan Faraj (1399‑1405 et 1405‑1412) connurent une multiplication de ces discordes (cf p. 300‑301). Elles restèrent localisées au Caire pendant le premier règne, mais, au début de son règne personnel, en 1405, le jeune sultan reprit le contrôle de la capitale et en expulsa les chefs de factions. En conséquence, la conflictualité structurelle au régime se déporta dans le Levant et le conflit se territorialisa. De fragmentation sociale entre factions, la fitna devint une fragmentation spatiale, et des frontières internes et mouvantes apparurent dans le royaume. Les émirs* rebelles se constituèrent alors un pouvoir local qu’ils fondèrent sur les ressources tirées des provinces syriennes.
3Il faut noter l’extrême complexité des conflits qui scandèrent cette période jusqu’à la chute de Faraj en 1412 : les alliances se reconfiguraient de mois en mois, et les trahisons furent monnaie courante. Outre le sultan qui mena plusieurs expéditions contre les émirs rebelles, deux factions principales, tantôt alliées, tantôt hostiles, dominèrent les réseaux clientélistes : les partis de Yashbak et de Jakam dont héritèrent respectivement Shaykh et Nawrūz à la mort de ceux- ci. Par opportunisme, il arrivait que, temporairement, une faction rentrât dans l’obédience du sultan pour bénéficier du soutien de son armée contre sa rivale. Il est ainsi possible de redessiner chaque année la carte d’une Syrie disloquée entre plusieurs émirs sans que ces nouvelles frontières internes ne se pérennisent ni ne donnent une nouvelle cohérence au territoire.
Reconstitution de cavaliers mamluks (c. 1300‑1350).

© Angus McBride.
Les frontières du sultanat mamluk. Expression territoriale de la crise du début du xve siècle.

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