Les fitna-s sous le sultanat de Barqūq
p. 300-301
Texte intégral
1Le sultanat mamluk était accoutumé aux désordres internes. Tout au long de son histoire, de nombreux conflits ont opposé de multiples factions menées par des émirs* ou le sultan lui-même. Certaines périodes virent cette conflictualité structurelle s’exacerber. Ainsi, l’avènement du sultan Barqūq en 1382 s’accompagna d’une série de conflits qui marquèrent, aux yeux des historiens modernes, la rupture entre l’époque dite baḥrite ou turque et l’époque dite burjite ou circassienne. On constate en effet que la brève dynastie héréditaire fondée par Barqūq (1382‑1412) fut marquée par plusieurs de ces guerres internes. Trente ans plus tard, celles-ci eurent raison du clan imposé par le Circassien quand son fils Faraj fut vaincu et exécuté par les émirs rebelles en 1412.
2Si sa propre intronisation fut bien préparée par Barqūq, alors grand connétable (atābak al-ʿasākir), pour obtenir le consensus des émirs, son autorité fut progressivement contestée par les laissés-pour-compte du nouveau régime, à savoir les mamluks des sultans précédents et des anciens grands émirs, privés de leurs revenus fiscaux (iqṭāʿ*). Devenus soldats de fortune, les mamluks de l’ancien sultan Shaʿbān se rangèrent derrière l’un des leurs, l’émir Minṭāsh nommé, en guise d’exil, gouverneur de Malatya, à la frontière septentrionale du royaume. La révolte éclata en 1387. Minṭāsh chercha le soutien du prince de Sivas puis rallia, à partir de 1389, le puissant parti des mamluks du défunt émir Yalbughā al-Khāṣṣakī, mené par Yalbughā al- Nāṣirī à Alep. Ceux-ci étaient entrés en conflit avec le sultan – pourtant lui-même ancien mamluk du même émir Yalbughā al-Khāṣṣakī – quand ils crurent ou comprirent que celui-ci cherchait à les évincer à leur tour. L’armée rebelle vainquit l’armée sultanienne menée par Jarkās al-Khalīlī à Khān Lājīn près de Damas puis marcha vers Le Caire dont elle s’empara à la mi-1389.
Les fitna-s des émirs Minṭāsh et Yalbughā al- Nāṣirī (1389).

3Barqūq, vaincu, fut destitué et emprisonné à al- Karak, et le dernier Qalāwūnide, le sultan al-Ḥājjī, fut restauré. Alors que les rebelles s’entre-déchiraient au Caire, Barqūq s’évada et marcha vers Damas. À quelques lieues de la ville, à Shaqḥāb, il rencontra l’armée de Minṭāsh. Grâce au soutien du gouverneur d’Alep, Kumushbughā al-Ḥamawī, la bataille tourna en sa faveur. Il renonça à assiéger Damas pour monter sur le trône au Caire. Il y arriva au début de l’année 1390 alors que ses propres mamluks, menés par l’émir Buṭā, s’étaient emparé de la ville et de la citadelle après s’être évadés de prison. Yalbughā al-Nāṣirī rallia Barqūq et la guerre contre Minṭāsh se poursuivit en Syrie et en Anatolie jusqu’à l’exécution de ce dernier en 1393.
« Exercice d’entraînement au combat », Les trésors où se trouvent réunies les diverses branches de l’art de Ibn akhī Khozām, Égypte ou Syrie, c.1500.

© Paris, BnF, ms. Arabe 2824, fol. 21v.
La fitna de Barqūq (1390).

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