Les réseaux des forteresses mamlukes en Syrie du Nord
p. 298-299
Texte intégral
1Les Mamluks repoussèrent l’armée mongole, menée par Kitbugha pour le compte de Hülegü, à la bataille de Ayn Jalut le 3 septembre 1260 ; cela constitua un coup d’arrêt à l’expansion mongole au Proche-Orient. En effet, excepté l’occupation temporaire d’une partie de la Syrie suite à la défaite de l’armée mamluke à Wādī Khāzindār en 1299, toutes les tentatives d’invasions des Ilkhanides échouèrent. Néanmoins, les Mongols étaient un vrai danger : à l’est régnait le petit-fils de Gengis Khan, l’ilkhan* Hülegü, et, au nord, les Mongols de la Horde d’Or.
Les campagnes mamlukes contre le royaume d’Arménie.

Les affrontements majeurs en Syrie entre Mamluks et Mongols.

2Ils disposaient d’effectifs militaires bien supérieurs en nombre à ceux des Mamluks et le sultanat adopta une position stratégique défensive : système de communication rapide et efficace (cf p. 294‑295), mobilisation de forces auxiliaires aux frontières et, surtout, réseau de forteresses allant du littoral méditerranéen à l’Euphrate. Au nord-est de la Syrie, les Mamluks rénovèrent les places fortes prises aux Mongols, que ceux-ci avaient conquises aux Ayyubides en 1259. Un programme d’envergure (reconstruction, renforcement, aménagement des structures et appareils défensifs, ainsi qu’installation de garnisons, de stocks de provisions, en passant par la création d’arsenaux militaires) fut entrepris par le sultan Baybars, puis poursuivi par ses successeurs tout au long de la seconde moitié du xiiie siècle.
3Principale ville fortifiée du district de Syrie du Nord, Alep était la tête de pont d’un réseau s’étendant sur la région, soit vingt-trois localités dont la majorité furent plus ou moins fortifiées. Ḥārim, Bakās, Shūghr, Quṣayr, Baghrāṣ, ʿAzāz, al-Rāwandān, al-Raṣāṣ, ʿAyntāb, al- Bāb disposaient des meilleures défenses. Ce réseau fut élargi et renforcé avec la conquête de plusieurs forteresses arméniennes commencée sous Baybars et poursuivie par ses successeurs. Après la bataille de Homs de 1281, Qalāwūn profita de la défaite des Mongols pour s’emparer de plusieurs places fortes situées à l’est de l’Euphrate. Son fils al-Ashraf Khalīl acquit Tall Ḥamdūn, Bahasnā, Darbasāk, Kaḥtā et Marʿash, cédées par le roi arménien en échange du maintien de la paix, et conquit Qalʿat al-Rūm le 28 juin 1292.
4Grâce à ce réseau de places fortes, la région d’Alep et le nord-est de la Syrie étaient quadrillés, rendant difficile toute tentative d’invasion. Au sud, il y avait un second réseau, de Damas à la forteresse de Shawbak en passant par Ṣubayba, ʿAjlūn et al-Karak. Enfin, sur l’Euphrate se situaient les plus puissantes forteresses mamlukes : Qaṣr Jaʿbar, Qalʿat Najm, al-Raḥba et al- Bīra, les deux dernières étant de véritables verrous interdisant l’accès à la Syrie par l’est et le nord-est, et, par conséquent, en première ligne face à toute avancée mongole. Leur principal objectif était de « résister au premier choc » : dans le cas d’une attaque qui serait venue du nord-est, il y avait deux lignes défensives en amont d’Alep. La première, une fois rénovée sous le sultan Muḥammad al-Nāṣir, s’étendait sur l’axe partant de Bahasnā jusqu’à al-Raḥba en passant par al-Bīra, Qalʿat al-Rūm, Qalʿat Najm et Qaṣr Jaʿbar. La seconde reliait Marʿash, ʿAyntāb, al-Raṣāṣ, ʿAzāz et al-Bāb.
5Suite à la conquête des places franques et arméniennes, de la seconde moitié du xiiie siècle au début du xive siècle, ce réseau de forteresses fut encore complété et élargi. En effet, alliés des Ilkhanides, les Arméniens participèrent activement à l’effort de guerre des Mongols contre le sultanat mamluk. La première expédition, lancée en 1266 par Baybars, de même que les suivantes, menées par ses successeurs, mit au jour l’incapacité des Arméniens à faire face, seuls, aux Mamluks, mais aussi celle des Mongols ilkhanides à protéger leurs vassaux. La fin officielle du conflit entre le sultanat et l’ilkhanat*, matérialisée par la paix signée en 1323, laissait les mains libres aux Mamluks pour attaquer un royaume d’Arménie, désormais sans protecteurs, et conquérir ses territoires. Outre les raids dévastateurs et la prise de forteresses, les Mamluks imposèrent au royaume arménien de lourds tributs*, l’asphyxiant ainsi financièrement. Enfin, les dissensions politico-religieuses internes au sein même du royaume d’Arménie entre un parti pro-latin et un autre pro-orthodoxe accélèrent la chute du royaume d’Arménie et son annexion totale par le sultanat en avril 1375.
La réorganisation interne du sultanat mamluk (après 1260).

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