La fin des États latins

Mehdi Berriah

p. 296-297


Texte intégral

1Encore présent dans la seconde moitié du xiiie siècle, l’esprit de la croisade laissait présager de nouvelles expéditions militaires lancées depuis l’Occident chrétien. En outre, les premières campagnes du sultan mamluk Baybars contre les États latins d’Orient à partir de 1261, qui s’intensifièrent dans les années 1263‑1264, amenèrent les Francs de Syrie à presser la papauté et les souverains d’Occident à intervenir militairement contre le sultanat.

2Dans ce contexte, la menace d’une nouvelle croisade visant l’Égypte et/ou la Syrie fut prise très au sérieux par les Mamluks. La politique agressive lancée par Baybars contre les États latins d’Orient fit que les Francs furent de moins en moins hostiles à l’idée d’un rapprochement avec les Mongols ilkhanides de Perse. Pour contrer la menace d’une attaque franco-mongole sur deux fronts, les Mamluks n’avaient pas d’autre alternative que de mettre hors d’état de nuire l’un des deux alliés. Dans cette situation, le choix était simple : s’attaquer à l’ennemi le plus faible en le neutralisant le plus rapidement possible, autrement dit mettre fin à la présence franque en Syrie.

« Quatre cavaliers », Manuel d’art équestre (Nihāyat al- Sū'l) d’al-Aqsara’i, Égypte, 1366.

© Dublin, Chester Beatty Library, ms. CBL Ar.5655, fol. 118.

3En à peine trente ans, les Mamluks conquirent l’ensemble des forteresses croisées, la plupart du temps par la force et, dans certains cas, en obtenant une reddition avant même une bataille que les Francs ne pensaient pas pouvoir gagner. Craignant que les places fortes franques du littoral ne soient réutilisées par de nouveaux croisés qui débarqueraient d’Occident, les sultans mamluks, de Baybars à al- Ashraf Khalīl, démantelèrent tout ouvrage défensif (fortification, citadelle, tour) pouvant être réinvesti et reconstruit. Seule Tripoli, prise et rasée en 1289, fut reconstruite quelques années plus tard non loin du site d’origine.

4Quant aux places fortes de l’intérieur des terres, exception faite d’Antioche qui fut rasée après sa conquête le samedi 18 mai 1268, elles furent conservées, rénovées et dotées d’une garnison, pour des raisons stratégiques. Il s’agissait de renforcer le contrôle des routes et du territoire face aux autres périls du temps, notamment le terrible danger mongol.

« Entraînement au tir à l’arc », Les trésors où se trouvent réunies les diverses branches de l’art de Ibn Akhī Khozām, Égypte ou Syrie, c.1500.

© Paris, BnF, ms. Arabe 2824, fol. 28.

« Et lorsque l’assiégeant remporte la victoire sur la place forte et la conquiert, alors les manières de procéder par la suite divergent selon les souverains : parmi eux, il y a celui qui détruit et démantèle la forteresse afin qu’elle ne constitue plus de refuge pour quiconque se retranche à l’intérieur. C’est pour cela que les souverains turcs [les Mamluks] ont détruit les villes du littoral de la Syrie comme Tyr, Acre, Ascalon et d’autres parmi les grandes villes, craignant que les Francs ne s’en emparent, se retranchent à l’intérieur et les fortifient. »
Muḥammad al-Rashīdī, Tafrīj al-kurūb fī tadbīr al-ḥurūb, p. 114-115. Trad. inédite : M. Berriah.

Les conquêtes des territoires latins par les Mamluks (1263‑1291).


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