Les routes de la soie
p. 288-289
Texte intégral
1À partir de la seconde moitié du xve siècle, l’économie des républiques de Florence et de Venise reposait en grande partie sur la confection et la vente de soieries. Cette industrie de luxe nécessitait l’importation d’importantes quantités de matière première, la soie brute, dont le pourtour sud de la mer Caspienne constituait un centre de production notable. Près de quarante pour cent des soieries produites à Florence à cette époque étaient, par exemple, confectionnées à partir de soie persane. Celle-ci pouvait provenir de différents lieux de production et présenter diverses qualités vantées ou dépréciées par les marchands dans leurs correspondances, et référencées dans le traité d’art de la soie rédigé à cette époque à Florence.
2Les marchands italiens n’allaient pas directement acheter la soie sur les lieux de production. Ce sont essentiellement des marchands azéris ou iraniens qui la conduisaient par le biais d’immenses caravanes débouchant sur d’importants marchés où s’approvisionnaient les agents des compagnies d’affaires, notamment Bursa pour les Florentins, Damas ou Alep pour les Vénitiens. Une fois achetée, la soie était reconditionnée pour le transport en écheveaux regroupés en un fardeau qui pesait en moyenne 85 kg et comprenait entre vingt et trente écheveaux. Le produit était protégé par plusieurs épaisseurs de toile parfois cirée et entouré de cordes.
3Si les Vénitiens chargeaient ensuite cette précieuse marchandise à bord des convois de galées (mude) remontant vers Venise, les itinéraires fréquentés par les Florentins étaient tout autres, étant donné que cet État était alors dépourvu d’un efficace système de navigation. L’acheminement était long et pouvait durer six mois. Il reposait en grande partie sur des marchands ragusains (de Raguse, l’actuelle Dubrovnik), maîtres des routes traversant les Balkans. Toujours escortée par des marchands florentins, la soie pouvait suivre deux itinéraires principaux, via Raguse ou Lecce. Étant donné les périls maritimes, liés à la fois aux guerres vénéto-ottomanes et aux fortes tensions entre Florence et Venise, il fallait minimiser les traversées maritimes.
4La politique du sultan ottoman Sélim Ier, qui accéda au pouvoir en 1512, marqua une rupture brutale dans ces itinéraires. En lutte contre les Safavides, il opéra un blocus commercial qui empêcha la soie de parvenir à Bursa, puis, à travers sa conquête du sultanat mamluk (1516‑1517), il bouleversa également les itinéraires débouchant en Syrie.
Giuseppe Arcimboldo, Traité de la culture et de la fabrication de la soie, Prague, c. 1586.

Crayon à encre bleue et pinceau, lavis bleu sur papier.
© Boston, Museum of Fine Arts, inv. 50.6.15.
Écheveau de soie rouge.

Longueur et poids approximatifs : 21 cm / 7,70 g. Écheveau de soie rouge (orsoio cramoisi) découvert en 2014 dans la couverture d’un registre de la compagnie de batteurs d’or Giugliano et Pier Francesco Da Gagliano. Composé de quatre écheveaux plus petits portant chacun une marque blanche, défaut de teinture et possible raison de leur mise en réserve. Produit entre le 1er juillet 1517, date écrite à l’intérieur de l’enveloppe, et l’année 1521 sur laquelle se ferme le registre.
© Scuola Normale Superiore di Pisa, Archivio Salviati, Serie IV/S. Lassalle.
Itinéraires de la soie persane, des lieux de productions aux ateliers florentins et vénitiens, fin xve-début xvie siècle (c. 1480‑1513).

Lettre Pera-Florence de Giovanni Maringhi à Niccolò Michelozzo, juin 1501.

« À Bursa on trouve continuellement 150 lots de soie stravai [d’Asterabad] et aussi de legi [de Lahijan] et de sari [de Sari] et on en attend bientôt d’autres ; et pour l’instant le prix n’a pas baissé, mais je suis sur une certaine piste d’en prendre quelques lots et d’y mettre ou tout ou partie des draps que j’ai de vous, de Neri, et de Giovanni Acciaiuoli à Bursa, et j’y mettrai peut-être quelques dettes et deniers de manière à ce que cela fasse une belle somme, et j’estime que cela ira comme ça. »
© HBS Medici Family Collection, Baker Library Special Collections, Harvard Business School, ms. 547, fol. 75v.
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