Le commerce sous la paix mongole (c. 1260 - c. 1360)
p. 268-269
Texte intégral
1À partir des années 1260, la répartition des territoires de l’Empire mongol entre les descendants de Gengis Khan prit une forme quasi définitive. Malgré la persistance de conflits internes, les khans* instaurèrent des politiques économiques communes, permettant aux échanges de s’intensifier et provoquant un essor inédit du commerce de longue distance. Les Mongols ne firent pas table rase des organisations existantes mais forcèrent les autorités locales à s’ouvrir à de plus grands réseaux et créèrent de nouveaux itinéraires qui plaçaient les steppes au cœur des échanges. Ils établirent leurs capitales impériales dans des régions propices au pastoralisme nomade qu’ils transformèrent en centres économiques. Ils modifièrent non seulement les circulations mais aussi les manières de commercer. Les khans attiraient les marchands à leur cour en leur offrant des avantages, comme le remboursement du coût du fret. Ils développèrent aussi le statut d’ortaq (marchand partenaire) en s’inspirant d’une ancienne institution centre-asiatique. Les ortaq-s n’étaient pas choisis en fonction de critères ethniques ou religieux mais pour leur loyauté et leur habileté à faire fructifier les capitaux des élites mongoles. Les khans faisaient prélever une taxe sur toutes les transactions à un taux très faible de trois pour cent sur les ventes, pour ne pas freiner la circulation des produits. Les marchandises les plus prisées – blé, sel, poisson, cire, cuir, fourrures, coton, soie, métaux lourds et précieux, pièces d’armement, produits tinctoriaux, épices, céramiques mais aussi esclaves – circulaient déjà en Eurasie avant les conquêtes mongoles, mais à bien moindre échelle. Par ailleurs, les relations étroites entre les souverains mongols de Chine et d’Iran encouragèrent la culture de nouveaux produits dans ces régions ; de nouvelles variétés de riz importées de Chine furent cultivées en Iran, tandis qu’en Chine les Mongols rendaient populaires carottes, haricots, citrons et pastèques d’Iran. Enfin, la politique économique mongole permit le désenclavement des régions périphériques d’Eurasie, comme les principautés russes et les républiques maritimes italiennes, qui purent accéder aux circuits du commerce de longue distance et pénétrer des marchés qui étaient jusqu’alors dominés par des réseaux musulmans.
Paiza en argent au nom du khan Jochide ʿAbdallāh (c. 1362‑1369).

Laissez-passer porté par les ortaqs, marchands officiels des Mongols, donnant droit d’accès au réseau des transports impérial (yam) et à une protection armée durant les voyages.
© Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, n° inv. : ZO-295.
À celui qui s’apprête à traverser les terres de l’Empire mongol, voici le conseil du marchand et banquier Francesco Pegolotti travaillant pour la compagnie florentine des Bardi (c. 1335) :
« Tout d’abord, vous devrez vous laisser pousser une longue barbe et ne pas vous raser. À Tana, vous devez vous assurer les services d’un drogman (traducteur), et vous ne devrez pas essayer d’économiser de l’argent pour ce qui est de celui-ci en en engageant un mauvais au lieu d’un bon. Car les gages supplémentaires du bon vous coûteront moins que ce que vous économiserez en l’employant. Outre le drogman, il sera avisé d’engager au moins deux bons serviteurs mâles connaissant l’idiome cumanien (le turc qipchaq). […] Pour parcourir le chemin de Tana à Gittarchan (Hajji Tarkhan), il vous faudra vous munir de provisions pour vingt-cinq jours, à savoir farine et poisson séché, car pour ce qui est de la viande, vous en trouverez en suffisance partout le long de la route. […] La route de Tana au Cathay (la Chine) est parfaitement sûre, que ce soit de jour ou de nuit, selon ce qu’en disent les marchands qui l’ont empruntée. »
F. Pegolotti, La pratica della mercatura, dans M. Jan, 1992, p. 97.
Principales routes du commerce sous les Mongols (c. 1300).

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