L’Égypte, un pôle commercial entre Méditerranée et océan Indien
p. 266-267
Texte intégral
1Au ixe siècle, Ibn Khurradādhbih évoquait les marchands Radanites qui, en provenance de l’océan Indien et poursuivant leur route vers l’Europe, transitaient par le port égyptien de Qulzum après avoir traversé la mer Rouge. Il témoigne du rôle précoce de l’Égypte dans le commerce entre l’océan Indien et la Méditerranée.
2Ce statut se renforça lorsque ce pays devint le siège du califat fatimide en 973 (cf p. 76‑77). Le prestige des produits orientaux constituait un atout pour ceux qui maîtrisaient les flux de ces marchandises dont une partie était consommée sur place tandis que le reste était exporté vers l’Europe. Les lettres de la Geniza* témoignent que des produits arrivant de la Méditerranée centrale, notamment de Sicile, transitaient, via Alexandrie, Fustat et ʿAydhāb, vers Aden et l’Inde. Au cours du xie siècle, les Européens comprirent l’intérêt d’exporter vers l’Égypte les produits stratégiques (bois, fer, armes…) afin d’acquérir en retour les marchandises en provenance d’Asie qu’ils pouvaient revendre avec de forts bénéfices dans une Europe en pleine croissance.
3Les Fatimides (969‑1171) développèrent un système complexe de mesures afin de renforcer le rôle de l’Égypte dans le commerce de transit. Si Alexandrie tenait la première place comme port égyptien en Méditerranée, en mer Rouge les choses furent changeantes. Jusqu’au milieu du xie siècle, ce rôle fut dévolu à Qulzum qui perdit ce statut au profit de ʿAydhāb, bien plus au sud, mais dont l’accès était plus rapide et plus sûr pour les navires en provenance d’Aden. Grâce à des accords passés avec les tribus nubiennes locales, ʿAydhāb bénéficia aussi de liaisons terrestres facilitées avec les ports du Nil comme Assouan puis Qūṣ, aisément accessibles, par le Nil, depuis Le Caire.
4Au xiiie siècle, l’insécurité renforcée des routes terrestres de Haute-Égypte provoqua le début du déclin de ʿAydhāb au profit de Quṣayr ou d’al-Ṭūr. En dépit de ces changements, les accords avec les autorités yéménites, notamment d’Aden, véritable verrou de la navigation entre océan Indien et mer Rouge, demeurèrent toujours parmi les préoccupations principales des autorités égyptiennes.
Lettre de la Geniza sur le trafic le long du Nil.

« Je ne peux pas te raconter ce qui m’est arrivé après t’avoir quitté. On m’a ramené d’al-Maqs avec cinq soldats […] Tout ceci à cause de l’histoire dont je t’ai parlée, c’est-à-dire du barqalū de gomme arabique appartenant à Ibn Sha‘yā. Il avait conclu un arrangement avec les autorités douanières quant au paiement de vingt qīrāts et un quart, et il me restait à payer trois qīrāts au caissier (jahbadh). […] Comme tu le sais, j’étais en train de régler les derniers détails de mon voyage pour le dimanche et l’inspecteur Ḥasan vint à la ṣinā‘a car il avait été informé de mon départ. [Ne me voyant pas] il dépêcha cinq hommes pour m’interpeller. Je fus gagné par une indescriptible peur. Dieu me permit de me tirer des pattes de cet individu et je dus louer un moyen de transport jusqu’à al- Maqs. »
© Cambridge, Bibliothèque universitaire, fond Taylor-Schechter Lettre TS10 J9, fol. 21.
L’Égypte, un pôle commercial entre Méditerranée et océan Indien à l’époque fatimide, xe-xiie siècle.

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