Les ports musulmans de l’océan Indien
p. 258-259
Texte intégral
1Entre le xe et le xiie siècle, l’océan Indien devint un espace maritime majeur et ses diverses façades portuaires, en Inde, en Afrique ou sur la péninsule Arabique, connurent une croissance notable. Les marchands originaires de Siraf (les Sirafis*), en Iran, jouèrent un rôle majeur dans cet essor.
2À partir du xe siècle, sur la rive africaine du golfe d’Aden, émergèrent des ports tels Zaylaʿ, au débouché de routes terrestres arrivant de l’intérieur de l’Abyssinie ou, dans une moindre mesure, Berbera, alors considéré comme moins accessible. Le trafic des esclaves constituait une de leurs principales activités, même si certaines marchandises telles que les peaux d’animaux, l’ivoire ou les étoffes de laine y sont signalées. Plus au sud de la corne de l’Afrique, les ports du littoral de l’actuel Kenya, de la Tanzanie et du Mozambique apparurent aussi sur la scène maritime et virent rapidement leurs activités s’intensifier, tant à l’importation qu’à l’exportation. Les sources signalent en effet le développement de ports de plus en plus actifs, tels ceux de Shanga et Kilwa, spécialisés dans l’exportation de l’ivoire ou du cristal de roche. Des communautés musulmanes s’y installèrent vers le xe siècle et contribuèrent au renforcement des liens commerciaux avec le monde islamique.
3Sur la côte sud de la péninsule Arabique, la position stratégique du port d’Aden lui conféra un rôle majeur durant toute la période médiévale. La lutte pour son contrôle, tant au xie siècle que plus tard sous les Mamluks, fut souvent âpre. Véritable verrou de la mer Rouge, Aden constituait une étape obligatoire pour tous les marchands actifs entre l’Inde et l’Égypte. Plus à l’est sur la côte yéménite, des ports comme al-Shiḥr ou Sharma jouèrent un rôle moins connu, mais néanmoins important au regard du matériel archéologique très divers qui y fut retrouvé et attestant des importations indiennes mais aussi chinoises et africaines.
4Enfin, sur les côtes indiennes, l’importance du trafic avec le monde islamique provoqua une multiplication des villes portuaires. Au débouché de l’Indus, Daybul devint un port dont le trafic s’intensifia au xe siècle, en lien avec le développement d’une route continentale vers la Chine et à travers le Tibet, le long de laquelle les marchands ismaéliens* liés à l’Égypte semblent alors actifs. Au Gujarat, c’est le doublon Cambay-Gandhar qui centralisait peut-être le plus le trafic. Plus au sud, sur la côte de Malabar, des ports comme Fākanur, Mangalore ou Quilon devinrent de plus en plus actifs. Au xiie siècle, des marchands originaires du monde fatimide y sont signalés à la recherche des étoffes indiennes, mais surtout des épices exportées massivement vers le monde islamique. L’intensité du trafic permit l’émergence d’une catégorie de marchands-armateurs : les nākhudā, parmi lesquels les Sirafis mais aussi les Indiens semblent bien représentés, et dont les navires voguaient vers Aden, l’Afrique de l’Est et l’Égypte.
Vue d’Aden au xvie siècle.

© G. Braun, F. Hogenberg, Civitates orbis terrarum, Anvers-Cologne, c. 1572.
Aden à l’époque ayyubide
« [Le gouverneur] Ibn al-Zanjabīlī édifia l’antique marché couvert, les marchés, les boutiques et les maisons en pierres et Aden retourna à son époque [à son ancienne prospérité]. […] Il plaça [dans l’enceinte] sept portes ; la porte de l’arsenal, la porte al-Ḥawma, la porte al-Sikka, […] la porte de l’Octroi, par où entrent et sortent les marchandises, la porte Mashrif, qui est sans arrêt ouverte à l’entrée et à la sortie, la porte Ḥayq, qui ne cesse d’être fermée et la porte de l’intérieur (Bāb al-Barr). […] Il construisit l’enceinte en pierres et en [plâtre de] gypse, ainsi que l’hôtel des douanes, dans lequel il plaça deux portes. »
Ibn Mujāwir, Ta’rīkh al-mustabṣir (c. 1228‑1229). Trad. : G. Ducatez, p. 192‑193.
Les ports de l’océan Indien à la fin du xie siècle.

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