La « littoralisation » de l’espace islamique
p. 254-255
Texte intégral
1Les premières capitales fondées par les pouvoirs musulmans (cf p. 110-111 et 112-113) furent localisées à l’intérieur des terres et non plus sur le littoral comme cela avait été le cas auparavant, au moins en Méditerranée. Les raisons en étaient à la fois une volonté de se protéger contre d’éventuels dangers venus de la mer et une réorientation des réseaux d’échanges de direction est-ouest, qui se satisfaisaient des circulations terrestres. À partir du xe siècle cependant, on assiste à une réorientation de ces réseaux, en lien avec des circulations maritimes de plus en plus intenses, aussi bien en Méditerranée que dans l’océan Indien, qu’accompagne le développement des villes portuaires dont certaines devinrent alors des capitales politiques.
Port fatimide de Mahdia, Tunisie.

© D. Valérian, 2013.
La translation des espaces économiques maghrébins vers le littoral (ixe-xiie siècle).

2Au Maghreb comme en al-Andalus le conflit entre les Omeyyades et les Fatimides s’est traduit par une intégration plus forte des littoraux aux régions intérieures, qui avaient jusque-là abrité les capitales politiques.
3L’animation de la navigation sous l’impulsion des marins musulmans, depuis au moins le ixe siècle, puis, à partir du xie siècle, l’essor des relations avec l’Europe latine, firent des ports des villes prospères et puissantes, capables de polariser des flux commerciaux inter-régionaux et méditerranéens et de générer des ressources fiscales régulières. La fondation de Mahdia par les Fatimides en 912, en remplacement de Kairouan, consacra cette translation des centres de gravité politiques et économiques vers la mer. Par la suite, si certaines capitales (Marrakech, Fès, voire Tlemcen) restèrent à l’écart de la Méditerranée, nombre de ports, comme Tunis, Bougie, Alger ou Ceuta, devinrent des centres majeurs de la vie politique et économique du Maghreb.
4D. V.
5La construction étatique entreprise par les Fatimides à partir de 969, et renforcée par les Ayyubides puis les Mamluks, rendit à l’Égypte le rôle économique international dont elle jouissait dans l’Antiquité.
6À l’unité politique répondait alors l’unité territoriale. Entre le xie et le milieu du xive siècle, marchandises, hommes et idéologies, cheminant le long de la vallée du Nil, connectaient la mer Rouge et la mer Méditerranée, de ʿAydhab, Qūṣ et Assouan jusqu’au Caire et à Alexandrie.
7Toutefois, la peste noire (cf p. 264‑265) qui frappa l’Égypte à partir du milieu du xive siècle et l’affaiblissement économique et politique du sultanat mamluk qui en résulta distendirent les liens entre la Haute et la Basse Égypte. Les espaces d’échanges se réorganisèrent alors autour de la Méditerranée, le long d’un « croissant utile » d’Alexandrie à Tripoli jusqu’à Alep en Syrie, tandis que la route commerciale venant du sud, se détournant de la Haute Égypte, aboutissait désormais au Caire via les pistes caravanières du Hedjaz et les mouillages du Sinaï.
8M. E.
Fondation de Mahdia
« Al-Raqīq a dit dans son livre : ῝En l’an 300/912-913, ‘Ubayd Allāh
al-Mahdī se rendit en personne à Tunis, puis il visita Carthage et d’autres lieux, et longea la totalité de la côte, recherchant sur le littoral un site qui le rendrait, lui et ses descendants, invulnérables […]. Il chercha pendant longtemps, et ne trouva pas d’emplacement meilleur ni mieux défendu que [ce qui est aujourd’hui] Mahdia. Il y construisit donc la ville et en fit sa capitale. […] Le Mahdī ordonna le creusement du port de Mahdia […] et le rendit sûr pour les navires de guerre […] et fit construire l’arsenal, qui est une des merveilles du monde῎. »
al-Tijānī, Riḥla, p. 320‑323. Trad. inédite : D. Valérian.
La « méditerranéisation » de l’espace égyptien.

D’après J.-C. Garcin, « Pour un recours à l’histoire de l’espace vécu dans l’étude de l’Égypte arabe » 1980, p. 436‑451.

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