Zāwiya-s urbaines d’Anatolie et leurs dotations rurales à Tokat
p. 244-245
Texte intégral
1Entre le xiiie et la fin du xive siècle, onze zāwiya-s* furent édifiées à Tokat, ville secondaire à l’échelle de l’Anatolie mais au dynamisme économique certain. Facteurs importants du développement urbain, ces zāwiya-s étaient également, par le système du waqf* (cf p. 130‑131), des acteurs économiques centraux de la ville et de ses environs. En effet, de nombreuses ressources, foncières et immobilières, étaient léguées à ces institutions pieuses pour veiller tant à l’entretien des édifices qu’au financement des communautés soufies* qui les habitaient et de leurs nombreuses activités (hébergement des voyageurs, distribution de repas aux pauvres, etc.). Ces legs sont détaillés dans des chartes de fondation (waqfiyya). Certains extraits sont parfois écrits directement sur le monument, comme c’est le cas de l’inscription de fondation de la zāwiya érigée par Lūlū ibn ʿAbdallāh à Ṭāzya en 1375‑1376. Quant aux ressources foncières, il s’agit le plus souvent de villages entiers avec leurs terres arables mais aussi les moulins, pressoirs et tout type de structure générant des revenus.
2Dans le cas de Tokat, six waqfiyya-s nous sont parvenues, soit dans leur forme originelle soit grâce aux copies établies plus tardivement par l’administration ottomane. L’étude de ces documents et des listes de toponymes* qu’ils mentionnent permet de dresser une cartographie des villages participant au financement des waqf-s de zāwiya-s. Cette cartographie met en évidence une répartition des ressources dans les environs directs de Tokat et plus précisément dans deux plaines : celle de Qāz Ābād (act. Kazova), au nord- ouest de la ville, et celle d’Artūq Ābād (act. Artova), au sud. L’exemple de la waqfiyya établie pour la zāwiya d’Akhī Pāshā en 1364 illustre bien cette répartition.
3La concentration des ressources, transformées en waqf au profit des zāwiya-s de Tokat, met en lumière les frontières de l’arrière-pays en lien direct avec la ville. En effet, très peu de villages mentionnés se trouvaient au-delà des ces deux plaines. Les importantes ressources agricoles des plaines de la région de Zile, plus à l’ouest, étaient captées par des institutions soufies locales, majoritairement rurales. À l’inverse, les districts de Qāz Ābād et d’Artūq Ābād étaient comparativement vides de zāwiya-s rurales, sans doute en raison de la captation des ressources directement par Tokat, principal pôle urbain de la région.
Inscription de fondation de la zāwiya Lūlū ibn ʿAbdallāh, Ṭāzya (act. Gümüştop), 1375‑1376.

L’inscription de fondation : La fondation de cette zāwiya bénie a eu lieu une première fois du temps du sultan ‘Alī ibn Muḥammad ibn Eretnā, que son pouvoir dure éternellement. Elle a été refaite à neuf une deuxième fois, du temps du pouvoir du sultan Burhān al-dawla wa’l-dīn – que son règne s’éternise – par le faible serviteur al-Ḥājj Lūlū ibn ‘Abdallāh. Il l’a constituée en waqf en faveur des savants et des pauvres musulmans en général. Il a constitué en waqf pour son entretien la totalité des villages appelés Ṭāzya et Kābnūs et Aghajah Khān et Arslan Ṭoghmush et ses dépendances et la totalité des quatre vignes. Il a également constitué en waqf la totalité de la vigne Timūr Yūsuf, pour l’entretien de la source courante – que Dieu l’accepte de lui – en l’année 777. [Traduction de M. Durocher].
© M. Durocher, 2015.
« Outre le hammam Muṣṭafā et plusieurs boutiques du Sūq al-bazārīn wa’l-baqqālīn dans la ville de Tokat, les ressources foncières suivantes furent transformées en waqf au profit de la zāwiya fondée par Muḥammad Muḥyī al- Dīn Akhī Pāshā : les villages et hameaux de Kiryās, Kīsre, Bustān Obası, Ūlū Obası, Būzīkī, Avāre, Ṣalūr-i Saghīr, Ḥaqjīq, Altūn Ṭāsh et Ḥūrūn du nāḥiye (district) de Qāz Ābād ; ainsi que les villages de Akdīr, Qushjī, Akhūrjuq Boğazı et Kemkiz du nāḥiye d’Artūq Ābād. »
Dotation de la zāwiya Akhī Pāshā (1364), Archives de la Direction Générales des Waqfs, Ankara (n° inv. : VGMA 582/1.20.11). Trad. inédite : M. Durocher.
Les revenus fonciers des zāwiya-s de Tokat aux xiiie et xive siècles.

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