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L’emprise du waqf de la mosquée des Omeyyades dans la Ghouta de Damas
p. 242-243
Texte intégral
1Au cours de la période médiévale, la ville de Damas ne pouvait se concevoir sans la vaste et dense plaine fertile qui la ceinturait, la Ghouta, dont les cultures satisfaisaient une grande partie des besoins alimentaires de sa population. Bordée au nord par le Mont Qāsiyūn, au pied duquel elle s’étirait, la Ghouta était traversée d’ouest en est par la rivière Barada, – cours d’eau pérenne à partir duquel six canaux principaux et une multitude de dérivations secondaires avaient été aménagés et entretenus –, qui irriguait abondamment des terres agricoles où cultures maraîchères, fruitières et céréalières se côtoyaient.
2Les produits agricoles de la Ghouta étaient rassemblés en ville dans la Maison de la Pastèque et des Fruits (Dār al-biṭṭīkh wa-l-fākiha), la halle centrale où les taxes étaient perçues par les inspecteurs du Dīwān, avant d’être vendus sur les différents marchés de Damas. Les cultivateurs, contraints de payer la taxe sur leur production avant même d’entrer dans la cité, ne pouvaient vendre leurs marchandises dans un autre marché que celui que les autorités leur avaient attribué.
3Une grande partie des terres agricoles de la Ghouta appartenaient à des citadins et pouvaient avoir le statut juridique de propriétés privées (sing. milk) ou bien être constituées en waqf* (cf p. 130‑131) au bénéfice, soit de leurs détenteurs et de leurs descendants, soit d’institutions pieuses, très nombreuses à Damas.
4Un inventaire, dressé en 1413 à la demande du gouverneur de la ville et attesté et enregistré par le cadi chafiite*, nous révèle l’étendue du patrimoine foncier de la mosquée des Omeyyades, la plus importante institution religieuse de la ville. Ce ne sont ainsi pas moins de 174 biens ruraux qui furent constitués en waqf à son profit, dont 162 dans la seule Ghouta ou, plus rarement, en bordure du Marj, la prairie non irriguée qui la séparait de la steppe. La moitié de ces biens était constituée de vergers et de jardins redevables de l’impôt foncier (kharāj) disséminés et plus ou moins concentrés sur les terres des principaux villages de l’arrière-pays rural de Damas. La mosquée des Omeyyades contribuait ainsi à générer d’importants flux économiques des campagnes vers la ville.
Coupole du Trésor, cour de la mosquée des Omeyyades à Damas.

© É. Vigouroux, 2008.
« Dans cette cour [de la mosquée des Omeyyades] il existe trois coupoles, l’une à son couchant, qui est la plus grande, nommée la coupole de Aïcha (la mère des croyants). Elle est supportée par huit colonnes en marbre ornées de petits carreaux et de peintures diverses, et elle est recouverte en plomb. On dit que les trésors de la mosquée y sont déposés et l’on m’a raconté que le produit des champs ensemencés de la mosquée et de ses revenus est d’environ vingt-cinq milles dinars d’or par an. »
Ibn Baṭṭūṭa, Voyages, I, p. 201 (visite Damas vers 1330).
Les rapports économiques entre ville et campagne.

Le waqf de la mosquée des Omeyyades de Damas.

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