Implantation des artisanats polluants
Le cas des tanneries
p. 238-239
Texte intégral
1Au cours de la période médiévale, nombreuses furent les villes du monde musulman à développer un artisanat de qualité, notamment la poterie, le travail du verre, des métaux, la fabrication, le tissage et la teinture d’étoffes ou la transformation des peaux. Certaines, pratiquées à grande échelle, pouvaient générer des nuisances variées, qu’il s’agisse de bruits répétés, de fumées, de pollution des eaux ou d’émanations gênantes pour les habitants. Par exemple, la présence de tanneries nécessitant de grandes quantités d’eau, de l’espace, et étant à l’origine d’effluves désagréables, put avoir des conséquences sur l’implantation des populations dans et hors la ville.
2À Damas, cette activité était installée, au moins à partir du xiie siècle, à l’extérieur de l’enceinte, logiquement le long d’un bras de la rivière Barada et y est demeurée jusqu’au xxe siècle. Les quartiers orientaux de la ville (Bāb Tūmā, Bāb al-Sharqī) abritaient une grande partie des minorités religieuses et c’est également de ce côté que se trouvaient d’importants ateliers de potiers à l’époque mamluke, mais aussi la léproserie et certains cimetières. Damas s’est donc étendue vers l’ouest et vers le sud du fait de la présence de ces infrastructures.
3À Fès, la mégisserie était une activité phare et considérée comme noble, les bassins et les ateliers étaient installés au cœur même de la médina, près de la rivière, zone qu’ils occupent encore aujourd’hui.
4Toutefois, cette pérennité ne concerne pas l’ensemble des tanneries urbaines du monde musulman. Au Caire, elles se trouvaient au sud de Bāb Zuwayla, avant d’être déplacées, au xviie siècle, à plus d’un kilomètre à l’ouest, près du Nil. Un tel phénomène est aussi observable à Tunis et à Alep. Dans le cas de cette dernière, les tanneries étaient implantées à l’intérieur de l’enceinte près du quartier abritant une partie des minorités religieuses (Bāb al-Faraj), avant d’être installées au xvie siècle à l’extérieur de Bāb Antakya, au-delà de la rivière Quwayq. Ces différents exemples montrent qu’il n’existait pas de modèle type d’implantation des tanneries, l’accès à l’eau étant le critère essentiel, et que les infrastructures purent être déplacées à la faveur de la croissance des villes.
Tannerie du Caire.

© B. Gimeno Ribelles, 2008.
Tannerie de Fès.

© Vision of Domino, 2016.
Implantation des tanneries dans les villes d’Alep, Damas, Le Caire et Fès aux xve et xvie siècles.

[d’après N. Élisséeff, 1956 et A. Raymond, 1990]
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