Les madrasas à Konya
p. 202-203
Texte intégral
1Centre du pouvoir des Seljukides de Rūm, Konya (antique Iconium) s’est développée autour d’une colline artificielle où furent construits une grande mosquée ainsi qu’un palais, au xiie siècle. Bien que les sultans seljukides aient soutenu le développement de la ville durant les premières décennies du xiiie siècle (l’enceinte extérieure fut par exemple construite en 1220-1221 par ʿAlā al- Dīn Kayqubād Ier), le patronage princier n’a que peu concerné les établissements de transmission du savoir.
2Les principales madrasas* de Konya, situées à l’intérieur de l’enceinte et pour les plus importantes à proximité directe du tell* central, ne furent fondées qu’à partir des années 1230 et, plus encore, après la conquête mongole de l’Anatolie en 1243. Ces madrasas sont particulièrement dues à de nouveaux patrons, membres de l’élite politique et militaire, qui profitèrent du vide laissé par la disparition du mécénat princier après la mise sous tutelle du sultanat seljukide de Rūm. Un phénomène similaire de multiplication des madrasas durant la seconde moitié du xiiie siècle est également remarquable dans d’autres villes anatoliennes comme à Sivas ou Erzurum. Outre les questions de patronage, ce développement des madrasas répondit également sans doute à l’arrivée nouvelle de savants et juristes en Anatolie.
La madrasa Ince Minare de Konya, c. 1265.

© G. Berggren, c. 1870.
3À Konya, les principaux acteurs de la politique anatolienne s’illustrèrent donc dans la construction de madrasas. C’est le cas par exemple de l’émir* Jalāl al-Dīn Qaraṭay (n° 9) et de son frère (n° 8), tous deux d’origine servile. Au service de deux sultans, Kayqubād Ier (r. 1219-1237) puis Kaykhusraw II (r. 1237-1246), Jalāl al-Dīn Qaraṭay assura par la suite la régence jusqu’en 1254. Une autre figure majeure du patronage à Konya est celle de l’émir Fakhr al-Dīn ʿAlī dit Ṣāḥib ʿAṭā (n° 11), vizir entre 1258 et 1272, qui fit également construire une importante madrasa* à Sivas (Gök Medrese, 1271-1272).
4Ces mécènes ont également financé la construction de sanctuaires soufis*, souvent à l’extérieur de la ville. C’est le cas par exemple de Ṣāḥib ʿAṭā qui fit ériger un complexe incluant une mosquée et une khānqāh* au sud de la ville (n° 3). Ce double patronage des madrasas et des loges soufies illustre les étroites relations entre soufis et ulémas* anatoliens. Aflākī (m. 1360), hagiographe du fondateur des derviches tourneurs, Jalāl al-Dīn Rūmī (m. 1273), relate les visites du saint à la madrasa fondée par Qaraṭay.
5Malheureusement toutefois, l’histoire des cercles d’ulémas en Anatolie médiévale reste méconnue car aucun dictionnaire biographique (ṭabaqāt) ne nous est parvenu. Les vestiges matériels, notamment les inscriptions, sont donc particulièrement précieux pour retracer l’histoire des communautés savantes. L’inscription de fondation de la madrasa Sirçalı (n° 5) précise par exemple que cet établissement fut fondé au bénéfice des hanéfites*, école juridique majoritaire dans la région.
Inscription de fondation sur le portail de la madrasa Sırçalı, construite en 1243
« Al-Sulṭānī. L’ordre a été donné de construire cette madrasa bénie durant le règne du sultan magnifié, l’ombre de Dieu sur le monde, Ghiyāth al-Dunyā wa’l-Dīn, la grandeur de l’islam et des musulmans, le père de la conquête, Kaykhusraw b. Kayqubād, l’associé du commandeur des croyants, par le pauvre implorant la grâce de son maître, Badr al-Dīn Muṣliḥ, que Dieu étende sa prospérité ; il mit en waqf* [cette madrasa] pour les juristes et les étudiants parmi les disciples de Abū Ḥanīfa al-Nu‘mān, que Dieu lui agrée [cette fondation], en l’année 640. »
TEI 2668. Trad. Inédite : M. Durocher.
Les madrasas à Konya au xiiie siècle.

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