Les madrasas à Bagdad
p. 200-201
Texte intégral
1Dans les années 1060, de hauts fonctionnaires seljukides introduisirent à Bagdad une institution d’origine orientale : la madrasa*. Ces établissements dévolus à l’enseignement du droit musulman, le fiqh*, introduisaient une nouveauté radicale : la rémunération d’un enseignant, et parfois des bourses offrant logement et nourriture aux étudiants. La transmission du savoir juridique devint ainsi une activité salariée, offrant une perspective de carrière à des savants qui, jusque-là, devaient exercer un métier à côté de leur rôle d’enseignant. Chaque madrasa, cependant, était consacrée à une unique école juridique (madhhab*), et ne proposait qu’un seul poste, engendrant une compétition féroce parmi les juristes bagdadiens, et attirant même des savants concurrençant les élites locales. Outre le droit, dans certaines madrasas, on enseignait les sciences coraniques, les traditions prophétiques (hadith*), et, plus rarement, la langue, la littérature et la poésie arabes. Des séances de prédication populaire (waʿẓ) s’y tenaient également.
2En deux siècles, une trentaine de madrasas furent édifiées à Bagdad, par l’entourage seljukide et abbasside (hauts fonctionnaires, princesses, califes et sultans) puis par des civils bagdadiens. Les deux premières furent la Niẓāmiyya, chafiite*, construite par Niẓām al-Mulk (m. 1092), vizir des Seljukides, et la Tājiyya, hanéfite*, fondée par Tāj al-Mulk (m. 1092), le responsable des finances sultaniennes. De nombreuses fondations suivirent, presque toutes situées sur la rive orientale, à proximité des quartiers califaux. En 1227, le calife abbasside al-Mustanṣir innova en fondant en bordure du Tigre une madrasa ouverte aux quatre principales écoles du droit sunnite* : la madrasa Mustanṣiriyya est aujourd’hui l’un des plus beaux édifices abbassides conservés à Bagdad.
3La fondation d’une madrasa (comme de toute autre institution d’utilité publique, ribat*, hôpital ou mosquée) impliquait la dévolution de revenus destinés à son fonctionnement, sous la forme d’un waqf* (cf p. 130- 131). Elle s’accompagnait donc de la construction d’infrastructures destinées à alimenter financièrement le waqf : logements, marchés, boutiques ou bains. La fondation de nombreuses madrasas et ribats à Bagdad aux xie-xiiie siècle (cf p. 194-195) atteste donc le véritable dynamisme urbain de cette période.
Cour de la madrasa Mustanṣiriyya à Bagdad, xiiie siècle.

© V. Van Renterghem, 2003.
L’inauguration de la madrasa Niẓāmiyya à Bagdad en 1070
« Le 10 dhū l-qaʿda 459 [22 septembre 1067] : Abū Saʿd le cadi, gouverneur de la ville, rassembla les gens selon leur rang [pour inaugurer] la madrasa Niẓāmiyya, que [le vizir] Niẓām al-mulk avait fondée à Bagdad pour les juristes chafiites. Elle fut confiée à Abū Isḥāq al-Shīrāzī, qui en avait accepté la charge. […] Les étudiants en droit s’y voyaient octroyer chacun 4 raṭl de pain par jour.
Le lundi 26 jumādā 2 462 [11 avril 1070] : L’émir* Abū Naṣr, gouverneur de la ville, rassembla les notables […] à la madrasa [Niẓāmiyya]. On lut [publiquement] son acte de fondation : des livres y avaient été placés en waqf, ainsi que des villages, des propriétés et un souk qui avait été construit expressément. »
Ibn al-Jawzī (m. 1201), Chronique bien ordonnée, p. 91, 102, 117 (extraits). Trad. inédite : V. Van Renterghem.
Les madrasas à Bagdad au xiie siècle.

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