Genèse et développement des madrasas
p. 198-199
Texte intégral
1La genèse des madrasas*, littéralement « le lieu où l’on enseigne », fait l’objet de nombreux débats parmi les historiens. Si la figure du vizir seljukide Niẓām al-Mulk (m. 1092) a été centrale pour la « naissance » de cette nouvelle institution, les premières mentions d’édifices dédiés à la transmission du savoir et dénommés madrasa-s* en arabe remontent au xe siècle et confirment une origine khorasanienne. La seconde moitié du xie siècle reste néanmoins une période charnière pour la diffusion de cette nouvelle institution. Fondées par le célèbre vizir, dont elles portent le nom, les Niẓāmiyya furent construites en Iraq (notamment à Bagdad en 1067) mais aussi dans les provinces orientales comme à Merv, Nichapur, Balkh ou Herat, pour y promouvoir et défendre l’islam sunnite*. Le succès des madrasas ne fut pas démenti avec le déclin de l’empire seljukide et la diffusion de cette institution s’accéléra à partir du xiie siècle, notamment en Syrie (à Damas dès 1098) ou en Anatolie. En Égypte, mettant fin à deux siècles de domination chiite* sous les Fatimides (969-1171), Saladin (r. 1171-1193), fondateur de la dynastie ayyubide et champion du sunnisme, construisit tout un réseau de madrasas dans la capitale et en province. Ses successeurs renforcèrent le courant sunnite par la construction de nombreuses madrasas en Égypte, mais également au Hedjaz et au Yémen. Au xiiie siècle, il n’est pas une région du monde islamique, du Maghreb à l’Inde, qui n’ait vu la multiplication de ces nouvelles institutions.
Madrasa al-Nūrīya al-Kubrā à Damas (1167).

D’après E. Herzfeld, Damascus : studies in Architecture I, p. 42.
2Les travaux récents tendent toutefois à nuancer le rôle des madrasas dans la transformation des structures mêmes de l’enseignement. En effet, dès le ixe siècle, les cercles d’enseignement (majlis), constitués autour d’un maître et assurant la formation des ulémas* et des fuqahā’* (spécialistes du droit musulman), se multiplièrent dans des lieux divers (mosquées, palais, demeures privées). Cette organisation de la transmission du savoir fut confortée par les madrasas où, le plus souvent, un seul maître (mudarris) officiait. Le développement d’institutions spécialisées modifia toutefois la place de l’enseignement dans la société en assurant des conditions matérielles pérennes de l’enseignement (rétribution des enseignants, hébergement des étudiants, acquisition d’ouvrages etc.) par le biais du waqf* (cf p. 130-131). La diffusion des madrasas transforma aussi les paysages urbains – les structures de l’enseignement en contexte rural sont encore largement méconnues. Bien que le plan des madrasas à un ou plusieurs iwans* se retrouve dans de nombreuses régions, l’architecture des madrasas (associant le plus souvent un lieu d’enseignement, un lieu de prière et des cellules pour l’hébergement) s’adapta aux différentes traditions régionales. D’autres lieux de transmission du savoir tels que les hôpitaux (maristan* ou dār al-shifā‘) présentaient des dispositions similaires. Fondations pieuses, les madrasas bénéficiaient également de toute l’attention de leurs patrons, et des madrasas funéraires, auxquelles étaient adjoint le mausolée du fondateur, se développèrent dès le xiie siècle.
Répartition des madrasas fondées aux xie et xiie siècles en Iran et au Proche-Orient.

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