Les mosquées dans la ville : Fès
p. 188-189
Texte intégral
1Fondée par Idrīs II au début du ixe siècle, la ville de Fès occupe un rôle spirituel particulier dans l’histoire du Maroc. Elle est en effet étroitement liée à la dynastie idrisside (789-985), qui revendiquait une authentique ascendance muhammadienne et reste aujourd’hui considérée comme la matrice de la nation marocaine.
2Le tissu urbain fassi était ponctué par une myriade de lieux de culte, des grandes mosquées du vendredi (jāmiʿ*) aux oratoires (masjid*) de quartier, qui marquaient l’espace urbain, rythmaient les travaux et les jours par l’appel à la prière, étaient des lieux de sociabilité pour les habitants du quartier. La ville entière est, jusqu’à nos jours, polarisée par un complexe d’une importance spirituelle majeure, construit autour de la Grande Mosquée des Kairouanais (al- Qarawiyyīn), dont l’influence écrase de loin celle des autres lieux de culte de la ville, à commencer par la Grande Mosquée des Andalous (al-Andalusiyyīn).
3Quoique les versions soient discordantes, la tradition comme l’archéologie s’accordent à faire remonter la mosquée al-Qarawiyyīn au ixe siècle. Ayant fait l’objet d’agrandissements et de réfections régulières, le monument est un remarquable témoin de l’histoire architecturale de la ville. Son minaret de type andalou, financé par le calife omeyyade de Cordoue ʿAbd al- Raḥmān III au milieu du xe siècle, domine encore aujourd’hui le ciel de la médina. Ses kiosques, qui jalonnent la cour, construits par les Saadiens (xvie siècle), sont inspirés de l’Alhambra de Grenade.
4Au milieu du xve siècle, le quartier prit une dimension supplémentaire avec la « découverte » de la sépulture d’Idrīs II, le fondateur de la ville. En quête de légitimité, les derniers Mérinides lui élevèrent une zāwiya* monumentale qui, directement accolée à la Qarawiyyīn, devint l’un des pôles majeurs de la sainteté fassie.
5À partir de la fin du xie siècle, Fès s’imposa progressivement comme l’un des centres d’enseignement les plus prestigieux du Maghreb, autour notamment de la Qarawiyyīn. Parmi ses professeurs, mais aussi ses étudiants, se trouvèrent des esprits aussi brillants qu’Averroès, Maïmonide, Ibn al-Khaṭīb, Ibn Khaldūn ou Léon l’Africain. À l’époque mérinide, cet édifice se vit progressivement entouré – mais non concurrencé – par un réseau de prestigieuses madrasas. Grâce au patronage du pouvoir sultanien, elles vinrent ajouter, par leur réputation institutionnelle comme par le raffinement de leur exécution, une nouvelle dimension au rayonnement sacré de la ville. La plupart d’entre elles sont restées en fonctionnement jusqu’à l’établissement du protectorat français (1912).
Cour de la mosquée al-Qarawiyyīn, Fès.

© Paris, Mashreq-Maghreb, 1980.
« Il existe à Fès dans les sept cents mosquées et oratoires, [notamment] une mosquée principale, que l’on appelle la mosquée [al-Qarawiyyīn]. Il existe aussi à Fès onze madrasas, très bien construites […] : l’une d’elle est réellement admirable de dimensions et de beauté, celle qu’a faite bâtir le sultan Abū ʽInān. »
Léon L’Africain (m. entre 1527 et 1555), Cosmographia de Affrica, p. 185-186.
Fès, lieux de dévotion (xiie-xve siècle).

D’après A. Escher et E. Wirth, 1992. Die Medina von Fes.
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