Les mosquées
Différents types architecturaux
p. 186-187
Texte intégral
1L’architecture des premières mosquées, terme dérivé de l’arabe masjid* ou « lieu de la prosternation », ne nous est malheureusement connue que par les sources, souvent plus tardives. Les reconstitutions permettent néanmoins de dégager un modèle : la maison du Prophète à Médine.
2Cet édifice (actuelle Masjid al-Nabawī, remaniée à plusieurs reprises jusqu’à l’époque contemporaine) fut construit entre 622 et 632. Les sources décrivent une maison de grandes dimensions, de plan rectangulaire ou trapézoïdal, dotée d’une grande cour intérieure (ṣaḥn) et d’un espace couvert, reposant sur des troncs de palmiers supportant un toit végétal situé dans la direction de la prière (qibla*), c’est-à-dire La Mecque, à partir de 624.
3Les plus anciennes mosquées construites ex-nihilo (à Bassora en 635, à Kufa en 637 ou encore à Fustat en 642), reprirent cette forme associant une cour à un espace couvert. Ce plan, que l’on nomme hypostyle en raison de la multiplicité des supports de la salle de prière, devint rapidement caractéristique de l’architecture des mosquées, et plus particulièrement des mosquées congrégationelles ou grandes mosquées (masjid al-jāmi‘*, termes également traduits par « mosquée à prône ») dont la fonction était de rassembler la communauté musulmane, masculine, d’une ville, pour la prière collective et le prêche (khuṭba*) du vendredi. Les mosquées omeyyades, comme la Grande Mosquée de Damas construite sous le règne du calife omeyyade al- Walīd Ier (r. 705-715), confirment le développement de ce plan hypostyle.
4Ces mosquées constituent également les premiers témoignages d’éléments architecturaux majeurs liés à la prière : le mihrab* ou niche symbolisant la présence du Prophète ainsi que le minaret, tour utilisé pour l’appel à la prière. À ces deux éléments s’ajoute le minbar ou chaire à prêcher, généralement à degrés, depuis laquelle est prononcée la khuṭba.
5Presque hégémonique durant les premiers siècles de l’Islam, ce plan hypostyle fut adapté aux pratiques architecturales locales. Au cours des siècles, la nef centrale fut également élargie, pour magnifier l’espace situé devant le mihrab comme ce fut le cas à Kairouan au ixe siècle ou encore à la mosquée al-Azhar du Caire au xe siècle.
L’évolution de la Grande Mosquée d’Ispahan entre le ixe et le xviiie siècle.

D’après O. Grabar, The Great Mosque of Isfahan, 1990 et A. R. Kargar, The Atigh Great Mosque of Isfahan, 2018.
Iwan sud de la Grande Mosquée d’Ispahan.

© Guenterguni / Istockphoto, 2017.
6D’autres types de plans apparurent néanmoins durant la période médiévale. Dans le monde iranien, l’introduction du plan à quatre iwans* transforma ainsi sensiblement l’architecture des mosquées. Le cas de la Grande Mosquée d’Ispahan illustre bien les évolutions d’un même monument sur la longue durée. Les études archéologiques ont en effet permis de reconstituer le tracé de la mosquée hypostyle d’origine dont l’orientation fut corrigée au ixe siècle. À l’époque seljukide, des transformations plus profondes donnèrent à la mosquée son plan actuel. Entre 1086 et 1089, deux vastes salles à coupoles furent érigées au nord et au sud. Quelques années plus tard, avant 1121, quatre iwans furent construits au centre des façades de la cour. Forme architecturale héritée de l’architecture palatiale pré-islamique, les iwans consistent en de larges espaces rectangulaires, fermés sur trois côtés et couverts généralement d’une voûte. Ce plan à quatre iwans se développa rapidement dans l’Iran central de la première moitié du xiie siècle et devint un modèle majeur pour l’architecture des mosquées dans le monde iranien jusqu’à nos jours. Le plan à un ou plusieurs iwans fut aussi très tôt adopté pour d’autres institutions comme les madrasas*, et ce jusqu’en Syrie et en Égypte (cf p. 198-199). À Ispahan, la construction des dômes et des iwans ne supprima toutefois pas complètement les salles de prières hypostyles qui encadrent la cour. Ces dernières furent plusieurs fois étendues et reconstruites au cours des siècles comme au début du xive siècle sous les Ilkhanides. Leurs successeurs continuèrent le développement de ce joyau de l’art islamique par l’ajout d’une madrasa* sous les Muzaffarides ou bien encore la réfection des façades sur cour et les extensions occidentales sous les Safavides.
7Un troisième type de plan se développa dans le monde ottoman à partir du xve siècle. Il s’agit de mosquées à plan centré où le dôme ne vint plus seulement mettre en valeur un espace particulier mais tendit, au contraire, à unir les espaces de prières sous une même coupole. La mosquée Üç Şerefeli construite à Edirne par Murad II en 1438-1447 préfigura ainsi les grandes mosquées ottomanes d’Istanbul du xvie siècle comme la Süleymaniye (1550-1557), dont la coupole dépasse en hauteur celle de Sainte-Sophie, son autre modèle.
Plan de la mosquée Üç Şerefeli à Édirne (1438-1447).

Plan originel de la mosquée al-Azhar au Caire, fondée par les Fatimides en 970.

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