Le ḥajj : lieux et routes de pèlerinages
p. 176-177
Texte intégral
1Dans la tradition arabo-musulmane développée à partir du ixe siècle, La Mecque (Makka), premier des lieux saints de l’islam, fut associée à une forme de fixité éternelle. Situé sous le trône de Dieu, le sanctuaire mecquois est réputé exercer une attraction sur l’ensemble de l’humanité, au premier rang desquels les prophètes.
2Une fois chassé du paradis, c’est vers La Mecque qu’Adam aurait été attiré, y plaçant un rubis céleste, anticipation de la Pierre Noire. C’est autour de ce même point que l’Arche de Noé aurait effectué sept tours lors du Déluge – rappel évident des circumambulations (ṭawāf) autour de la Kaʿba* qui se trouvent au cœur du pèlerinage. En y édifiant le Temple (bayt) primordial de l’humanité, Ibrāhīm/Abraham n’aurait fait que restaurer cette centralité cosmique. Muhammad, à sa suite, en purifiant le Temple de ses idoles, et en accomplissant le pèlerinage (ḥajj*) sur un mode nouveau à la fin de sa vie, n’aurait fait que lui restituer sa réalité originelle.
3Rien ne prouve pourtant, d’un point de vue historique, la centralité du sanctuaire mecquois avant l’apparition de l’islam. Parmi les nombreuses inscriptions antiques préservées, aucune ne le mentionne et sa position apparaît bien excentrée par rapport aux itinéraires principaux des caravanes de l’Anté-Islam. C’est véritablement avec la formation de l’islam que s’est dessinée une nouvelle carte des hiérarchies sacrées dans la péninsule Arabique. Selon un rituel progressivement fixé au cours du ier siècle de l’Hégire, sous l’égide du pouvoir califal qui en fait un support essentiel de sa légitimité, le ḥajj islamique associe le Sanctuaire cubique à d’autres lieux, situés en dehors de La Mecque (Minā, le mont Arafa). Avec le changement de lieu des centres du pouvoir califal, les axes principaux de circulation se déplacèrent depuis la route du nord vers la Syrie à l’époque omeyyade et jusqu’au Darb Zubayda (du nom de l’épouse du calife Hārūn al-Rashīd), route orientale reliant le Hedjaz à l’Iraq à l’époque abbasside. De nombreuses stations devaient servir à l’approvisionnement des pèlerins mais elles ne furent entretenues que ponctuellement par le pouvoir, et cette route fut remplacée par celles du pèlerinage égyptien, dominantes à partir du xie siècle.
4Un temps délaissée, la route passant par le Sinaï et la côte de la mer Rouge, redevint, à l’époque mamluke, l’axe de circulation privilégié de la caravane égyptienne officielle, organisée autour du maḥmal, palanquin du sultan, qui signifiait son rôle de « protecteur des lieux saints ».
Les stations de pèlerinage à La Mecque.

« Nous avons commencé avec l’Île des Arabes car c’est là que se trouve la Maison Sacrée de Dieu, ainsi que la Ville du prophète – bénédiction et paix soient sur lui ! – et c’est de là que la religion de l’islam s’est répandue. […] C’est là que se déroulent les rituels et les cérémonies aux moments fixés pour le pèlerinage. […] C’est de cette région que la “terre s’est étalée” et de là qu’Ibrāhīm – paix sur lui – s’est adressé à l’humanité. »
Al-Muqaddasī (xe siècle), Aḥsān al-taqāsim fī ma‘rifat al-aqālīm, p. 67. Trad. : É. Vallet.
Certificat de pèlerinage, 1432-1433 (détail).

© Londres, British Library ms. Add. 27566.
Les routes du pèlerinage dans le nord de la péninsule Arabique à l’époque abbasside, viiie-ixe siècle.

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