Émergence et développement des lieux saints chiites
p. 172-173
Texte intégral
1Depuis l’assassinat de ʿAlī dont la dépouille repose à Najaf, et plus encore après la défaite de ses partisans et l’assassinat de son fils al-Ḥusayn à Kerbela en 680 (cf p. 60-61), les visites pieuses (ziyāra-s*) aux sanctuaires des Alides sont au cœur de la dévotion chiite*. Si les tombes furent visitées dès les dernières décennies du viie siècle, la construction de sanctuaires dédiés aux six premiers imams*, sous l’impulsion des souverains chiites hamdanides et buyides, n’est documentée qu’à partir des ixe et xe siècles. Au xe siècle, les lieux saints attachés aux successeurs de Jaʿfar al-Ṣadīq et à leurs proches, reconnus par les seuls chiites duodécimains*, furent également construits en Iraq (al-Kāẓimayn, Samarra) et en Iran (Mechhed et Qom). L’importance de la dévotion alide ne se dément pas aux siècles suivants. Aux xie et xiie siècles, la tête d’al- Ḥusayn (rā’s al-Ḥusayn), apportée à Damas sur ordre du calife omeyyade Yazid (r. 680-683), devint l’objet d’un culte important. Elle fut « redécouverte » à Ascalon par les Fatimides, qui y font ériger un sanctuaire. Mais, craignant la menace croisée, en 1153-1154, ils la firent transporter au Caire où ils érigèrent des sanctuaires dédiés aux descendantes d’al-Ḥusayn. La dévotion alide transcendait toutefois les divisions confessionnelles et les mécènes sunnites* ne furent pas rares. Le patronage des principaux sanctuaires iraquiens et la construction d’un second mausolée de ʿAlī par les Seljukides à Mazār-i Sharīf en témoignent. En Syrie ayyubide, les sanctuaires damascènes liés à la famille du Prophète et de son gendre ʿAlī se développèrent tandis que le monumental mashhad al-Ḥusayn fut érigé à Alep.
2M. D.
Sanctuaire de l’imam al-Ḥusayn à Kerbela, Iraq.

© A 53 814 S Archives de la planète, musée Albert-Kahn/Département des Hauts-de-Seine.
Principaux lieux de pèlerinage du chiisme dans le Dār al-Islām*.

3Le terme imāmzādeh* désigne le tombeau d’un imam chiite où se rendent les croyants pour y effectuer des actes de dévotion, alors que les imams eux-mêmes n’ont pas recommandé de telles pratiques.
4À partir du xie siècle, les savants chiites ont approuvé le pèlerinage aux imāmzādeh-s. Certains ont même composé des prières spécifiques à réciter lors de la visite pieuse (ziyāra). Un imāmzādeh peut être un bâtiment orthogonal, ou un simple cénotaphe, surmonté d’un dôme. Il existe également des complexes cultuels importants (astāneh-s), lieux de pèlerinage des chiites de l’ensemble du monde musulman, comme par exemple à Mechhed.
5Le nombre et la localisation des imāmzādeh-s en Iran varient selon les sources. Certains sont datés et le personnage qui y est enterré est identifié (ṣāḥib nasab), mais d’autres sont anonymes et peuvent n’être que la tombe d’un saint homme local. Les premiers imāmzādeh-s ont été construits au ixe siècle, mais la majorité l’a été à partir du xiiie, puis à partir du xvie. Les imāmzādeh-s ont souvent fait l’objet d’embellissements successifs. Cette carte ne mentionne que les édifices datés, dont le personnage enterré est clairement identifié.
6D. A.
« Nous allâmes à la ville de Kerbala, lieu de sépulture d’al-Ḥusayn, fils de ‘Alī. […] Le saint mausolée est dans l’intérieur de la ville, et à côté de celui-ci sont un illustre collège et une illustre zāwiya, qui distribue de la nourriture à tout venant. À la porte du mausolée se tiennent les chambellans et les gardiens, et personne n’entre sans leur permission. On baise le noble seuil, qui est d’argent. Au-dessus de la sainte tombe se voient des lampes d’or et d’argent, et aux portes, des rideaux de soie. »
Ibn Baṭṭūṭa, Voyages, De l’Afrique du Nord à La Mecque, p. 433- 435.
Les imāmzādeh-s en Iran, xe-xviie siècle.


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