Jérusalem, ville juive, chrétienne et musulmane
p. 170-171
Texte intégral
1Bien qu’elle soit marquée par l’un des plus hauts lieux de pèlerinage du Dār al-Islām*, la topographie religieuse de Jérusalem témoigne d’une réalité majoritairement chrétienne pour la période allant du xe au xvie siècle. Malgré quelques soubresauts anti-chrétiens à l’époque fatimide, comme la destruction en 1009 sur ordre du calife al-Ḥākim de l’Anastasis ou église du Saint-Sépulcre (reconstruite et achevée dès 1048), le site de la Passion constitua le cœur de la cité, si ce n’est géographique, du moins symbolique. Les monts environnants furent occupés par des édifices commémorant la vie du Christ et de ses proches. L’esplanade du Ḥaram al-Sharīf, qui a fait l’objet d’aménagements monumentaux dès 691-692, avec le Dôme du Rocher, construit sous le règne du calife omeyyade ‘Abd al-Malik, concentrait l’essentiel des édifices musulmans de la ville. La mosquée al- Aqṣā y fut agrandie au début du viiie siècle. Cette esplanade occupe le sommet du mont Moriah, où se dressait le temple d’Hérode avant sa destruction en 70 par les Romains. Les ruines de cet édifice, dont seul subsiste le Mur des Lamentations ou mur occidental de la plateforme qui soutenait le temple, étaient et demeurent le principal lieu de dévotion des Juifs. L’emplacement exact des synagogues avant le xiiie siècle n’est pas connu. On sait toutefois que les destructions menées par les conquérants seljukides en 1073 conduisirent les juifs à délocaliser la principale yeshiva (école d’études talmudiques) à Tyr, témoignant d’une communauté de plus en plus réduite à Jérusalem même.
Église du Saint-Sépulcre à Jérusalem, façade nord.

© Sean Leatherbury/Manar al-Athar.
Le mur des Lamentations et le Dôme du Rocher à Jérusalem.

© Yourway-to-Israel, 2011.
2La période croisée, de 1099 à 1187, se signale par une christianisation croissante du tissu urbain qui se resserra autour du Saint-Sépulcre. Juifs et musulmans quittèrent majoritairement la ville. Le Dôme du Rocher fut christianisé et la mosquée al-Aqṣā fut occupée par le roi franc de Jérusalem avant d’être le siège des Templiers. Partout dans la ville s’installèrent des ordres latins qui construisirent églises et bâtiments conventuels (cf p. 80-81).
3La reprise de la ville par Saladin en 1187 ne remit pas fondamentalement en question cette topographie religieuse. Le Ḥaram al-Sharīf, et notamment la mosquée, fut « purifié » et reconverti en lieu de culte musulman. Au même moment, une littérature pieuse vantant les mérites de la ville se développait. Sous l’égide mamluke, et comme dans de nombreuses autres villes, les fondations pieuses, principalement des madrasas*, se multiplièrent. Elles se situent notamment aux abords de l’esplanade. Cependant, le flot de pèlerins chrétiens ne se tarit pas, et les fondations chrétiennes restèrent des pôles de dévotion majeurs dans la cité. Une petite communauté juive se reforma dans le quartier maghrébin, à l’ouest du Ḥaram al- Sharīf, autour de la synagogue Ramban, où Nahmanide (m. 1270) aurait pris ses quartiers à la toute fin des années 1260.
Lieux de culte musulmans, chrétiens et juifs à Jérusalem (xe-xvie siècle).

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