Damas assiégée, Damas ravagée, Damas reconstruite
p. 162-163
Texte intégral
1De sa conquête par les Arabes musulmans, au viie siècle, à sa prise par les Ottomans, au début du xvie siècle, la ville de Damas a connu plus d’une trentaine de sièges. Au cours des premiers siècles de la période islamique, l’existence de murs fortifiés, hérités de la période byzantine et plus ou moins entretenus par les pouvoirs musulmans successifs, conduisit les belligérants à s’affronter, le plus souvent en rase campagne ou aux portes de la cité.
2Ce n’est qu’à partir du xiie siècle, avec la diffusion du modèle de la citadelle urbaine au Bilād al- Shām* que se généralisa et se perfectionna la pratique de la guerre de siège. Dans un contexte de prolifération des affrontements armés à l’époque des croisades et des invasions mongoles, s’emparer d’un territoire signifiait le plus souvent prendre d’abord possession de sa ville-capitale. En conséquence, les dispositifs défensifs de Damas furent profondément remaniés pour être adaptés aux évolutions des technologies militaires sous l’impulsion de politiques urbanistiques d’ampleur menées par l’émir* zenguide Nūr al- Dīn puis par différents princes ayyubides et gouverneurs mamluks (cf p. 156‑157).
3Jamais toutefois le développement continu des quartiers extra-muros n’entraîna la construction d’une seconde enceinte, les laissant ainsi vulnérables aux exactions de l’ennemi lors des sièges (carte 2). Les assaillants choisissaient en général d’attaquer la partie occidentale où se trouvait la citadelle. Les différents sièges et blocus de la ville à l’époque mamluke mettent clairement en évidence le rôle ambigu de la citadelle dans sa défense : ultime symbole de la puissance souveraine et dernier recours face à l’assaillant, elle provoquait l’acharnement des armées ennemies. Les quartiers l’environnant, à l’intérieur comme à l’extérieur de la muraille, devenaient le point focal des combats et payaient un lourd tribut matériel. En 1300, lors de la prise de la ville par les Mongols, après avoir déclaré l’amān* ou en 1389‑1391 lors de la fitna* entre le sultan mamluk al-Ẓāhir Barqūq et les émirs rebelles (carte 1 et p. 300-301), les combats furent particulièrement dévastateurs entre la citadelle et la mosquée des Omeyyades et les jets de pierres et autres incendies causèrent d’importants dégâts dans une zone où se concentraient la majorité des édifices religieux.
Bilan des combats et des destructions durant la fitna d’al-Zāhir Barqūq (1389‑1391).

« Le samedi matin, les soldats mongols grimpèrent sur le toit des maisons et de là tirèrent des flèches. […] Les Mongols pillèrent de Bāb al-Farādīs, qui s’étend entre les deux murs (Bayn al-Sūrayn), sur tout le chemin jusqu’à la citadelle, de la madrasa* al-Iqbāliyya jusqu’à la citadelle, de la madrasa al- ʿĀdiliyya jusqu’à la citadelle et de la madrasa al- Ẓāhiriyya jusqu’à la madrasa al-Nūriyya, des deux côtés. C’est-à-dire qu’ils pillèrent Bāb al-Barīd […] et le Darb al-Silsila, du Māristān jusqu’au quartier de la Ḥārat al-Ghurabā’ et Bāb
al-Naṣr aussi bien que l’intégralité des alentours de la citadelle. […] Ordre fut donné d’évacuer les habitants de ces quartiers qui partirent, laissant derrière eux leurs biens et leurs propriétés. Alors les Mongols entrèrent, pillant et détruisant les cadres en bois des maisons et les portes. […] Les propriétés des habitants, les réserves et les biens furent saisis et leurs maisons furent démolies. Ils ne parvinrent qu’à s’échapper. Cette situation chaotique apparut comme ayant été causée par la résistance de la citadelle. Les Mongols utilisèrent cela comme excuse pour piller affirmant : “ces quartiers sont trop proches de la citadelle, il faut donc les évacuer” alors que leur intention réelle était simplement de piller la zone. »
Al-Yūnīnī, Dhayl mir’at al-zamān, éd. Li Guo, vol. 2, p. 116-117. Trad. inédite : M. Eychenne.
Batailles de 1300 à Damas.


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