Les ouvrages défensifs au Caire
p. 154-155
Texte intégral
1Les premières capitales de l’Égypte islamique : Fustat, al-ʿAskar et al-Qaṭā’iʿ(cf p. 118‑119), étaient simplement protégées par des fossés, de petits fortins et le Nil. Les Fatimides, lors de la fondation d’al-Qāhira en 969, commencèrent, avant même l’érection de leurs mosquées ou de leurs palais, par construire une enceinte en pisé de 2 m d’épaisseur, formant un périmètre quadrangulaire de 2 250 m de côté. Cette enceinte n’était pas vraiment un ouvrage défensif mais plutôt l’expression d’un urbanisme princier. En effet, les premières fondations urbaines des Fatimides en Ifriqiya, Mahdia et Ṣabra al-Manṣūriyya, étaient des cités qui isolaient les princes ; al-Qāhira suivit ce modèle (cf p. 114‑115).
2Après les crises de la fin du xie siècle, le vizir fatimide Badr al-Gamālī réalisa de grands travaux, notamment, de 1087 à 1092, la construction d’une nouvelle enceinte autour d’al-Qāhira avec les portes monumentales au nord de Bāb al-Futūḥ (la Porte des Conquêtes) et Bāb al-Naṣr (la Porte de la Victoire), à l’est, de Bab al-Tawfiq (la Porte des Félicités divines) et au sud de Bāb Zuwayla (du nom d’un groupe tribal berbère composant l’armée fatimide). Ces portes étaient inspirées de modèles byzantins et arméniens de la région d’Édesse et Diyarbekir. Une partie de ces murailles furent bâties en gros appareil calcaire, suivant des traditions de Syrie du Nord. Le principe était de monumentaliser les murailles autour des portes principales de la ville, avec un long bandeau épigraphique, message de propagande politique et religieuse en l’honneur du calife, de son vizir et des ismaéliens.
3Après le siège des croisés en 1168, le dernier calife fatimide, al-ʿAdīd, demanda un soutien militaire aux Zenguides de Syrie qui, venus en renfort, construisirent à partir de 1169, sous la direction de Saladin devenu vizir du calife fatimide, une nouvelle muraille autour d’al-Qāhira, afin d’être en mesure de faire face à une nouvelle attaque. À la mort du calife, Saladin, devenu sultan d’Égypte, construisit Qalʿat al-Jabal, une puissante citadelle sur la montagne du Muqaṭṭam, à l’est de la ville, et enserra l’ensemble d’al-Qāhira et de Fustat dans une grande muraille comptant près de 80 tours et mesurant environ 12 km. Par la suite, les grands travaux d’architecture militaire des Mamluks et des Ottomans se concentrèrent uniquement sur la citadelle, siège du pouvoir et principal organe de défense de la ville. Au xive siècle, la muraille fut réutilisée par le sultan mamluk al-Nāṣir Muḥammad comme support pour un aqueduc acheminant l’eau du Nil à la citadelle.
Bāb al-Jadīd, enceinte orientale du Caire.

Les murailles ayyubides furent construites en plusieurs phases. Les parties autour du Caire fatimide furent réalisées de 1173 à 1177, puis la muraille fut étendue jusqu’à la citadelle de 1177 à 1192. Les travaux de cette dernière furent achevés en 1183. Plus tard, le sultan al-ʿĀdil finalisa les fossés autour de la ville fatimide et les murs autour de Fustat furent érigés de 1217 à 1221. Bāb al-Jadīd (la Porte Neuve) est un bel exemple de l’architecture militaire ayyubide de la fin du xie siècle et de l’adaptation de la poliorcétique aux guerres avec les croisés. La porte, précédée d’un fossé, forme une entrée coudée flanquée de tours percées de longues archères. L’entrée était fermée d’une lourde porte en bois surmontée d’un assommoir. Toutes ces caractéristiques architecturales se retrouvèrent ultérieurement dans les châteaux européens.
© S. Pradines, 2013.
Bāb al-Tawfīq, enceinte orientale du Caire.

L’essentiel de l’enceinte de Badr al-Gamālī fut révélé par les fouilles archéologiques menées par S. Pradines de 2001 à 2016. Le tracé de l’enceinte fatimide s’est révélé beaucoup plus important que les estimations précédentes, qui se fondaient sur les limites du Caire ottoman, fortifié par le général Kléber lors de l’expédition d’Égypte. L’enceinte fatimide fut bâtie en briques crues avec des savoir- faire locaux, peut-être par les Nubiens, corps de « l’armée noire » des Ismaéliens. Cette enceinte était connectée aux portes en pierre comme Bāb al-Tawfiq à l’est. L’enceinte mesurait 4 m de large et était flanquée de tours carrées de 8 m de côté et de petits contreforts quadrangulaires de 3 m de côté.
© S. Pradines, 2005.
Les murailles du Caire de l’époque fatimide à l’époque ayyubide.

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