Le maintien de l’ordre à Bagdad à l’époque abbasside
p. 150-151
Texte intégral
1Dès la fondation de Bagdad par le calife al- Manṣūr en 762, l’institution policière (shurṭa) marqua de sa présence la capitale abbasside. L’implantation officielle de la shurṭa se limitait alors à la Ville ronde, appelée aussi du nom de son fondateur Madīnat al- Manṣūr (cf p. 122-123), mais son espace d’intervention s’étendait en réalité bien au-delà de l’enceinte fortifiée et inclut progressivement les nouveaux quartiers édifiés sur les deux rives du Tigre. Le maintien de l’ordre dans une ville en pleine expansion nécessita la mise en place d’un quadrillage précis de l’espace urbain sous le commandement du préfet de police de Bagdad (ṣāḥib al-shurṭa). À partir du règne d’al- Mahdī (r. 775- 785), voire d’al-Rashīd (r. 786‑809), la ville fut scindée en deux circonscriptions policières, la rive occidentale et la rive orientale, divisées elles-mêmes en plusieurs sous- unités urbaines appelées quartiers (rabʿ*, pl. arbāʿ). La localisation et la superficie de ces derniers est difficile à déterminer, de même que leur nombre qui semble fluctuer avec le temps. Le seul chiffre dont nous disposons est avancé par al- Masʿūdī, qui rapporte que Bagdad comptait vingt-huit quartiers dans la première moitié du ixe siècle, lorsque Muḥammad b. ʿAbd Allāh b. Ṭāhir (m. 867) en était le chef de la police. La Ville ronde, puis chacune des deux rives, disposaient d’un poste de police (majlis al-shurṭa) où siégeait un commandant nommé par le préfet de police, chargé de superviser le travail des agents placés sous son autorité. Ces postes étaient implantés aux têtes du pont principal reliant les deux rives et permettaient de contrôler les déplacements au sein de la ville. Des postes plus modestes (majlis al- rabʿ) étaient répartis dans les différents quartiers et gérés par les chefs de secteurs (aṣḥāb al-arbāʿ).
2La police partageait avec d’autres autorités le contrôle du système carcéral. Le calife al- Manṣūr disposait d’une prison dans son palais au centre de la Ville ronde et contrôlait le Muṭbaq, une prison monumentale connue pour les nombreux prisonniers politiques qui y croupissaient dans d’obscurs cachots. D’autres prisons, réparties sur les deux rives et placées sous l’autorité de la police, accueillaient des criminels. Sur la rive occidentale, la prison d’Isḥāq b. Ibrāhīm b. Muṣʿab, qui se confondait peut-être avec le siège de la police, fut connue à partir de 848 et celle de Bāb al- Shām à partir de 849. Une « prison nouvelle » qui accueillit des prisonniers politiques est signalée à partir de 902. La prison de Naṣr b. Mālik (m. 778), un préfet de police, détenait des criminels depuis la seconde moitié du viiie siècle. D’autres prisonniers étaient incarcérés à Bāb al-Jisr, la porte fermant l’extrémité orientale du pont (al-qanṭara) reliant al-Ruṣāfa à al-Ḥarbiyya. Édifices symboliques dans le paysage urbain, les prisons servaient aussi à exposer les cadavres des rebelles et des hérétiques exécutés. En théorie, les cadis disposaient également de prisons pour incarcérer les débiteurs à l’écart des criminels, mais leur emplacement est inconnu.
Extrait d’un registre de pétitions de prisonniers (Fustat, 806).

© Cambridge, University Library, n° inv. B 515 verso.
« Il incombe aux agents du guet d’inspecter leur district, les personnes qui y circulent, de contrôler leurs activités et d’en rendre compte aux chefs des maṣāliḥ*. S’ils suspectent quelque chose, ils doivent avertir les chefs de quartiers, lesquels en réfèrent aux lieutenants. Ainsi, le chef de la police ne tarde pas à en être informé de jour comme de nuit.
[…]
[Le chef de la police] doit autoriser les visites [en prison] chaque vendredi. Les visiteurs voient les prisonniers de loin et leur parlent à distance, ce qui les incite à cesser [leurs méfaits] et au repentir. Il ordonnera aux geôliers de fouiller ce qui est remis aux prisonniers afin d’empêcher qu’on y introduise une lime, un couteau ou un morceau de fer. Ne leur seront donnés que des aliments nourrissants et mis dans du pain. »
Anonyme, Risālat siyāsat al-mulūk (fin ixe-début xe siècle). Trad. inédite : E. Rébillard
Postes de police et prisons de Bagdad, de la fondation de la ville au règne d’al-Muqtadir (viiie-xe siècle).


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