Stratégies résidentielles des élites militaires à Damas
p. 148-149
Texte intégral
1À Damas, à partir du xiiie siècle, à mesure que sa population croissait, la ville déborda définitivement de sa madīna, son noyau urbain intra-muros fortifié, pour s’étendre en direction du nord, de l’ouest et du sud en des faubourgs à l’urbanisation plus ou moins dense et s’étirant généralement le long des axes de circulation principaux ou se concentrant autour de grandes mosquées nouvellement érigées.
2Le dépouillement des textes narratifs a permis de recenser 180 demeures différentes dans lesquelles 292 émirs* mamluks se sont installés entre 1260 et 1516, pour plusieurs années ou parfois seulement pour quelques jours, certains comme propriétaires, d’autres comme simples usagers. Elles peuvent être localisées plus ou moins précisément : d’une simple mention du quartier jusqu’à celle de la rue et de sa position relative en son sein par rapport à un édifice, le plus souvent religieux, faisant office de marqueur urbain. Les travaux de cartographie de N. Élisséeff ont montré que la toponymie médiévale de la ville intra-muros avait en grande partie persisté jusqu’au milieu du xxe siècle tandis que celle, plus succincte, évolutive et partielle des faubourgs rend ce même travail plus difficile et aléatoire.
3Les deux cartes ici présentées mettent en lumière l’évolution de l’insertion spatiale des émirs mamluks à Damas. Au cours du xive siècle, leur implantation s’équilibre à l’intérieur et à l’extérieur de la ville : tandis que le patrimoine de grandes demeures laissées par les Ayyubides fut réutilisé par les Mamluks, qui résidaient ainsi de préférence dans sa moitié nord, de part et d’autre de la mosquée des Omeyyades, les émirs, déjà à cette époque, manifestèrent une certaine prédilection pour les faubourgs nord et ouest.
Stratégies résidentielles des émirs mamluks à Damas avant 1401.

4Que ce soit entre la citadelle et l’hippodrome vert, dans des quartiers en plein essor notamment en raison de l’édification des mosquées des émirs Tankiz et Yalbughā, ou au nord de la rivière Baradā (al-Sharaf al-Aʿlā, Suwayqat Ṣārūjā, al- ʿUqayba), les émirs pouvaient faire construire des demeures, sans doute plus vastes, sur des espaces à l’urbanisation plus lâche, dans un environnement encore dominé par les vergers et les jardins.
Vue intérieure de la salle de réception (qa’a) de la Bayt al-ʿAqqād à Damas (xve siècle).

© Jens Lindhe, 2001.
5La fitna* de Barqūq (1389‑1391 ; cf p. 162‑163) et l’épisode de Tamerlan à l’hiver 1400‑1401, au cours duquel la ville fut assiégée, occupée et partiellement détruite, semblent constituer un tournant : au xve siècle, sans doute en raison de la ruine persistante à l’intérieur des murs, les Mamluks délaissèrent cette partie de la ville au profit des faubourgs occidentaux qui, poursuivant leur développement, renforcèrent alors leur identité turque et militaire.
Stratégies résidentielles des émirs mamluks à Damas après 1401.

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