Les zones de résidence des émirs mamluks au Caire
p. 146-147
Texte intégral
1Initialement cantonnés en marge de la ville, dans une forteresse spécialement édifiée par leur maître al-Ṣāliḥ Ayyūb pour les accueillir sur l’île de Rawḍa, les Mamluks, lorsqu’ils prirent le pouvoir en 1250, réinvestirent la Citadelle de la Montagne (Qalʿat al-Jabal), le véritable écrin du pouvoir sultanien au Caire, édifié par Saladin et ses successeurs.
2De cet édifice surplombant la ville, le sultan mamluk embrassait du regard sa capitale, d’al-Qāhira au nord jusqu’à Fustat au sud.
3Si, lors des premières décennies, les émirs* mamluks ne furent que rarement autorisés à s’installer en ville, les sultans préférant les maintenir auprès d’eux dans la citadelle pour mieux les surveiller, dès la fin du xiiie siècle, l’édification de somptueuses demeures contribua à les rendre visibles au sein de l’espace urbain, facilitant leur intégration à une société à laquelle ils étaient étrangers.
4Ces demeures, qui permettaient aux émirs d’affirmer publiquement leur puissance politique, remplissaient aussi bien des fonctions militaires, sociales et économiques que cérémonielles. Souvent pourvues d’une cour centrale, d’écuries au rez-de-chaussée, d’appartements et de salles de réception à l’étage, elles accueillaient la famille de l’émir, sa domesticité mais aussi sa maison militaire (bayt). Ces palais s’inscrivaient aussi la plupart du temps au sein d’un projet urbanistique plus ambitieux, comprenant des édifices religieux ou commerciaux érigés par l’émir lui- même grâce au système du waqf* (cf p. 130‑131) qui, à l’échelle du quartier, contribuait au développement de la ville et façonnait le prestige de la capitale du sultanat.
5La répartition de ces demeures au Caire, telle que les sources narratives nous en rendent compte, permet de mieux apprécier l’insertion spatiale des Mamluks et son évolution jusqu’au xve siècle.
6Deux phases semblent pouvoir être distinguées : dans un premier temps, jusqu’au dernier tiers du xive siècle, al-Qāhira fut clairement le lieu d’implantation privilégié des résidences des émirs. Ce faisant, ils accompagnaient l’investissement massif des sultans et des émirs eux-mêmes qui transformait al-Qāhira en espace cérémoniel du pouvoir et en centre commercial (carte 1).
Stratégies résidentielles des émirs mamluks au Caire entre 1250 et 1382.

7La deuxième phase, initiée dès le troisième règne d’al-Nāṣir Muḥammad (1310‑1341), mais qui s’affirma avec plus de force encore à la fin du xive et au xve siècle, correspond à l’urbanisation des zones de la ville au sud d’al-Qāhira, entre Bāb Zuwayla et la citadelle. Désormais, les émirs s’installaient de préférence au pied de celle-ci, à proximité de la vie de cour dont les vicissitudes construisaient les carrières aussi vite qu’elles les défaisaient (carte 2).
Cour intérieure du palais de l’émir Ṭāz au Caire, 1352.

© M. Eychenne, 2008.
Stratégies résidentielles des émirs mamluks au Caire entre 1382 et 1453.

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