Stratégies résidentielles des élites gouvernantes à Bagdad
p. 144-145
Texte intégral
1Les textes arabes médiévaux nous renseignent sur les lieux de résidence des catégories sociales les plus élevées de la population bagdadienne.
2Aux xie et xiie siècles, les élites politiques et judiciaires se concentraient sur la rive orientale, près des quartiers califaux.
3Cette zone fut entourée de solides fortifications, érigées à la fin du xie siècle par le calife al-Mustaẓhir (r. 1094- 1118), lesquelles perdurèrent jusqu’au début du xxe siècle – la porte nord-est, Bāb al-Wasṭānī, rénovée au début du xiiie siècle, est l’un des rares monuments abbassides encore visibles à Bagdad. C’est également dans les quartiers intra-muros proches des palais abbassides que furent construites la plupart des madrasas* bagdadiennes à partir de la fin du xie siècle (cf p. 200‑201).
4Les hauts fonctionnaires seljukides résidaient plus au nord, à proximité des palais sultaniens. Les berges du Tigre étaient particulièrement recherchées : de luxueux palais s’y succédaient, dotés de belvédères surplombant le fleuve, de dépendances (écuries, bâtiments pour les domestiques, oratoires privés) et d’embarcations prêtes à promener leurs propriétaires sur le Tigre.
5La rive occidentale, loin d’être dépeuplée, était plus mixte socialement. Le quartier le plus dynamique était celui du Karkh, faubourg situé au sud de la Ville ronde, devenu l’un des cœurs commerçants de Bagdad. La population y était en partie chiite*, donnant une coloration particulière à ce quartier dont les habitants se heurtaient fréquemment aux hanbalites* du quartier voisin de Bāb al-Baṣra (cf p. 174-175). D’autres quartiers de la rive occidentale servaient de résidence aux élites civiles, comme celui d’al-Ḥarīm al-Ṭāhirī, au nord.
« Un palais de briques en Iraq », Maqāmāt d’al-Ḥarīrī, Iraq, 1236‑1237.

© Paris, BnF, Arabe 5847, fol. 120v.
6Enfin, même si la traversée du Tigre était rendue possible grâce aux deux ponts de bateaux et à de nombreux bacs, les deux rives de Bagdad constituaient des circonscriptions judiciaires et politiques distinctes, et la rive occidentale semble avoir été moins directement sous le contrôle du calife abbasside que la rive orientale.
« Sur la rive occidentale, un quartier similaire est celui du Karkh, dont les rives sont bâties de palais bien alignés, possédant chacun ses roues à eau, ses jardins et ses balcons sur le Tigre. Au pied de chaque demeure, une embarcation joliment décorée et apprêtée attend le maître de maison avec ses matelots. Les canards s’ébattent sur les embarcadères, et bien souvent, le son des chants venus des palais se mêle au tintement des roues à eau, au cancanement des canards et aux clameurs des domestiques, tandis que le Tigre coule entre ses deux berges érigées de palais. »
Ibn ʿAqīl (m. 1119), description de Bagdad citée dans Ibn al- Jawzī (m. 1201), Éloge de Bagdad, p. 26‑27. Trad. inédite : V. Van Renterghem.
Demeures et lieux de résidences des élites gouvernantes à Bagdad (xie-xiie siècles).

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