Stratégies résidentielles des transmetteurs de hadith à Bagdad
p. 142-143
Texte intégral
1Les dictionnaires biographiques médiévaux, qui rassemblent les notices des élites de l’époque, localisent parfois ces personnages dans l’espace urbain. Il est ainsi possible de cartographier leur présence dans la ville.
2Contrairement aux élites politiques et militaires (cf p. 144‑145), les transmetteurs de hadith*, à cette période, n’appartenaient pas toujours aux classes favorisées et représentaient plutôt des catégories sociales moyennes ou populaires.
3Aux xie et xiie siècles, comme dans les périodes précédentes, ces transmetteurs résidaient sur les deux rives de Bagdad. Sur la rive orientale, ils étaient concentrés dans les principaux quartiers résidentiels, en particulier au sud-est du complexe palatial abbasside, où furent implantées la plupart des madrasas*, ainsi que, dans une moindre mesure, dans la partie orientale de la ville intra-muros et dans la zone septentrionale extra-muros, à Rusafa.
4Ils étaient également nombreux sur la rive occidentale, dans les quartiers densément peuplés du Karkh, de Bāb al-Baṣra, d’al- Ḥarbiyya et d’al-Ḥarīm al-Ṭāhirī, au nord.
« Une maison à Bassora », Maqāmāt d’al-Ḥarīrī, Iraq, 1236‑1237.

© Paris, BnF, ms. Arabe 5847, fol. 166.
5Leur répartition était plus dispersée que celle des catégories sociales dominantes : alors que les élites se concentraient sur la rive orientale, avec une nette prédilection pour les berges du Tigre et les quartiers califaux, les transmetteurs de hadith se répartissaient dans différents quartiers, dans l’ensemble du tissu urbain, et sur les deux rives.
6Leurs choix de résidence et de sépulture pouvaient être orientés par leur appartenance confessionnelle. Ainsi, les quartiers de résidence favoris des hanbalites* étaient Bāb al- Marātib, sur la rive orientale, et Bāb al- Baṣra ainsi qu’al- Ḥarbiyya sur la rive occidentale. Les hanéfites* aspiraient à se faire inhumer près d’Abū Ḥanīfa, au nord de la rive orientale, tandis que les hanbalites cherchaient la proximité posthume avec Aḥmad ibn Ḥanbal au grand cimetière d’al-Ḥarbiyya. La répartition de la population de la ville, tant des vivants que des morts, croisait ainsi des facteurs sociaux, économiques, professionnels et confessionnels, dessinant une géographie sociale contrastée et évolutive.
« Certaines rues sont exclusivement réservées aux gens d’honneur et de dignité. Nul domestique n’habite rue du Safran (Darb al-Zaʿfarān), au Karkh : seuls y résident des hommes vêtus de fines étoffes et parfumés. Quant à la rue de Salomon (Darb Sulaymān), à al-Ruṣāfa, elle est exclusivement réservée aux cadis, aux notaires et aux grands commerçants. »
Ibn ʿAqīl (m. 1119), description de Bagdad citée dans Ibn al- Jawzī (m. 1201), Éloge de Bagdad, p. 28. Trad. inédite : V. Van Renterghem.
Stratégies résidentielles des transmetteurs de hadith à Bagdad.

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