Évolution urbaine d’Ispahan
p. 126-127
Texte intégral
1L’oasis d’Ispahan est, avec Nichapur, la ville qui symbolise l’explosion urbaine de l’Iran à la période abbasside.
2Elle se situe sur la rive nord de la rivière Zāyandah-rud, dont la présence explique l’occupation de cette partie aride du plateau iranien. Au ve siècle, les Sassanides y refondèrent la ville de Gay sur un plan ellipsoïdal, suivant des impératifs astronomiques. Avec ses murailles et sa citadelle, la fonction de Gay fut d’abord politique et militaire. La conquête arabe, en 642, n’eut pas d’effet majeur sur l’urbanisme, si ce n’est par la fondation d’une mosquée dans Gay (M1) qui vit son rôle renforcé.
3Au début de la période abbasside (milieu du viiie siècle), une série de décisions politiques favorisa l’urbanisation d’une zone rurale parsemée de villages, à 2 km au nord-ouest de Gay. Comme la mosquée du vendredi (M3), les marchés et le palais du gouverneur furent construits à proximité d’une zone habitée par les Juifs (arabe : yahūd), la ville nouvelle fut longtemps connue sous le nom de Yahūdiyya.
4Durant les ixe et xe siècles, grâce aux changements induits par l’islamisation et au dynamisme de l’économie, Ispahan/Yahūdiyya connut une croissance exceptionnelle. Avec sans doute 100 000 habitants, elle était la principale ville d’Iran occidental. À l’inverse, Jayy (Gay) déclina fortement.
5Au début du xie siècle, Ispahan devint la capitale d’une dynastie régionale et des murailles furent élevées pour compléter son potentiel défensif (une citadelle avait été construite au xe siècle). La ville conserva ce rôle sous les Turcs seljukides au temps de leur splendeur (cf p. 84‑85). De grands jardins (persan : bāgh) furent alors construits hors les murs, tandis que madrasas* et minarets devinrent les nouveaux éléments phares du paysage urbain.
6Du xiie au xve siècle, le contexte était très défavorable. Tensions sectaires (shafiites* de Dardasht contre hanéfites* de Jūbāra, puis shafiites contre chiites*), conquêtes des Mongols (70 000 personnes périrent en 1388) et épidémies provoquèrent un déclin sensible, mais, à la différence de beaucoup de villes d’Iran, la vie urbaine se maintint tout de même dans le cadre ancien. Chaque dynastie turco-mongole ajouta sa touche personnelle à la mosquée du vendredi (cf p. 186‑187).
7Ce n’est qu’au milieu du xvie siècle, quand le Safavide Shah ‘Abbās Ier fit d’Ispahan sa capitale et lança d’ambitieux travaux d’urbanisme au niveau d’un nouveau maydān* que le centre de gravité de la ville bascula.
Gay et la formation d’Ispahan.

Panorama d’Ispahan depuis le nord, période safavide.

© Gravure J.-B. Homann, début du xviiie siècle.
« La ville est entourée d’une muraille solide et fort haute, percé[e] de portes, et au sommet de laquelle on a établi des plates-formes pour y placer des combattants. L’enceinte est, dans toute son étendue, garnie de créneaux. La ville est sillonnée par des canaux d’eau courante et les maisons y sont belles et fort élevées. Une superbe mosquée, où l’on fait la prière du vendredi, se trouve au centre de la ville. On prétend que le mur d’enceinte d’Isfahan a trois farsakhs et demi [env. 24 km, en fait] de développement. L’intérieur de la ville présente l’aspect d’une grande prospérité et je n’y ai remarqué aucun bâtiment en ruines. Les bazars sont nombreux ; je citerai particulièrement celui des changeurs ou banquiers, où se tiennent deux cents personnes exerçant cette profession. Chaque bazar est fermé par une clôture avec une grande porte ; il en est de même pour les rues et les différents quartiers. Les caravansérails* sont propres et bien tenus ; il y en a cinquante, remarquables par leur beauté, qui sont dans une rue appelée Kūy Ṭarrāẓ (la rue des Brodeurs). »
Nāṣir-i Khusraw, Safar-nāmeh, p. 252‑253.
Évolution urbaine d’Ispahan avant les Safavides.

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