Bagdad, les métamorphoses d’une capitale
p. 122-123
Texte intégral
1Fondation du deuxième calife abbasside, al- Manṣūr (r. 754‑775), la construction de Bagdad débuta en 758 pour s’achever en 763. Conçue comme une ville-capitale destinée à accueillir le calife, sa cour, ses administrations et ses armées, elle reçut le nom de Madīnat al-Salām, la Ville du salut, ou Ville d’al-Manṣūr. Son premier noyau, implanté sur la rive occidentale du Tigre, était constitué d’une cité géométrique strictement planifiée, la Ville ronde.
2Le calife s’y trouvait à l’abri grâce à son impressionnant système de fortification : plusieurs hauts murs entourés d’un fossé, défendus par 128 tours et percés de quatre portes monumentales, à travers lesquelles un cavalier pouvait pénétrer à cheval. Au centre se trouvait le palais califal, surmonté d’une coupole verte, jouxté par la mosquée d’al-Manṣūr. Puis venaient des bâtiments administratifs, au milieu de jardins, et enfin un ou plusieurs anneaux d’habitations destinées aux serviteurs et fonctionnaires des Abbassides. Isolé des habitants, le calife était ainsi protégé d’éventuelles révoltes, dans une période d’agitation politique et religieuse récurrente. La population civile s’installa dans les quartiers extra-muros, qui constituèrent très vite des faubourgs vivants et populeux, comme le quartier commerçant d’al-Karkh.
3La Ville ronde ne demeura pas longtemps le centre du pouvoir abbasside. Al-Manṣūr et ses successeurs édifièrent des palais extra-muros, comme le Palais de l’Éternité (al-Khuld) situé près du Tigre. Au début du ixe siècle, une sanglante guerre civile opposa les fils de Hārūn al-Rashīd (r. 786- 809), al-Amīn (r. 809‑813) et al-Maʾmūn (r. 813‑833).
4La Ville ronde, assiégée, fut fortement endommagée et abandonnée en tant que centre du pouvoir ; lorsque la coupole du palais d’al-Manṣūr s’effondra en 941, l’édifice était inutilisé depuis longtemps.
5En 836, les Abbassides quittèrent Bagdad pour fonder Samarra, une nouvelle capitale (cf p. 120‑121). De retour à Bagdad en 892, ils s’installèrent sur la rive orientale, en bordure du Tigre, dans un quartier fortifié qui prit le nom de Résidence du Califat (Dār al- Khilāfa*). La rive orientale, dynamisée par l’implantation du complexe palatial abbasside et des administrations, connut par la suite un fort développement urbain. C’est également sur cette rive, dans les quartiers nord, qu’édifièrent leurs palais les maîtres successifs de l’Iraq, les grands émirs* buyides (945‑1055) puis les sultans seljukides (en Iraq : 1055‑1152).
« Ayant reconnu la primauté de l’Irak, les Abbassides s’y installèrent délibérément. […] Le calife al-Manṣūr [déclara] : “Sans contredit, cette île bordée à l’est par le Tigre, à l’ouest par l’Euphrate, se révélera le carrefour de l’univers.
Par Dieu ! Je l’édifierai, je l’habiterai
toute ma vie, elle sera la résidence
de mes descendants ; et ce sera, sans contredit, la ville la plus prospère
du monde.”
Al-Manṣūr fit convoquer des ingénieurs, des gens experts dans l’art de construire,
des géomètres habiles à la mesure des longueurs et des surfaces, au partage des terres, afin de faire dresser les plans de sa capitale, qu’on appela la ville d’Abū Jaʿfar. […] Il en fit une ville ronde, la seule ville ronde connue dans le monde entier. »
al-Yaʿqūbī (m. 897), Le livre des pays, p. 4 et suivantes.
À Bagdad, le bâtiment appelé « Palais abbasside » est en réalité une madrasa* du xiiie siècle.

© V. Van Renterghem, 2003.
Déplacements des lieux de pouvoir à Bagdad, viiie-xiiie siècle.

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