Samarra
p. 120-121
Texte intégral
1Samarra, située sur le Tigre à 125 km au nord de Bagdad, a été fondée par le calife abbasside al- Muʿtaṣim en 836, pour s’éloigner de Bagdad où il y avait des conflits entre la garde turque du calife et la population. Abritant la cour et l’armée, Samarra fut donc à la fois la résidence califale et une base militaire. D’après les historiens comme al-Yaʿqūbī qui la visita dans les années 860, les militaires, qui y vivaient en famille, s’installèrent dans des maisons et non dans des casernes. Leur habitat ressemblait donc moins à un camp militaire qu’à une ville, sans compter que la présence de la cour califale et de l’armée attira de nombreux marchands et artisans.
2Construite sur un terrain de chasse des Sassanides, dont les murs subsistent encore, elle fut appelée Surra man ra’ā (« est ravi de joie celui qui la voit »). Le palais califal était situé sur le site d’un monastère, et la mosquée et les marchés à l’emplacement de l’ancien village de Samarra.
3Une avenue centrale s’étendait sur 7 km au sud du palais, bordée par les lotissements militaires des Maghāriba venant d’Égypte, des Khazars du Caucase, des Arabes, et des Khurasanis venant d’Iran oriental et d’Afghanistan. Plus loin, les Usrushaniyya, Tadjiks, étaient installés à l’écart du village chrétien de Matira où, en 884, Yohanna bar Narsaï avait été élu patriarche* nestorien*. Le lotissement principal des Turcs était situé à 11 km au nord, hors les murs de la petite ville de Karkh Fayruz. Toute ces constructions étaient en terre ou briques, cuites ou crues.
4Sous al-Mutawakkil (r. 847‑861), féru d’architecture, la ville s’étendit sur 45 km, avec une superficie construite de 58 km². La plus connue de ses réalisations architecturales est la mosquée édifiée entre 849 et 852, avec un minaret hélicoïdal de 52 m de haut. Après une vingtaine de projets de constructions majeures, al-Mutawakkil fonda en 859 une nouvelle ville califale au nord de Samarra, nommée al-Mutawakkiliyya, qui fut abandonnée à sa mort, deux ans plus tard.
5Les priorités du califat, cependant, commençaient à changer, et, après les perturbations des années 860, Samarra fut progressivement abandonnée, et l’armée à nouveau installée à Bagdad. Quant au siège califal, il y retourna à la mort du calife al-Muʿtamid en 892.
6La région était trop pauvre pour nourrir une grande ville, laquelle s’est donc resserrée autour des marchés et des tombes des imams*, al-ʿAskarī (m. 868) et al-Hādī (m. 873‑74), et du Serdab al- Mahdī, qui commémore la disparition d’al-Mahdī, douzième Imam révéré par les chiites duodécimains*, en 874. Au fil des siècles, Samarra est devenue une ville de population sunnite* autour du sanctuaire de ses imams.
Déplacement du califat, de sa cour et de son armée de Bagdad à Samarra.

Minaret et mosquée du calife al-Mutawwakil, ixe siècle.

© Paris, Mashreq-Maghreb, 1992.
Plan de la ville de Samarra.

© A. Northedge.
« Mu‘taṣim se résolut donc à s’installer en ce lieu et, convoquant Muḥammad b. ʿAbd al-Malik Zayyāt, en même temps qu’Ibn Abī Du’ād, ʿUmar b. Farāj et Aḥmad b. Khālid, communément appelé Abū-l-Wazīr, il leur dit : “Achetez ce terrain aux propriétaires de ce couvent et payez-leur le prix soit 4 000 dinars”.
Ce qu’ils firent. Puis, s’adressant aux ingénieurs : “Choisissez les meilleurs endroits.” Ils firent choix d’un certain nombre d’emplacements pour les palais, et chacun des principaux officiers reçut la mission d’en construire un. Au khāqān ʿUrṭūj Abū-l-Fatḥ b. Khāqān échut la construction du château Khāqānā ; à ʿUmar b. Faraǧ celle du palais ʿUmarī, à Abū-l-Wazīr, celle du palais Wazīrī.
Puis on dressa le plan des concessions à attribuer aux officiers, aux fonctionnaires civils et aux particuliers, celui de la grande mosquée et des marchés qui l’entourent. Les rangées des marchés furent prévues spacieuses, et chaque spécialité de commerce fut établie à part ; il en fut de même pour les groupes de la population, isolés les uns des autres, à l’instar des décisions prises pour les marchés de Bagdad.
Le calife donna par écrit l’ordre de faire venir des ouvriers, des maçons, des spécialistes, forgerons, menuisiers et autres artisans, de faire transporter toutes sortes de bois, du teck notamment, des troncs de palmiers de Basra et de ses environs, soit de Bagdad et de toute la région du Sawād, d’Antioche et de tout le littoral de la Syrie. Il fit venir également des spécialistes pour la taille et la pose du marbre, et on établit à Lataquieh et en d’autres villes des artisans pour le travail du marbre. »
al-Yaʿqūbī, Le livre des pays, p. 48‑49.
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