Palerme, capitale de la Sicile islamique
p. 116-117
Texte intégral
1Palerme, appelée plus souvent Madīna (« la ville ») ou Ṣiqiliya (« la Sicile ») dans les textes arabes qui se concentrent sur elle lorsqu’ils évoquent l’île avant le xiie siècle, a connu à l’époque islamique une explosion démographique et économique. La transformation de cette ville byzantine de second rang, limitée aux murs de la cité antique que longeaient le Papireto et le Kemonia, a été initiée par sa conquête en 831 par des troupes venues de l’Ifriqiya aghlabide (cf p. 70‑71).
2Son essor dut commencer tôt, la ville devenant capitale de l’émirat insulaire dépendant de Kairouan, en lieu et place de Syracuse, la capitale byzantine de l’île, située à l’est et conquise seulement en 878. Les atouts portuaires et la proximité de Palerme avec l’Ifriqiya durent jouer un rôle dans sa promotion. L’achèvement de la conquête de l’île à la fin du xe siècle (cf p. 70‑71) accéléra sa mutation en métropole méditerranéenne chantée par les géographes arabo-musulmans.
3Son essor démographique se lit dans les textes qui décrivent les faubourgs (rabaḍ*) de la ville qui s’étendaient autour du noyau antique (Balarm ou qaṣr*) fermé de murs et ponctué de onze portes. Ce dernier était traversé par une voie centrale, bordée de négoces, allant de la partie haute de la ville, à l’ouest, à la Porte de la Mer, à l’est. Le siège du pouvoir était probablement localisé au ixe siècle à proximité de la mosquée du vendredi qui avait remplacé l’ancienne cathédrale.
4En 937, au sud-est de Balarm, sur la côte, s’ajouta la construction de la Khāliṣa destinée à abriter le palais et l’administration des représentants de la dynastie califale fatimide qui avait chassé les Aghlabides du pouvoir en Ifriqiya en 909 (cf p. 76- 77). Elle était aussi enceinte et incluait un arsenal.
5Ce sont donc deux villes (madīna-s) qu’évoquent les géographes, reliées par un tissu urbain moins dense, mais confirmé par des fouilles récentes qui ont montré l’importance des activités artisanales et de l’extension urbaine au sud. Les faubourgs durent être enceints à une date inconnue car, lors de la prise de la ville par les Latins en 1072 (cf p. 78‑79), sont évoquées une ville interne et une ville externe dont la prise exigea un siège de plusieurs mois. Le tissu urbain s’étendait dans la Conque d’Or, la plaine de Palerme qu’entourent les montagnes, intensément cultivée et irriguée, subvenant en partie aux besoins de la ville et alimentant la prospérité des élites qui y investissaient.
6Très liée à l’Ifriqiya au ixe siècle, à partir de 916 l’île fut progressivement incluse au sein d’un ensemble politique et économique fatimide qui s’étendit à l’Égypte et à la Syrie-Palestine après 969. L’activité commerciale entre Sicile, Ifriqiya et Égypte en particulier est bien documentée par les lettres de la Geniza* du Caire.
La Conca d’Oro de Palerme.

© D. Scinà, Il Golfo di Palermo, 1818.
La première description détaillée de la Palerme islamique (c. 980)
« La seule ville célèbre et réputée est Palerme, capitale de la Sicile. Elle est située au bord de la mer et se compose de cinq quartiers voisins les uns des autres, sans être séparés par une grande distance, bien que leurs limites soient bien tranchées. Il y a donc la métropole appelée Palerme, entourée d’un immense rempart de pierre, très haut et formidable. La ville est habitée par des commerçants ; on y trouve une mosquée cathédrale très vaste, ancienne église chrétienne peu de temps avant sa conquête […]
En face de ce chef-lieu est située une autre ville appelée Khalisa : elle possède un mur de pierre, qui n’est pas comparable à celui de Palerme. Le souverain et sa suite y résident : elle contient deux bains publics, mais il ne s’y trouve ni marchés ni hôtellerie. Il y a une petite mosquée cathédrale, une garnison militaire du souverain, un arsenal, ainsi que les bureaux administratifs. Cette ville a quatre portes au nord, au sud et à l’ouest ; mais à l’est, il y a la mer et un mur sans porte. »
Ibn Ḥawqal, La Configuration de la Terre, I, p. 116‑117.
Palerme islamique, une métropole politique et économique.

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