Capitales et résidences califales, de Médine à Samarra (632‑892)
p. 110-111
Texte intégral
1Après la mort de Muhammad en 632, les chefs de la nouvelle communauté restèrent à Médine. Mais ʿAlī (r. 656‑661), le quatrième de ces califes dits « bien dirigés » (les Rashīdūn) se rendit à Kufa, où il avait de nombreux partisans, afin d’affronter l’armée d’opposition organisée à Bassora autour de ʿĀ’isha, la veuve du Prophète. Son but était de combattre Muʿāwiya, gouverneur de Syrie depuis 639, qui l’accusait d’être responsable du meurtre de ʿUthmān, le troisième calife (r. 644‑656) et refusait de le reconnaître. Cette « sortie d’Arabie » devait marquer, à terme, l’effacement du rôle politique de Médine.
2Muʿāwiya, resté seul calife après l’assassinat de ʿAlī en 661, s’installa à Damas. Mais la formation d’une dynastie héréditaire n’était pas acquise. À sa mort, en 680, le pouvoir de son fils ne fut pas reconnu par Ibn al-Zubayr qui, réfugié de Médine à La Mecque, prit le titre califal d’amīr al-mu’minīn (Commandeur des Croyants). Ce fut la deuxième fitna* (cf p. 60‑61) qui ne se termina qu’en 692 avec la mort d’Ibn al-Zubayr et la victoire des Omeyyades.
3Damas, capitale de l’Empire omeyyade, n’était pas pour autant la seule résidence des califes, car leur politique reposait sur l’exercice itinérant du pouvoir, sur l’appui des tribus de la steppe syrienne, sur une forme de souveraineté patrimoniale, ce qui se traduisit par la construction de « châteaux » dans tout le Bilād al- Shām*. Déjà, Yazīd s’était fixé à Ḥuwwārīn où il mourut en 683 et les déplacements saisonniers de ʿAbd al-Malik (r. 685- 705) sont connus par un passage d’al-Balādhurī. Al-Walīd délaissait volontiers Damas pour ses palais de Jabal Says et d’al-Qaryatayn, ʿUmar II préférait Khunāṣira et Yazīd II passa la plus grande partie de son règne dans les environs d’Amman (son nom est associé aux sites d’al-Mūwaqqar, d’al-Qasṭal et de Bayt Raʾs). L’avènement de Hishām en 724 signifia le déplacement définitif du centre de gravité de la Syrie omeyyade vers la Palmyrène, avec la fondation de Qaṣr al-Ḥayr al-Gharbī et de Qaṣr al-Ḥayr al-Sharqī, et vers la Haute-Mésopotamie, avec le choix de Rusafa comme résidence principale. Aux temps troublés de la guerre civile, Marwān II (r. 744‑750), qui avait été gouverneur de Jézireh, fixa sa capitale à Ḥarrān.
4Proclamé calife en 749 à Kufa, al- Saffāḥ s’établit à proximité, puis fit bâtir près d’al-Anbār un palais qu’il nomma Hāshimiyya, en référence à Hāshim, l’ancêtre commun. Al- Manṣūr construisit d’abord, aux environs de Kufa, une nouvelle résidence, également appelée Hāshimiyya, puis fonda Bagdad en 762 (cf p. 122‑123). Mais cette prestigieuse cité ne devint définitivement la capitale de l’Empire abbasside qu’au xe siècle. En effet, de 796 à 808, Hārūn al- Rashīd, sans doute pour mieux contrôler la frontière byzantine, se fixa à Raqqa. Al- Ma’mūn, au début de son règne, résidait à Merv, dans le Khorasan et ne vint à Bagdad qu’en 819. Al-Muʿtaṣim fonda Samarra en 836 (cf p. 120‑121) pour y installer les contingents turcs et s’y établit (après avoir séjourné quelques mois à al- Qātūl), y transférant l’armée et l’administration. Ses successeurs y demeurèrent, al-Mutawakkil marquant le paysage urbain par la construction en 859 d’une nouvelle cité palatine. Jusqu’au retour d’al-Muʿtaḍid à Bagdad en 892, Samarra fut véritablement la capitale de l’empire, rivalisant en taille et en prestige avec la cité d’al-Manṣūr.
Raqqa, résidence de Hārūn al-Rashīd et de la cour de 796 à 808.

« ʿAbd al-Malik passait l’hiver à al-Ṣinnabra dans [le djund] du Jourdain. Lorsque l’hiver s’était écoulé, il se rendait à al-Djābiya, où il ordonnait que l’hospitalité soit offerte à ses compagnons ; [là,] il distribuait du bétail à ces derniers en fonction de la quantité fixée selon leur rang. Après les premiers jours de mars, ʿAbd al-Malik faisait son entrée à Damas et s’installait à Dayr Murrān, jusqu’à l’arrivée des grandes chaleurs de l’été. Il se dirigeait alors vers Baalbek où il demeurait jusqu’à ce que se lèvent les vents [annonciateurs de] l’hiver. Il retournait ensuite à Damas et, lorsque le froid devenait trop intense, il repartait pour al-Ṣinnabra. »
Al-Balādhurī (m. 982), Ansāb al-ashrāf. Trad. dans A. Borrut, p. 397‑398.
Capitales et résidences califales, de Médine à Samarra (632‑892).

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