L’islamisation de l’Afrique subsaharienne
p. 100-101
Texte intégral
1L’islamisation de l’Afrique subsaharienne commença de façon sporadique aux premiers temps du califat, puis elle se généralisa progressivement à partir des xviie-xxe siècles.
2Si les temporalités, les modalités et les agents de cette islamisation ont différé d’un lieu à l’autre, une dynamique globale se dégage toutefois. Une première phase de contact avec l’islam fut engagée dès les viie et viiie siècles dans le sillage des négociants faisant affaire avec le Dār al-Islām* : apparurent alors sur le sol africain des communautés de musulmans qui se concentraient dans les villes marchandes (à Aoudaghost en Mauritanie, à Tadmekka au Mali, à Dongola au Soudan, à Zayla ͑ en Somalie, à Lamu au Kenya, à Sofala au Mozambique) où partager un horizon intellectuel commun était certainement un avantageux vecteur de commerce.
3Dans un second temps, dès les environs du xie siècle, l’islam se politisa pour toucher certaines structures de pouvoir qui l’adoptèrent comme religion officielle (Takrur au Sénégal, Gao au Mali, Kanem au Tchad, Shoa en Éthiopie, Kilwa au Kenya), dans des perspectives qui relevaient sans doute tout autant de la diplomatie à longue distance que de la légitimation politique locale.
4Parallèlement, et non sans résistances, se multipliaient des mouvements prosélytes endogènes qui engageaient des processus d’auto-islamisation, comme l’illustre la célèbre dynamique almoravide (xie siècle), née au Sahara (cf p. 84‑85). Au-delà de considérations spirituelles, l’attrait social de l’islam, qui constituait une parade théorique à l’esclavagisme, fut peut-être l’une des clés du succès de ces mouvements. Ces redéploiements, pénétrant de plus en plus à l’intérieur du continent, menèrent, à partir du xiiie siècle, à un renouvellement des centres urbains islamisés qui, désormais, n’étaient plus uniquement des sites de marché mais aussi des pôles religieux (Oualata en Mauritanie, Tombouctou au Mali, Kano au Nigeria, Harar en Éthiopie).
5Islam et commerce y demeuraient indéfectiblement liés, notamment par le truchement de sociétés de marchands islamisés (les Hawsas, les Dioulas, les Swahilis) qui, en circulant dans les campagnes, étendirent peu à peu l’influence de la religion en dehors des élites urbaines. C’est d’ailleurs souvent au sein des populations rurales que naquirent, à l’époque moderne, les mouvements jihadistes, largement responsables de l’islamisation généralisée de grandes parties de l’Afrique subsaharienne.
Mosquée de Nora, Éthiopie xve siècle.

© C. Capel.
« Ghana se compose de deux villes situées
dans une plaine. Celle qui est habitée
par les musulmans est très belle et renferme douze mosquées, dans une desquelles
on célèbre la prière du vendredi. Toutes
ces mosquées ont leurs imams*, leurs muezzins et des lecteurs salariés. La ville possède des jurisconsultes et des hommes remplis d’érudition […]. La ville habitée par le roi
est à six milles de celle-ci […]. Le territoire
qui les sépare est couvert d’habitations […].
Dans la ville du souverain, non loin du tribunal royal, est une mosquée où les musulmans qui viennent remplir des missions auprès du prince se rendent pour faire leur prière. La ville du roi est entourée de huttes, de massifs d’arbres
et de bocages qui servent de demeure
aux magiciens de la nation, chargés du culte religieux : c’est là qu’ils ont placé leurs idoles
et les tombeaux de leurs souverains. […]
La religion de ces nègres est le paganisme
et le culte des fétiches. »
Al-Bakrī, Description de l’Afrique septentrionale, p. 328‑329.
Diffusion de l’islam en Afrique (viie-xviie siècle).

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