L’apport des Mongols au monde musulman
p. 96-97
Texte intégral
1Les Mongols provoquèrent une reconfiguration politique quasi totale du monde musulman en renversant tous les pouvoirs de l’Asie centrale jusqu’à la Méditerranée (cf p. 94‑95).
2Leurs premières campagnes vers l’ouest, qui se déployèrent entre 1217 et 1223, firent tomber les Qara-Khitai (eux-mêmes bouddhistes mais dominant des populations majoritairement musulmanes) puis les Kharezm-Shahs. Vingt ans après, une deuxième série de campagnes, de 1253 à 1260, leur permit d’écraser les Nizari*, les Abbassides et les Ayyubides.
3En 1258, la prise de Bagdad et l’exécution du calife furent considérées par les musulmans comme des événements mettant en péril l’ensemble du monde islamique. Cela ne marqua pourtant ni la fin du califat abbasside, qui se déplaça au Caire, ni le reflux de l’islam lequel, au contraire, connut un essor considérable sous les Mongols. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce renouveau de l’islamisation, à première vue paradoxal. D’abord, les Mongols avaient pour objectif de gouverner sur le long terme ; ainsi, tout en détruisant les appareils administratifs de leurs ennemis, ils en absorbaient le personnel qualifié. Dès leurs premières victoires militaires, ils recrutèrent localement des administrateurs musulmans. Nombre de secrétaires, comptables, médecins et historiens passèrent alors des cours d’Asie centrale et occidentale aux cours mongoles, où le persan s’imposa rapidement comme une des principales langues.
4Quatre lignages dynastiques se répartissaient le territoire impérial : Grands Khans, Ilkhanides, Horde d’or et Chaghatayides – tous issus des fils légitimes de Gengis Khan. Étroitement liés, Ilkhanides et Grands Khans incitèrent les savants persans et chinois à collaborer en astronomie, cartographie, agronomie ou encore en médecine, suscitant une effervescence scientifique nouvelle ; parallèlement, les débats religieux entre musulmans et bouddhistes se multiplièrent. Les élites musulmanes gagnèrent en poids politique quand les khans* se convertirent à l’islam (dès la deuxième moitié du xiiie siècle dans la Horde d’or, à la fin du xiiie siècle sous les Ilkhanides et au début du xive siècle sous les Chaghatayides). Les khans financèrent la production de manuscrits décorés de miniatures mais également la construction de mosquées, madrasas* et hammams, grâce au système du tarkhan*, qui exemptait les religieux de taxes et les encourageaient à investir dans des institutions urbaines liées à l’islam. La Horde d’or joua un rôle décisif dans le développement de l’islamisation en s’alliant dès les années 1260 avec le sultanat mamluk. En effet, l’acquisition régulière d’esclaves guerriers nés dans la steppe permit aux Mamluks de former une armée puissante et de tenir face aux Ilkhanides (cf p. 279).
5Les conquêtes mongoles ont donc engendré de profondes transformations au sein du monde musulman à de multiples niveaux : en géopolitique, mais aussi dans les arts, les sciences et les techniques. Les routes commerciales connurent aussi un développement sans précédent (cf p. 268‑269). Enfin, les Mongols poussèrent à l’innovation en théologie et dans la pratique des rituels religieux, entraînant une diffusion du soufisme* dans toute l’Asie centrale et au-delà (cf p. 192‑193).
Portail de la mosquée du khan Özbek fondée en 1314 à Solkhat en Crimée.

© M. Favereau
Coupe pour banquet, Horde d’Or, 2de moitié du xiiie siècle.

Cette coupe en or au dessin sinisant montre une inscription en alphabet arabe et langue turque, mais de gauche à droite.
© Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, SAR-1625.
La diffusion de l’islam dans l’Empire mongol.

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