Des militaires non arabes au pouvoir
Les Mamluks
p. 90-91
Texte intégral
1Lors de la croisade menée par Louis IX, qui accosta à Damiette avec ses troupes en 1250, les Ayyubides, suite à la mort du sultan al-Kāmil, s’avérèrent incapables de résister à l’attaque. Le corps d’armée d’esclaves qu’ils avaient recrutés, les mamluks, prit l’initiative militaire et fit prisonnier Louis IX à Manṣūra, une ville du Delta. Ils prirent ensuite le pouvoir suprême avec le titre de sultan. En 1258, les Mongols, sous la conduite de Hülegü, prirent Bagdad (cf p. 94-95) et assassinèrent le calife abbasside dont l’un des parents se réfugia au Caire. Les sultans mamluks lui firent allégeance, ce qui les légitimait, et le califat perdura ainsi, sans aucun pouvoir effectif.
2À ses débuts, le sultanat mamluk se limita à l’Égypte, puis, victorieux contre les Mongols à Ayn Jalut en 1260 (cf p. 296‑297), les Mamluks étendirent au Bilād al-Shām* le territoire du sultanat. Les trois décennies suivantes permirent d’unifier le territoire syrien et de fixer sur l’Euphrate la frontière avec les Ilkhans* de Perse. La réduction des places-fortes ismaéliennes porta un coup fatal au chiisme* en Syrie et la prise d’Acre (1291) liquida définitivement les États latins d’Orient.
3Aux marges de l’espace égypto-syrien, les Mamluks imposèrent l’autorité du sultan. Ils reprirent ainsi le rôle de protecteurs des lieux saints du Hedjaz et organisèrent la caravane du pèlerinage à La Mecque.
4L’expansionnisme mamluk se manifesta en Afrique dès les années 1260‑1270 : l’influence du sultanat s’étendit à l’ouest du Nil dans le désert occidental jusqu’à Barqa en Cyrénaïque et, au sud, l’invasion de la Nubie entraîna le rattachement au sultanat de la partie nord du royaume de Makurie et le contrôle intermittent de la côte occidentale de la mer Rouge. La tutelle sur la Nubie chrétienne se renforça en 1317 par l’installation d’un prince musulman sur le trône à Dongola (cf p. 310‑311).
5À la frontière nord du sultanat, la prise de Sīs (1375), capitale du royaume de Petite-Arménie, entraîna la mainmise des Mamluks sur la Cilicie après un siècle de convoitise (cf p. 296‑297).
6Plus à l’est, après les expéditions de la fin des années 1270 contre les Seljukides de Rūm, les Mamluks renforcèrent leur hégémonie dans le sud de l’Anatolie à la faveur de la dissolution de l’État ilkhanide, les principautés turcomanes indépendantes reconnaissant l’autorité du Caire dans les années 1330.
Armure mamluke, Égypte (?), premier quart du xvie siècle.

© Vienne, Kunsthistorisches Museum., n° inv. HJRK-C-85.
7Au milieu du xive siècle, le sultanat mamluk atteignit ainsi sa plus grande expansion. Au début du xve siècle toutefois, l’affaiblissement du pouvoir central lui fit progressivement perdre le contrôle de ses marges à la faveur de nouvelles puissances régionales. Le sultanat peina même désormais à imposer son autorité sur une partie de la Syrie, de la Haute Égypte et du Delta du Nil où les tribus arabes ou turcomanes affirmaient leur autonomie.
8Après une période de renouveau dans les années 1420-1450, la montée en puissance des Ottomans en Anatolie précipita la chute des Mamluks et la disparition du sultanat après la perte du Bilād al-Shām (1516) puis de l’Égypte (1517).
« Baybars fit rebâtir toutes les forteresses
de Syrie qui avaient été ruinées par les Tatars :
la citadelle de Damas, celles de Salt, de ʿAdjlûn,
de Sarkhad, de Bosra, de Baalbek, de Shayzar, de Subayba, de Shumaymîs et de Homs. Toutes furent reconstruites en entier. On nettoya
les fossés, on élargit les tours que l’on remplit de munitions. On y envoya des mamelouks et des soldats, et l’on y déposa une immense quantité de froment et de provisions
de tout genre. [...] Il s’occupa avec grand soin
de surveiller la construction des vaisseaux
de guerre. [...] Il mit en chantier, dans les ports de Damiette et d’Alexandrie, un grand nombre de galères. Il vint en personne visiter l’arsenal maritime et y établit tous les règlements
qu’il jugea nécessaires. »
al-Maqrīzī, Kitāb al-Sulūk li-maʿrifat duwal al-mulūk, trad. Sublet, Les trois vies du sultan Baïbars, p. 66.
Le territoire du sultanat mamluk dans sa plus grande extension au xive siècle.

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