Des militaires non arabes au pouvoir
Les Ayyubides
p. 88-89
Texte intégral
1La dynastie des Ayyubides doit son nom à Ayyūb b. Shādhī qui appartenait à la tribu kurde des Hadhbānī. Après avoir servi les Seljukides en Iraq, Ayyūb s’installa avec sa famille en Syrie et entra, au milieu du xiie siècle, au service du prince zenguide Nūr al-Dīn (1146‑1174). Son fils Saladin (1174‑1193), véritable fondateur de la dynastie, mit fin, en 1171, au Caire, à la dynastie des Fatimides (cf p. 76‑77) avant de succéder à Nūr al-Dīn et de réunifier le Proche-Orient islamique sous son autorité. En 1187‑1188, il remporta d’importantes batailles contre les Francs des États latins, son plus grand fait d’armes étant la reconquête de Jérusalem le 2 octobre 1187. La Troisième Croisade (1189‑1192) permit aux Francs de se maintenir sur une mince bande côtière, d’autant que les divisions de la famille ayyubide, après la mort de Saladin, affaiblirent l’esprit de jihad*.
2Une sorte de confédération familiale s’établit, qui s’étendait du Yémen au sud jusqu’à la Haute Mésopotamie, en passant par l’Égypte et la Syrie. Le frère de Saladin, al-ʿᾹdil (1200‑1218), s’imposa rapidement au Caire comme chef de famille ; c’est dans sa descendance que se transmit le pouvoir dans les États ayyubides, à l’exception de la Syrie du Nord qui resta sous l’autorité relative de la descendance directe de Saladin.
3Sur le plan extérieur, les Ayyubides durent faire face à de nouvelles croisades, mais leurs divisions internes les incitèrent souvent à négocier avec leurs ennemis au point que le sultan al-Kāmil rendit Jérusalem aux Latins en 1229. Plus graves pour les Ayyubides furent la prise de pouvoir en Égypte par les Mamluks en 1250 et surtout l’avancée des Mongols qui balayèrent le califat abbasside de Bagdad, en 1258, et envahirent la Syrie en 1260, mettant fin à la dynastie ayyubide.
4Malgré une durée de vie relativement courte, la dynastie ayyubide réussit à développer des institutions militaires et culturelles qui laissèrent des traces, et ses territoires connurent un développement démographique et économique important.
5L’origine kurde des dirigeants et de nombreux officiers n’empêcha pas le recrutement massif de Turcs dans l’armée, assurant ainsi une continuité entre le régime ayyubide et, plus tard, le régime mamluk.
6Les Ayyubides poursuivirent la politique d’expansion commerciale des Fatimides, avec les États latins et avec les villes italiennes, Venise, Gênes et Pise. Des marchands égyptiens et yéménites, les kārimī, pratiquèrent le commerce des épices dans l’océan Indien ; leur rôle économique et financier devint considérable à l’époque mamluke. La prospérité commerciale, la multiplication des cours princières et l’affaiblissement de la menace franque favorisèrent le développement des marchés et l’essor urbain.
7L’accroissement démographique fut à l’origine du développement de nombreux faubourgs à l’extérieur des remparts urbains et les princes ayyubides furent, pour la plupart, de grands bâtisseurs. Dans de nombreuses villes, d’imposantes citadelles furent construites pour devenir non seulement des ouvrages de défense mais aussi des résidences princières et le siège du pouvoir (cf p. 152‑159).
8Enfin, sur le plan religieux, les Ayyubides défendirent l’orthodoxie sunnite* face au chiisme* et à toute autre doctrine jugée hérétique. Ils fondèrent dans tous leurs territoires de nombreuses madrasas*, mosquées et couvents soufis* (cf p. 168‑169 et 198‑199). La famille du souverain, les gouverneurs, les émirs* et les ulémas* participèrent aussi à ce vaste essor de construction.
Aiguière au nom du sultan al-Malik al-Nāṣir Ṣalāḥ al-Dīn Yūsuf II (1236‑1260). Paris, musée du Louvre.

Inscriptions : [Sur la panse :] « Gloire à notre maître le sultan al-Malik al-Nāṣir, le savant, le juste, le champion de la foi, Ṣalāḥ al-dunyā wa-l-dīn Abū l-Muẓaffar Yūsuf, fils d’al-Malik al-ʿAzīz Muḥammad, fils de Ghāzī. » [Sur le col :] « Gravure de Ḥusayn fils de Muḥammad al-Mawṣilī à Damas la bien gardée en l’an 657 de l’hégire. »
© 2010, RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Hugues Dubois.
« Il est incontestable qu’al-Malik al-Afḍal Najm al-Dīn Ayyūb – que Dieu lui soit miséricordieux ! – est l’ancêtre des princes [ayyubides] et que lui et son frère al-Malik
al-Manṣūr Asad al-Dīn Shīrkūh sont les fils
de Shādhī b. Marwān. On dit aussi que
Marwān était le fils de Muḥammad b. Yaʿqūb
ou que Marwān était lui-même le fils de Yaʿqūb.
Les avis divergent sur leur origine. ʿIzz al-Dīn
Ibn al-Athīr – l’historien originaire de Mossoul –
dit qu’ils sont d’origine kurde Rawwādī, ces derniers formant une subdivision des Hadhbānī.
Certains princes ayyubides ont nié cette origine
kurde en disant : “nous sommes des Arabes établis chez les Kurdes, ayant épousé des Kurdes”. L’un d’entre eux a prétendu descendre
des Omeyyades. Al-Malik al-Muʿizz Ismā’īl b. Sayf al-Islām Ẓahīr al-Dīn Ṭughtegin b. Ayyūb, qui fut maître du Yémen après son père Sayf al-Islām Ẓahīr al-Dīn, a prétendu cela et s’est appelé ’al-Muʿizz li-Dīn Allāh’. Il s’est proclamé calife dans la khuṭba* au Yémen. Ceci se passait à l’époque où régnait son oncle al-Malik al-ʿĀdil Sayf al-Dīn Abī Bakr b. Ayyūb. Celui-ci – que Dieu lui soit miséricordieux ! – a démenti ses dires en affirmant : “Ismāʿīl a menti. Nous ne sommes pas d’origine omeyyade.” »
Ibn Wāṣil, Mufarrij al-kurub fī akhbār Banī Ayyub, I, p. 3‑4.
Les États ayyubides en 1218.

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