L’accession au pouvoir des Berbères
Les Almoravides et les Almohades
p. 86-87
Texte intégral
1La période allant du milieu du xie à la première moitié du xiiie siècle est marquée par la progressive unification de l’Occident islamique sur le modèle impérial, et l’affirmation d’un espace politique berbère de part et d’autre du Détroit de Gibraltar, liant pour plusieurs siècles les destins du Maghreb et d’al-Andalus autour d’un méridien allant de Marrakech à Séville.
2Au contraire de la période précédente, qui avait vu s’affirmer deux États forts, l’un en Ifriqiya, l’autre en al-Andalus, cette construction impériale eut désormais pour épicentre le Maghreb occidental, longtemps resté en marge de ces premières tentatives d’unité (cf p. 72‑73).
3Les deux ensembles politiques qui se succédèrent alors, les Almoravides (c. 1040‑1147) et les Almohades (1147‑1269), possèdent des caractéristiques communes. Ils étaient tous les deux issus de régions périphériques : le Sahara occidental pour les premiers, les montagnes du Sud marocain pour les seconds. Ils furent portés au pouvoir par de puissants mouvements tribaux, et animés par une forte idéologie religieuse : de manière symptomatique, ils sont d’ailleurs connus non pas d’après le nom d’un ancêtre éponyme, mais par le dogme qu’ils professaient : l’austérité malikite pour les « gens du ribat* » (al-murābiṭūn*/Almoravides), une réforme fondamentaliste pour les « unitaires » (al-muwaḥḥīdūn*/Almohades). Si l’émir* almoravide reconnaissait l’autorité de Bagdad, le souverain almohade revendiqua très vite le titre califal.
4L’unification ne se limita pas au plan politique. L’espace almoravide, qui s’étendait de Saragosse aux portes du grand Sahara en passant par Alger, puis l’espace almohade, qui englobait, suite aux victoires de Sétif (1153) et de Mahdia (1160), toutes les terres de l’Occident musulman, intégrèrent et structurèrent des flux commerciaux extrêmement divers, favorisant la circulation de traits culturels communs, et virent l’affirmation d’une remarquable architecture officielle et d’une production artisanale sans précédent. Le soufisme*, d’abord combattu par les deux pouvoirs, commença puis affirma sa conquête des cœurs et des esprits.
5Après des débuts victorieux en al-Andalus face aux royaumes chrétiens (victoires de Zallāqa 1186 et d’Alarcos 1195), les Almoravides puis les Almohades se heurtèrent à une situation militaire qui tourna à leur désavantage (défaites de Cutanda, Santarém, Las Navas de Tolosa), donnant du champ à des compétiteurs (Almohades pour les Almoravides ; Mérinides, ʿAbd al-Wadides et Hafsides pour les Almohades) qui minèrent l’édifice de l’intérieur. Au terme de la période, après la lente agonie du pouvoir almohade, le Maghreb fut partagé en trois États, alors qu’al-Andalus se réduisit au petit royaume de Grenade.
Minbar fabriqué à Cordoue en 1137 sous le patronage de l’émir almoravide ʿAlī b. Yūsuf pour orner la grande mosquée de Marrakech, et transféré par les Almohades dans la mosquée de la Kutubiyya.

Actuellement conservé au palais al-Badi à Marrakech.
© Discover Islamic Art.
« Marrakech est l’une des plus grandes villes du Maghreb occidental. Elle a été la capitale de l’émirat des Lamtûna (i.e. les Almoravides), la résidence de leur souverain et leur capitale administrative. […] Il existait une mosquée du vendredi construite par le prince [almoravide] Yûsuf b. Tashfîn. […] Lorsque les Masmûda
(i.e. les Almohades) se rendirent maîtres
de la ville et s’emparèrent du pouvoir,
ils laissèrent la mosquée en mauvais état
et en fermèrent les portes, afin qu’il ne fût
plus possible d’y prier. Ils firent construire
une autre mosquée du vendredi [la Kutubiyya] pour leur propre culte. »
Al-Idrīsī, La première géographie de l’Occident, p. 142.
Les Empires berbères.

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