L’accession au pouvoir des Turcs
Les Seljukides
p. 84-85
Texte intégral
1Au début du xie siècle, une famille appartenant aux Toquz Oghouz (les « neuf tribus »), une confédération de peuples turcs installés aux frontières septentrionales et orientales du monde islamique, se fit connaître dans l’Orient musulman en la personne de chefs de guerre islamisés, descendants d’un dénommé Saljūq.
2Les Seljukides, à la tête de troupes turkmènes, s’illustrèrent d’abord comme mercenaires au service des dynasties locales de l’Orient iranien, Samanides et Ghaznévides, avant de mener des conquêtes territoriales propres. En 1040, ils défirent les Ghaznévides à Dandānaqān, ce qui leur permit de s’emparer du Khorasan et de poursuivre leur marche vers l’ouest. En 1055, leur chef Ṭughril Beg entra à Bagdad, emprisonna le dernier émir* buyide et fit reconnaître son pouvoir par le calife abbasside, obtenant le titre de sultan. Il instaurait le règne des « Grands Seljukides », qui dominèrent les terres centrales islamiques jusqu’à la fin du xie siècle.
3Les Seljukides poursuivirent leurs conquêtes au détriment de l’Empire byzantin. La victoire obtenue à Mantzikert en 1071 leur permit de pénétrer en Anatolie où s’installa une branche cousine de la dynastie principale, celle des Seljukides de Rūm (cf p. 104‑105). Une autre branche conquit la Syrie. Tout comme les Buyides avant eux, les Seljukides ne régnaient pas sur un empire uni mais sur des territoires autonomes dévolus à différents membres de la famille : Seljukides du Kerman, d’Iraq, de Syrie et de Rūm. Sans être les premiers Turcs à gouverner des territoires musulmans (ils succédaient en cela aux Ghaznévides ou même aux Tulunides), ils inaugurèrent une ère de grandes dynasties de souverains turcs régnant sur de vastes parties du monde islamique : Seljukides, Mamluks, puis Ottomans.
4Dans la seconde moitié du xie siècle, les Grands Seljukides imposèrent au califat abbasside une tutelle politique et militaire très proche de celle exercée par les Buyides. Les sultans étaient entourés de hauts fonctionnaires persans, comme le célèbre Niẓām al-mulk (m. 1092), qui fut vizir des sultans Alp Arslān (r. 1063‑1072) et Malik Shāh (r. 1072‑1092).
5Leur cour itinérante se fixait dans les principales villes de leur empire centré sur l’Iran : Rayy, Hamadan et surtout Ispahan. Des rivalités entre prétendants au sultanat engendrèrent rapidement la division du monde seljukide, laissant la place, au xiie siècle, à une véritable renaissance abbasside au cours de laquelle le calife de Bagdad recouvra une armée, une administration et un contrôle effectif du territoire iraqien. Ce mouvement, qui culmina sous le règne du calife al-Nāṣir (r. 1180‑1223), fut interrompu par l’irruption des Mongols en Orient (cf p. 94‑95).
« Année 447/1055-56.
Cette année-là vit le début de l’État seljukide en Iraq. [Devant l’importance prise
par un émir rebelle], le calife al-Qāʾim écrivit au sultan Ṭughril Beg b. Mīkāʾīl b. Saljūq
pour lui demander de l’aide. Il lui promit
de le nommer sultan, et l’exhorta à venir
[à Bagdad]. […]
Le sultan Ṭughril Beg arriva [à Bagdad]
en ramadan, accompagné de ses armées. […] Fin ramadan, on fit la khuṭba* en mentionnant son nom après celui d’al-Qāʾim […] ; ce fut
la fin de l’État buyide, qui avait duré 127 ans, et l’État seljukide fut établi. […] Ṭughril Beg entra à Bagdad en grand apparat, et ce fut un jour mémorable ; 18 éléphants pénétrèrent dans la ville avec lui. »
al-Dhahabī, Histoire de l’Islam, vol. 30.
Trad. inédite : V. Van Renterghem.
Caravansérail* de Ribat-i Sharaf, Khorasan, xiie siècle.

© Bernard O’kane.
Les conquêtes des Turcs seljukides, 1040‑1097.

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