La reprise des mondes chrétiens
La « Reconquista » et la conquête de la Sicile par les Normands
p. 78-79
Texte intégral
1À partir du xie siècle, on assista à une expansion démographique, économique et militaire de l’Occident latin en Méditerranée, au détriment des pays d’Islam et de Byzance qui la dominaient jusqu’alors. Ce phénomène toucha principalement la péninsule Ibérique, la Sicile et la Syrie-Palestine, théâtre des croisades.
2Dans la péninsule Ibérique, les royaumes de Castille-León et d’Aragon se lancèrent dans la conquête des riches terres islamiques d’al-Andalus à la faveur de l’effondrement du califat de Cordoue en 1031.
3En 1085, Alphonse VI de Castille réussit à prendre Tolède et seule l’arrivée des Berbères almoravides en provenance du Maghreb permit d’endiguer provisoirement l’offensive chrétienne, avant qu’elle ne reprenne dès les années 1120. Les Berbères almohades restaurèrent un temps la puissance d’al-Andalus, mais leur défaite à Las Navas de Tolosa en 1212 entraîna la chute des principales villes d’al-Andalus : Cordoue en 1236, Séville en 1248. Ne subsista plus des territoires de l’Islam que le royaume de Grenade/Malaga, entre les mains de la dynastie nasride qui le conserva jusqu’en 1492. Sa conquête par les Rois catholiques marqua la fin d’al-Andalus.
4Au début du xie siècle, le sud de l’Italie était divisé entre Empire byzantin, principautés lombardes, émirat islamique en Sicile et prétentions impériales et pontificales, ce dont profitèrent des mercenaires normands à partir des années 1020‑1030. Sous la houlette d’une famille de la petite noblesse normande, les Hauteville, ils structurèrent peu à peu leur domination. S’affirmèrent ainsi Robert Guiscard (c. 1020‑1085), devenu duc de Pouille en 1057, et son frère Roger (c. 1031‑1101), bientôt comte de Sicile (1062), qui se lancèrent à l’assaut de la Sicile islamique à partir de 1060. Palerme fut prise en 1072 et la conquête de l’île, dite « normande » par facilité même si elle ne fut pas réalisée seulement par des Normands, achevée en 1091.
5Au cours des années 1120‑1130, Roger II, comte (1112‑1130), puis roi (1130‑1154) de Sicile, annexa la plupart des États sud-italiens. Il menaça alors les terres byzantines et constitua une zone d’influence en Ifriqiya, par le biais du contrôle d’emporia côtiers, afin de sécuriser le canal de Sicile et les échanges. Cette construction thalassocratique et teintée d’impérialité au centre de la Méditerranée fit toutefois long feu, les Almohades soumettant tous les territoires maghrébins dans les années 1160.
Le reflux de l’Islam en al-Andalus.

La prise de Palerme par Robert Guiscard et son frère Roger
« Et ainsi, cinq mois durant, tandis que les ennemis s’appliquaient à défendre leur ville avec une extrême vigilance, Robert [Guiscard],
assisté de son frère [Roger], s’acharnant
à ne jamais laisser les assiégés en repos, ne fut pas moins attentif à prendre la ville d’assaut. […] La ville tout entière, épouvantée par les cris
et l’agitation des assaillants, se ruant
sur les armes, se place en hâte aux postes
de défense ; le côté le moins bien gardé est laissé imprudemment vacant. Les compagnons
de Guiscard, ayant posé les échelles, franchissent
le mur ; ils prennent la ville extérieure ; ils forcent
les portes de leurs épées pour faire entrer leurs compagnons. Le duc et le comte s’établissent
à l’intérieur des murs avec toute l’armée. […]
Le lendemain matin, les dirigeants de la ville, ayant conclu un accord, avancent pour parler aux deux frères : ils n’entendaient en aucune manière violer leur loi ni l’abandonner, mais,
s’ils étaient assurés qu’on ne leur imposerait rien qui fût contraire à leur foi et qu’ils ne seraient pas assujettis à de nouvelles lois, puisque
la fortune présente l’exigeait, ils remettraient
la ville entre leurs mains, les serviraient fidèlement, paieraient les tributs* ; et ils promirent solennellement de confirmer cet engagement par un serment sur leur loi. »
Geoffroi Malaterra (fin du xie siècle), Histoire du Grand Comte Roger et de son frère Robert Guiscard, II, chap. 45.
Tari frappé au nom de Roger II, Messine (1105‑1154).

Le tari d’époque normande s’inspire des frappes islamiques antérieures auxquelles il ajoute des éléments chrétiens et grecs.
© cgb.fr.
Les étapes de la construction normande en Méditerranée centrale.


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