Un moment chiite de l’histoire du Maghreb et de l’Égypte
Les Fatimides
p. 76-77
Texte intégral
1Né dans la clandestinité en Orient, c’est en 909, au Maghreb, que le mouvement ismaélien* éclata au grand jour lorsque le missionnaire envoyé sur place, Abū ʿAbd Allāh, permit à ʿAbd Allāh al-Mahdī (910- 934) de devenir le premier imam*-calife chiite ismaélien. Le mouvement ismaélien reposait sur la croyance en la réincarnation du septième imam, Muhammad b. Isma’il, descendant de Muhammad. Il était attendu comme le mahdī* ou messie.
2Vers 899, en Syrie, le grand maître du mouvement ismaélien, Saʿīd b. al-Ḥusayn, déclara être le Mahdī attendu. Devant les remous que cela provoqua, ʿAbd Allāh se réfugia en Afrique du Nord, loin de la police abbasside, mais dans une zone où l’un de ses missionnaires avait recruté assez de fidèles pour permettre l’érection du premier État califal des Fatimides, concurrent des Abbassides qu'ils considéraient comme illégitimes.
3Orientaux d’origine, les Fatimides cherchèrent très vite, et sans succès, à repartir à l’assaut de l’Orient. En Ifriqiya, ils fondèrent des capitales prestigieuses telles Mahdia sur la côte tunisienne, puis Ṣabra al-Manṣūriyya, près de Kairouan.
4C’est au calife al-Muʿīzz (953‑975) que revint le prestige des grandes victoires, en Sicile, et surtout en Égypte, conquise en 969. Il s’installa en 973 dans sa nouvelle capitale du Caire (cf p. 118‑119) qui, au cours des deux siècles suivants, devint le nouveau pôle culturel et économique du monde musulman.
5Après une première phase d’expansion durant laquelle les Fatimides surent profiter de la proximité de la mer Rouge et de la Méditerranée pour développer le commerce et s’enrichir, dans les années 1060, une période de crises épouvantables mit en péril le califat. Il survécut, mais sa nature fut profondément transformée. De tout puissants, les califes devinrent les créatures de leurs vizirs alors que leur projet d’expansion vers l’Orient tournait court et que leurs terres occidentales du Maghreb et de Sicile s’autonomisaient. Au xiie siècle, les crises de succession, les échecs militaires face aux croisés, ainsi que les contestations religieuses dont les califes faisaient de plus en plus l’objet de la part des sunnites, provoquèrent des difficultés qui finirent par emporter la dynastie en 1171.
Aiguière en cristal de roche. Égypte, fin xe-début xie siècle.

Paris, musée du Louvre, Mr. 333.
© 1982, RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Peter Willi.
« Al-Qurtubi a hiverné à Mahdia […] S’il a passé un accord avec lui, je l’achèterai (du corail)
à Mahdia […]. Je voudrais aussi vous demander d’en acheter 5 à un prix correct. […] Ta famille est saine et sauve comme tu le souhaitais. Depuis peu la population égyptienne profite d’un peu de justice et de sécurité.
Cette année [les récoltes] étaient indescriptibles.
Le Nil était magnifique. Les voyageurs
qui étaient restés à Qûs jusqu’à maintenant disent que […] les routes ont été réouvertes puisque les marchands qui se trouvaient bloqués à ’Aydhâb sont enfin arrivés
après avoir pu passer suite à leur obtention
des autorisations du gouvernement. Il y avait 3 000 ballots à ’Aydhâb et maintenant 6 000 ou 10 000 supplémentaires sont arrivés. Un des premiers arrivés fut Jospeh b. al-Labdi qui avait 80 balles de laque empaquetées à Nahrwara et 50 balles de poivre […]. »
Lettre écrite par un grand négociant en Égypte vers 1101. Auteur anonyme.
Extrait de la Geniza* du Caire, ENA 2730, fol. 7.
L’expansion fatimide entre 960 et 1153.

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