La régionalisation du pouvoir
Le Maghreb
p. 72-73
Texte intégral
1À la fin de l'époque omeyyade, la révolte berbère de 740 avait détaché une grande partie du Maghreb de l’autorité du califat de Damas. La carte politique nouvelle qui en a résulté, complexe et mal connue, ne s’est stabilisée qu’au début du ixe siècle : l’espace y était morcelé par des pouvoirs qui assumaient un caractère original, voire subversif, vis-à-vis du pouvoir califal et de la norme socio-politique qui y était en vigueur, le kharijisme* notamment. L’emprise territoriale des États y est difficile à cerner : la géographie des ateliers de frappe monétaire, parfois aussi leur absence, permet toutefois de fournir un état des lieux géopolitique.
2L’Occident se distinguait avant tout par un espace morcelé, où le contrôle du territoire restait le plus souvent hypothétique, à l’exception de deux pôles de pouvoir, al-Andalus et l’Ifriqiya, où il était à peu près effectif et globalement délimité : la péninsule Ibérique, capitale Cordoue, était depuis 756 indépendante de Bagdad, tandis qu’en Ifriqiya régnaient les émirs* aghlabides, installés avec une large autonomie par les Abbassides en 800, mais contrôlant leur territoire de manière plus diffuse.
3Le Maghreb extrême* était, depuis 789, le domaine des Idrissides, à qui la tradition médiévale et l’historiographie moderne attribuent la genèse du Maroc. Les choses sont plus complexes : partagé à la mort d’Idris II en 828, le domaine idrisside, dont les princes étaient proches du chiisme*, a pris la forme d’une nébuleuse dont les rapports de force internes restent opaques. Siégeant à Tahert, les imams* rustémides, caractérisés comme ibadites*, régnaient quant à eux, selon les sources, sur l’ensemble des Ibadites d’Occident, mais ce lien de domination peut être interrogé : régnaient-ils vraiment sur le Jabal Nafūsa, dans l’arrière-pays de Tripoli, comme l’affirme la tradition ?
4Il faut ajouter à ces puissances une série de principautés de moindre envergure qui, très mal connues, confirment l’atomisation de l’espace politique maghrébin, tels les Midrarides de Sijilmasa, kharijites sufrites, les Barġawāṭa de la plaine atlantique marocaine, tenants d’un islam berbérisé, ou encore les Salihides de Nakūr (Rif oriental).
« Par la suite, le califat en Orient s’affaiblit […], le mal berbère s’étendit, et la plaie
du khâridjisme empira. Les chefs
de ce mouvement appelèrent à la révolte
dans tous les coins du pays, cherchant
par tous les moyens à s’emparer du pouvoir
et propageant leurs doctrines hérétiques. »
Ibn Khaldūn, Kitāb al-ʿIbar, II, p. 165.
Plus ancien dirham frappé en al-Andalus par un émir indépendant, ʿAbd al-Raḥmān Ier (762).

© Collection Tonegawa.
Kairouan, la mosquée des trois portes, ixe siècle.

© Fehmi Bouguezzi, 2015.
La fragmentation de l’Occident musulman au ixe siècle.

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