Éclatement du califat abbasside au xe siècle

Eugénie Rébillard et Vanessa Van Renterghem

p. 68-69


Texte intégral

1Les évolutions politiques frappantes du xe siècle sont un morcellement accru du territoire abbasside, l’apparition de califats rivaux et la mise sous tutelle des califes de Bagdad par des chefs militaires chiites, les Buyides.

2Au début du xe siècle, les Abbassides, fragilisés entre autres par les attaques des Qarmates*, renforcèrent leur contrôle sur l’Iraq et les territoires voisins en multipliant les circonscriptions policières.

3La mainmise des militaires sur l’État favorisa les situations de cumul, d’une part des fonctions de gouverneur et de chef de la police d’une même circonscription, et d’autre part de plusieurs circonscriptions policières.

4Cette concentration des pouvoirs généra des velléités d’indépendance que le calife ne parvenait plus à contenir, comme en témoigne la carrière d’Ibn Rā’iq (m. 942). Gouverneur de Wāsiṭ, il dirigea les polices de Bassora et de Wāsiṭ, avant d’être nommé généralissime de l’armée (grand émir*, amīr al-umarā’), fonction qui faisait de lui le souverain effectif.

5L’autonomisation des régions abbassides fut suivie par l’apparition d’États indépendants, qui ne reconnaissaient pas tous la légitimité des Abbassides. Au Maghreb, l’une des branches du chiisme*, le mouvement ismaélien*, prit le pouvoir grâce au soutien de tribus berbères. Leur chef ʿUbayd Allāh fonda en 909 le califat fatimide (cf p. 76‑77), rival de celui des Abbassides, qui perdura plus de deux siècles et régna sur le Maghreb, puis l’Égypte et la Syrie.

6En 929, le descendant de la lignée omeyyade en al-Andalus se proclama également calife à Cordoue : trois califats se disputaient désormais la gouvernance du monde musulman, deux sunnites* et un chiite ismaélien.

7Peu après, dans les années 940, des chefs de guerre originaires du Daylam (au sud de la mer Caspienne), les Buyides, prirent le pouvoir en Iran et en Iraq. Ils imposèrent aux Abbassides une tutelle politique dans laquelle le souverain buyide, s’arrogeant le titre de « grand émir », menait la politique de son choix tandis que le calife se voyait privé d’armée et dépossédé de ses ressources fiscales. Les Buyides régnaient aussi sur une bonne partie de l’Iran, mais leur pouvoir fut divisé en plusieurs émirats, dirigés chacun par un membre de leur famille.

Les circonscriptions policières en Iraq au début du xe siècle.

« Événements des années 324-25/935-37.
[Le calife informa Ibn Rāʾiq] qu’il l’investissait de l’émirat et de la direction de l’armée, et
le nommait grand émir (amīr al-umarāʾ). Il lui confiait l’administration de l’impôt foncier (kharāj) et des domaines, le contrôle des circonscriptions rurales, dans toutes
les régions, et lui remettait le gouvernement du royaume (mamlaka*). Il ordonnait aussi que la khuṭba* soit faite en son nom du haut
de tous les minbars du pays. […]
À partir de ce jour, le vizir [du calife] perdit tout pouvoir. […] Ibn Rāʾiq et son secrétaire (kātib) prirent le contrôle de tout, et il en fut ainsi pour tous ceux qui furent investis
de l’émirat après lui, et ce, jusqu’à aujourd’hui. […]
Le monde entier passa aux mains de ceux
qui s’en étaient emparé, qui devinrent des rois de principautés. Quiconque se rendait maître d’un territoire en devenait le souverain et
en confisquait les impôts. […] Il ne resta plus
au calife et à Ibn Rāʾiq
que le Sawād et l’Iraq. »

Miskawayh (m. 1030), Expériences des nations, p. 443‑444 et 459. Trad. inédite : V. Van Renterghem.

Éclatement du califat abbasside au xe siècle. 


Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.